Jurisprudence : CAA Lyon, 1ère, 12-04-2022, n° 20LY01529


Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 20LY01529

1ère chambre
lecture du 12 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C A a demandé par deux demandes distinctes au tribunal administratif de Grenoble d'annuler d'une part, l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel le maire d'Aix-les-Bains a délivré à M. B un certificat d'urbanisme sur le fondement de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société Panorama un permis de construire douze logements sur une parcelle cadastrée D, ainsi que les décisions du 15 mars 2019 rejetant ses recours gracieux contre chacun de ces arrêtés.

Par un jugement n° 1903424, 1903425 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a, après les avoir jointes, rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mai 2020 et deux mémoires en réplique enregistrés le 10 novembre et le 14 décembre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A, représenté par la Selas CCMC avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 octobre 2016 et du 6 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de chacun des intimés la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt pour agir en sa qualité de voisin immédiat du projet et dès lors que ce projet sera à l'origine d'un préjudice de vue et d'agrément ;

- le jugement a omis de répondre au moyen tiré de ce que la modification n°4 du PLU d'Aix-les-Bains prescrite par délibération du conseil municipal d'Aix-les-Bains du 30 juin 2016 et adoptée par délibération du 8 décembre suivant du conseil communautaire Grand Lac Communauté d'agglomération était en réalité une révision de ce PLU, puisqu'elle induisait une atteinte aux orientations générales du plan d'aménagement et de développement durable (PADD) ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 27 octobre 2016 :

- le certificat d'urbanisme ne mentionne pas la possibilité pour le maire de la commune de surseoir à statuer en méconnaissance de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ; cette mention était exigible d'une part, parce qu'à la date du certificat en litige, la procédure de modification n°4 du PLU d'Aix-les-Bains était en cours ; d'autre part, parce que la communauté d'agglomération Grand Lac avait prescrit l'élaboration du PLU intercommunal et que les travaux relatifs à ce PLU présentaient un état d'avancement suffisant ;

- la modification n°4 du PLU d'Aix-les-Bains prescrite par délibération du conseil municipal d'Aix-les-Bains du 30 juin 2016 et adoptée par délibération du 8 décembre suivant du conseil communautaire Grand Lac Communauté d'agglomération était en réalité une révision de ce PLU, puisqu'elle induisait une atteinte aux orientations générales du plan d'aménagement et de développement durables (PADD) ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 6 décembre 2018 :

- le permis de construire est illégal compte tenu des illégalités précitées du certificat d'urbanisme du 27 octobre 2016 ;

- si la Cour devait écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité, le pétitionnaire ne pouvait en tout état de cause pas se prévaloir de la cristallisation des règles d'urbanisme applicables à la date du certificat d'urbanisme, dès lors que ce certificat n'était pas exécutoire, faute d'avoir été transmis au préfet en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales et dès lors que la demande de permis en litige, déposée dans le délai de validité de ce certificat était incomplète ;

- en refusant d'opposer un sursis à statuer sur cette demande, le maire d'Aix-les-Bains a entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste d'appréciation ; le projet rend plus onéreux et compromet l'exécution du PLU dans sa rédaction à venir compte tenu de la modification n° 4 ainsi que celle du futur PLUi ;

- alors que le projet dénature le site où s'implante la maison Chaneac, inscrite à l'inventaire des monuments historiques, l'insuffisance de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France confine à l'absence de consultation ; cet avis, favorable assorti de prescriptions, est entaché d'erreur d'appréciation ;

- le permis méconnaît le caractère de la zone UD, caractérisé par une densité moyenne à faible ;

- le permis en litige méconnait l'article 6 des dispositions générales du règlement du PLU d'Aix-les-Bains ; le projet ne prévoit aucune aire de collecte sur le chemin Alexandre Toudouze ou sur ses deux débouchés sur le boulevard des Anglais ;

- le permis en litige méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; l'ampleur du projet engendrera une augmentation du trafic sur la voie de desserte, le chemin Alexandre Toudouze, laquelle ne présente pas les caractéristiques suffisantes permettant d'assurer la sécurité des usagers ;

- le permis en litige méconnait l'article UD7 du règlement du PLU ; la construction permettant l'accès au sous-sol située au Nord, qui n'est pas complètement enterrée, est implantée en limite séparative en violation des règles de prospect ; le parking de la construction projetée implanté en limite sud, méconnait les règles de l'article UD7 ; à supposer que le chemin des Cailloux Ronds, en limite sud, soit considéré comme une voie ouverte à la circulation publique, la violation de l'article UD6 est acquise dès lors que le règlement prévoit également le respect d'un prospect de quatre mètres méconnu en façade Sud ;

- le permis en litige méconnait l'article UD9 du règlement du PLU ; le coefficient d'emprise du projet tel qu'il est autorisé (0,9) est largement supérieur à celui autorisé dans la zone UD et fixé à 0,4 ;

- le permis en litige méconnait l'article UD10 s'agissant de la hauteur de la façade ouest au niveau de l'accès du bâtiment ; de même, l'extrémité de la toiture plate en façade Sud s'établit à 10,5 mètres par rapport au terrain naturel et dépasse de 50 centimètres la hauteur maximale autorisée ; ce débord de toiture plate ne faisant l'objet d'aucune dérogation et ne saurait être qualifié de pergola ;

- le permis en litige méconnait l'article UD11 ainsi que l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme s'agissant de son gabarit, ses dimensions, son aspect architectural ainsi que sur son volet paysager ; par ailleurs, le projet prévoit une toiture présentée comme " gauche et végétalisée " alors qu'il s'agit d'une toiture à quatre pans et de pente inférieure à 50 %.

Par un mémoire enregistré le 9 septembre 2020, la commune d'Aix-les-Bains, représentée par la SELARL Sindres, conclut au rejet de la requête, et à ce que le requérant lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions pour opposer un sursis à statuer n'étaient pas remplies à la date du certificat d'urbanisme en litige et ce dernier n'avait donc pas à mentionner cette possibilité ; l'existence d'une procédure de modification n° 4 du PLU de la commune d'Aix-les-Bains n'autorisait pas le maire à faire usage de la procédure de sursis à statuer ; de même, la procédure d'élaboration du PLUi initiée par délibération du conseil communautaire du novembre 2014 n'était pas suffisamment avancée ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire d'Aix-les-Bains n'avait pas entaché le permis en litige d'une erreur manifeste d'appréciation, en n'opposant pas de sursis à statuer au regard du degré d'avancement insuffisant du PLUi ;

- le certificat en litige a produit des effets à la date de son édiction, indépendamment de l'absence de transmission au préfet de la Savoie, lequel a dans une circulaire du 22 mars 2019 exonéré les certificats d'urbanisme d'information de transmission ;

- une demande de permis de construire complète a été déposée dans le délai de validité du certificat d'urbanisme en litige ;

- le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que le permis en litige méconnaîtrait les caractéristiques de la zone UD, lesquelles n'ont pas de valeur réglementaire ;

- le projet prévoit d'utiliser les aires de collecte des ordures ménagères à l'entrée et en sortie du chemin de Toudouze ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, M. B, représenté par la Selarl Maillot avocats et associés, conclut au rejet de la requête, et à ce que le requérant lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2020, la société Panorama, représentée par Me Winckel, conclut au rejet de la requête, et à ce que le requérant lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 décembre 2020 par une ordonnance du 27 novembre précédent en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par lettre en date du 7 mars 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser les vices tirés de la méconnaissance des articles UD7, UD10 (ensemble de la façade ouest) et UD11 du règlement du PLU ainsi que l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme (défaut d'insertion du projet).

Le requérant et la société Panorama ont, en réponse à ce courrier, chacun présenté leurs observations enregistrées au greffe le 10 mars 2022. Ces observations ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Chopineaux pour M. A, de Me Kauffmann pour la commune d'Aix-les-Bains, de Me Castagnino pour M. B et celles de Me Winckel pour la société Panorama ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 27 octobre 2016, le maire d'Aix-les-Bains a délivré à M. B un certificat d'urbanisme sur le fondement des dispositions de l'article L. 410-1 a) du code de l'urbanisme. Par arrêté du 6 décembre 2018, le maire d'Aix-les-Bains a délivré un permis de construire douze logements à la société Panorama, laquelle s'est prévalu du certificat d'urbanisme précité à l'appui de sa demande de permis. M. A relève appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ainsi que des décisions rejetant ses recours gracieux contre chacun des arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la modification n° 4 du PLU d'Aix-les-Bains prescrite par délibération du conseil municipal d'Aix-les-Bains du 30 juin 2016 et adoptée par délibération du 8 décembre suivant du conseil communautaire Grand Lac Communauté d'agglomération était en réalité une révision de ce PLU, puisqu'elle induisait une atteinte aux orientations générales du plan d'aménagement et de développement durables (PADD). Il ressort toutefois des écritures de première instance que ce moyen n'était pas mentionné dans les écritures du demandeur, lequel a d'ailleurs précisé qu'il ne souhaitait pas obtenir l'annulation de ladite délibération par voie de l'exception. Dans ces conditions, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer et est, par suite, régulier.

Sur la recevabilité de la demande :

3. D'une part, eu égard aux effets qu'ils sont susceptibles d'avoir pour leurs destinataires et pour les tiers intéressés, les certificats d'urbanisme délivrés sur le fondement des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi dite SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, doivent être regardés, que la demande à laquelle ils répondent ait ou non précisé une opération particulière, comme des décisions administratives susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement () ".

5. M. A, qui justifie être occupant d'un bien immobilier situé à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et fait valoir qu'il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, s'agissant de sa vue et de son cadre de vie dans la jouissance paisible de son bien, justifie d'un intérêt suffisant pour contester les deux arrêtés en litige.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 octobre 2016 :

6. M. A soutient en premier lieu que le certificat d'urbanisme méconnait l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne mentionnerait pas la possibilité pour le maire de la commune de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme.

7. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Le certificat d'urbanisme () a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / () Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. / Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. ".

8. D'une part, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il résulte des dispositions précitées au point 7 que l'existence au moment de l'édiction du certificat d'urbanisme en litige d'une procédure de modification d'un plan local d'urbanisme n'autorise pas le maire à faire usage de la procédure de sursis à statuer.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la procédure de modification n° 4 du PLU communal adoptée par délibération du 8 décembre 2016 de la communauté de communes du Grand Lac a eu pour objet unique l'instauration d'un coefficient d'emprise au sol en zone UD après que les dispositions relatives au coefficient d'occupation des sols ont été supprimées en vertu de l'article 157-IV de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Le requérant, qui ne démontre pas, en se bornant à invoquer " l'importance " des surfaces concernées par les zones UD à l'échelle de la commune, que cette modification a eu pour conséquence de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, n'est ainsi pas fondé à soutenir que les modifications relevaient de la procédure de révision et que le maire a illégalement mis en œuvre une modification du PLU.

10. Enfin, si une délibération du 19 novembre 2014 de l'organe délibérant de la communauté d'agglomération Grand Lac a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme en litige, ce projet de PLUi était suffisamment avancé pour que les conditions mentionnées à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme précité soient réunies.

11. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le certificat d'urbanisme en litige serait, du fait de l'incomplétude de ses mentions, entaché d'illégalité, n'est pas fondé.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 décembre 2018 :

En ce qui concerne les effets du certificat d'urbanisme du 27 octobre 2016 :

12. Le certificat d'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi ces règles, figure la possibilité, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.

13. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Le permis de construire du 6 décembre 2018 n'étant pas pris en application du certificat d'urbanisme du 27 octobre 2016 et ce dernier n'en constituant pas sa base légale, le requérant ne peut utilement exciper de l'illégalité de ce certificat à l'encontre du permis de construire en litige.

14. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, la procédure de modification d'un PLU ne pouvant fonder un sursis à statuer, les conditions prévues à l'article L. 153-11 pour opposer un sursis à statuer à la demande de permis en litige du fait de la modification n° 4 du PLU communal n'étaient pas réunies à la date de délivrance du certificat d'urbanisme. De même, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du certificat d'urbanisme litigieux, nonobstant la procédure de modification n° 4 menée concomitamment à la procédure d'élaboration du PLUi, le projet de PLUi ait été suffisamment avancé pour fonder un sursis à statuer à la demande de permis de construire en litige. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en n'opposant pas à la demande de permis de construire en litige un sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme le maire a entaché l'arrêté litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 2131-1 et du 6° de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales que les certificats d'urbanisme délivrés sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 précité doivent être transmis au représentant de l'Etat dans le département. Toutefois, la circonstance que le certificat d'urbanisme litigieux n'ait pas été transmis au préfet de la Savoie est sans effet sur la règlementation applicable au permis attaqué, laquelle s'apprécie uniquement à la date de délivrance de ce certificat.

16. En quatrième lieu, quand bien même la demande de permis de construire en litige a fait l'objet d'une demande de pièces complémentaires par courrier du 17 mai 2018 et que le pétitionnaire a déposé en août et novembre 2018 d'autres pièces, la demande de permis de construire déposée le 25 avril 2018, qui comportait le formulaire Cerfa, complété d'une notice et d'une annexe, de plans de situation, de masse, de coupe, des toitures, des façades et stationnements ainsi que de photos d'insertion, ne caractérisait pas une demande incomplète et dilatoire visant uniquement à proroger les effets du certificat d'urbanisme litigieux.

En ce qui concerne l'avis de l'architecte des bâtiments de France :

17. Il est constant que le projet se situe dans le périmètre et en situation de co-visibilité de la maison Chaneac, protégée au titre des monuments historiques. Il en résulte que le permis de construire en litige ne pouvait être délivré que sur avis conforme de l'architecte des bâtiments de France, lequel a été consulté en vertu des articles L. 621-30 et suivants du code du patrimoine.

18. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France a rendu le 24 mai 2015, un avis favorable assorti d'une prescription portant sur la conservation du mur de soutènement existant ou sa reconstruction à l'identique et de recommandations quant aux matériaux à utiliser pour les garde-corps et quant à l'intégration des caissons des volets roulants à l'intérieur des logements. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avis rendu est insuffisant.

19. Par ailleurs, le requérant, qui se borne à faire état de considérations générales sur l'insertion du projet dans son environnement proche sans démontrer en quoi il porte atteinte aux abords de la maison Chanéac, n'est pas fondé à soutenir que cet avis, dont le bien-fondé peut être contesté à l'appui du recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire, était entaché d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'application du règlement du PLU communal :

20. En premier lieu, le requérant soutient que le projet n'est pas conforme au caractère du secteur tel que défini par les dispositions générales du début du chapitre 5 du règlement et relatif aux secteurs UD lequel définit le secteur Ud comme " correspondant principalement aux secteurs de densité moyenne à faible, caractérisés par un mélange de typologies de construction : constructions plus ou moins anciennes, maison de ville à l'architecture particulière et villas récentes à l'architecture variée. ". Toutefois, ces dispositions ne sont pas opposables en tant que telles aux autorisations d'urbanisme et ne sauraient ajouter aux articles 1 et 2 du règlement relatif aux zones UD, lesquels n'interdisent pas la construction d'immeubles collectifs. Le moyen tiré de la non-conformité du projet aux dispositions précitées doit donc être écarté comme inopérant.

21. En deuxième lieu, l'article 6 des dispositions générales du règlement prévoit que " Pour toute opération d'habitat individuel de plus de 3 logements, une aire de collecte pour les ordures ménagères devra être prévue à proximité de la voie publique ". Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis favorable du gestionnaire du service, que le camion de collecte des ordures ménagères ne dessert pas le chemin Alexandre Toudouze au droit duquel s'implante le projet. Le permis de construire litigieux prescrit au pétitionnaire d'utiliser les aires de collecte existantes situées aux extrémités de ce chemin et aux croisement du boulevard des Anglais. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le projet ne prévoit pas d'aire de collecte des ordures ménagères conformément aux dispositions précitées.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article UD7 du règlement du PLU d'Aix-les-Bains : " 1. Dispositions générales : Sauf dispositions particulières, les constructions doivent être édifiées de telle sorte que la distance horizontale de tout point du bâtiment à édifier au point le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à 4 m, exceptions faites pour : - les sous-sols complètement enterrés ; - les débords de toiture, balcons, escaliers non cloisonnés, oriels, pergolas, qui peuvent outrepasser une profondeur de 1,20 m maximum cette distance minimum. () ".

23. D'une part, il ressort des plans de masse joints à la demande de permis que les accès à la partie de la construction dédiée aux stationnement sont implantés le long de la limite séparative nord. Alors même que ces accès se situent pour partie sous le terrain naturel avant travaux, ils forment avec la partie de la construction située en rez-de-chaussée et dédiée aux stationnements, une façade non enterrée dont le plafond constitue la dalle des terrasses du premier étage. Dans ces conditions, l'implantation des accès aux stationnements en limite séparative Nord méconnait les dispositions de l'article UD 7 précité.

24. D'autre part, le requérant ne peut utilement soutenir que l'implantation de la construction en limite séparative Sud méconnaît les mêmes dispositions, dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le chemin des Cailloux Ronds bordant le terrain d'assiette au sud, est une voie publique dont les règles de prospect relèvent du champ de l'article UD6.

25. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la partie de la construction dédiée aux stationnements en rez-de-chaussée implantée en limite sud du terrain d'assiette, bien que partiellement construite en sous-sol, supporte une façade végétalisée et une terrasse dont l'implantation ne respecte pas les règles de prospect mentionnées à l'article UD6 qui prévoit que la façade sur rue des constructions doit s'implanter sur ou au-delà d'une ligne de recul de 10 mètres par rapport à l'axe des voies actuelles et au minimum à 4 mètres de la limite de l'emprise publique.

26. En quatrième lieu, le permis de construire litigieux a été obtenu au bénéfice d'un certificat d'urbanisme délivré par arrêté du maire d'Aix-les-Bains le 27 octobre 2016 qui a eu pour effet de cristalliser le droit applicable à la date de sa délivrance. Le coefficient d'emprise au sol de 0,10 introduit par la modification n° 4 du plan local d'urbanisme à l'article UD 9 du règlement du plan local d'urbanisme n'est, dès lors, pas opposable au projet et ne peut être utilement invoqué.

27. En cinquième lieu, aux termes de l'article UD10 du même règlement : " 1. Disposition générale : La hauteur est prise à la verticale de tout point du faitage du toit ou à l'acrotère par rapport au terrain naturel avant travaux. Hors accès ponctuel au sous-sol, la partie visible d'une façade située en dessous du terrain naturel avant travaux, ne pourra excéder une hauteur de 2 m. La hauteur au faitage des bâtiments ne peut excéder 10 mètres. ()".

28. Il ressort des plans de masse, notamment celui de la façade ouest que cette dernière présente sur la totalité de sa longueur une hauteur de plus de deux mètres en dessous du terrain naturel avant travaux et que la dalle constituant le plafond du rez-de-chaussée dédié au stationnement se confond avec le plancher des terrasses des appartements situés au niveau immédiatement supérieur. Dans ces conditions, la construction projetée, dont la partie du bâtiment en rez-de-chaussée dédiée au stationnement ne peut être assimilée à un accès ponctuel au sous-sol bien qu'elle comporte un tel accès en limite séparative Nord, méconnait les dispositions mentionnées au point précédent. En revanche, il ne ressort pas des plans de coupe des façades Nord et Sud que la hauteur du bâtiment par rapport au terrain naturel avant travaux prise à l'acrotère du toit excède la hauteur autorisée par les dispositions précitées et fixée à 10 mètres.

29. En sixième lieu, l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme autorise les toitures à pan, comportant au moins deux pans, avec une pente comprise entre 50 et 80 % ou une toiture en forme de dômes, voutes ou surfaces gauches. Il autorise par ailleurs les toitures terrasses sous réserve que leur emprise soit végétalisée.

30. Il ressort des pièces du dossier que la construction projetée comporte deux volumes, l'un recouvert d'une toiture terrasse accessible et partiellement végétalisée et l'autre, présentée comme une " surface gauche végétalisée ". Il ressort toutefois des plans de toiture et des plans de coupe que cette dernière toiture se caractérise par quatre pans, végétalisés dont la surface n'apparaît aucunement gauche mais plate et qui, selon la notice jointe à la demande, nécessitent une pente inférieure à 15% pour maintenir la végétation. Enfin, contrairement à ce que soutient la société intimée, les dispositions de l'article L. 111-16 du code de l'urbanisme, qui prévoient que " Nonobstant les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions des plans locaux d'urbanisme () le permis de construire () ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ", n'ont pas pour effet d'écarter l'application d'un PLU qui, sans interdire de tels matériaux ou procédés, impose des pentes minimales pour les toitures. Dans ces conditions, la toiture désignée comme " gauche végétalisée " méconnaît les dispositions précitées à l'article 29.

31. En septième lieu, en se bornant à soutenir que le projet prévoit un espace trop important dédié au stationnement en front du chemin de Toudouze, le requérant n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour qu'il y soit statué.

En ce qui concerne l'application des dispositions générales du code de l'urbanisme :

32. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

33. Il ressort des pièces du dossier que la construction projetée présente dans son environnement proche des constructions à l'aspect architectural hétérogène dont certaines, implantées à proximité de l'intersection du chemin de Toudouze avec le boulevard des Anglais, présentent des gabarits et formes similaires. Dans ces conditions, et alors même que la construction projetée est plus imposante que les constructions de type pavillonnaire immédiatement voisines, le maire, en délivrant le permis de construire en litige, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 32.

34. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

35. Les intimés soutiennent que le chemin de Toudouze, voie publique qui dessert le projet et dont la largeur est comprise entre quatre mètres et cinq mètres cinquante jusqu'au droit du projet et qui est interdite aux camions de plus de trois tonnes et demies, ne peut être desservi par les services d'incendie et de secours, est trop étroite et présente un caractère de dangerosité qui s'aggravera compte tenu de la circulation supplémentaire induite par le projet. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette voie, située en agglomération et qui dessert une quinzaine de logements existants est rectiligne et doit faire l'objet d'un élargissement à sept mètres au droit de l'accès au projet lequel permet une bonne insertion des véhicules. Dans ces conditions, la circulation nouvelle induite par le projet n'est pas susceptible d'aggraver les conditions de circulation existantes de façon telle à ce que cela engendrerait des risques en matière de sécurité publique. Par ailleurs, l'interdiction de circulation des camions de plus de trois tonnes et demie n'est pas opposable aux véhicules du SDIS qui peuvent emprunter le chemin de Toudouze. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 34 que le maire d'Aix-les-Bains a délivré les permis en litige.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

36. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

37. Les vices affectant le permis de construire, relevés aux points 23, 25, 28 et 30 du présent arrêt, apparaissent susceptibles d'être régularisés, sans que la nature même du projet ne soit modifiée, quand bien même un nouveau plan local d'urbanisme a été adopté et restreint les possibilités de construction sur le terrain en y réduisant le CES. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à six mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la requérante pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

DECIDE :

Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration du délai de six mois fixé au point 37.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties dans cette instance sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C A, à la société Panorama, à M. B et la commune d'Aix-les-Bains.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

Christine PsilakisLa présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus