Jurisprudence : Cass. crim., 15-06-1992, n° 91-86053, publié au bulletin, Cassation

Cass. crim., 15-06-1992, n° 91-86053, publié au bulletin, Cassation

A0705ABQ

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CASSATION sur le pourvoi formé par :

- X... Claude,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 10 octobre 1991, qui l'a condamné pour escroqueries à 4 mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.



LA COUR,



Vu le mémoire produit ;


Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 405 et 42 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motif, manque de base légale :


" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude X... coupable du délit d'escroquerie et l'a condamné à une peine d'emprisonnement ferme de 4 mois, allouant diverses indemnités aux parties civiles ;


" aux motifs que Claude X... n'avait aucun lien de droit direct avec les entrepreneurs, parties civiles, engagés par le seul maître d'oeuvre Y... ; que cependant, Claude X... a simulé l'existence d'une entreprise viable dont le capital n'a jamais été libéré et qui, dès sa création, était nantie de dettes importantes ; que la trésorerie de la société n'a été alimentée que par les versements contractuels des clients de la société que Claude X... a ponctionnés du montant de ses salaires à raison de 10 000 francs par mois et de ceux de sa fille, à savoir de 5 000 francs par mois ; que compte tenu de la minceur des marges bénéficiaires résultant des contrats à forfait passés avec les clients et des devis de construction établis par le maître d'oeuvre Y..., Claude X... ne pouvait ignorer que les artisans contactés par le maître d'oeuvre resteraient, à plus ou moins brève échéance, impayés de leurs travaux ; que c'est donc en faisant perdurer cet abus de crédit fournisseur et l'usage des prélèvements opérés à titre de salaires pour un gérant nécessairement non salariable aux yeux de l'URSSAF, que Claude X... a pu prolonger l'existence d'une entreprise mort-née ; que pour obtenir un tel crédit fournisseur, Claude X... avait préalablement obtenu au cours des années précédentes la confiance d'un maître d'oeuvre jouissant dans la région d'une bonne réputation auprès des artisans ; qu'il est établi et reconnu par Claude X... à l'audience, qu'il avait, depuis son installation en Lot-et-Garonne, fourni, en tant qu'intermédiaire à M. Y..., divers contrats de construction de maisons individuelles, traités directement par celui-ci avec les maîtres d'ouvrage et sur lesquels Claude X... ne percevait qu'une commission pour avoir signalé les affaires ; que le fait de confier systématiquement à M. Y... et à lui seul l'exécution de tous les contrats de la société Logis 2 000, en lui laissant le soin d'engager seul les artisans, faisait bénéficier l'entreprise de construction de la bonne réputation du maître d'oeuvre qui, inconsciemment, étant devenu le tiers de bonne foi, a permis la remise ; que certes, les artisans n'ont effectué que des travaux ayant partiellement contribué à l'édification et à la remise d'immeubles construits ; qu'une telle remise n'est pas expressément prévue par l'article 405 du Code pénal qui ne prévoit que celle de fonds, meubles ou obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ; mais qu'il a été jugé que l'escroquerie pouvait porter indirectement sur des immeubles ; qu'en l'espèce, Claude X..., faisant croire aux artisans victimes à l'existence d'une entreprise qui, bien qu'ayant une existence réelle n'a poursuivi ses opérations que par des moyens frauduleux, que cette société leur paierait normalement les travaux qu'ils effectueraient pour son compte, a obtenu de se faire remettre, au terme de leurs travaux respectifs, des immeubles construits qu'il livrait à des tiers en contrepartie de paiements convenus, escroquant, ainsi, faute de régler lesdits artisans du montant des travaux exécutés pour le compte de Logis 2 000 ;


" alors, d'une part, que le fait de maintenir artificiellement une entreprise en difficulté n'est pas constitutive de manoeuvres au sens de l'article 405 du Code pénal ; qu'en se bornant à constater que Claude X... aurait maintenu la société sachant que les entrepreneurs qui travaillaient pour elle ne pourraient être totalement payés, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;


" alors, d'autre part, que l'escroquerie suppose la remise de fonds, meubles, obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ; que la remise d'immeubles ou de fractions d'immeubles est exclue de l'énumération limitative de l'article 405 du Code pénal ; que Claude X... n'a pu se faire remettre par les parties civiles ni les titres de propriétés des immeubles ni leurs prix de vente, les entrepreneurs s'étant bornés à effectuer des travaux de construction ; qu'en estimant néanmoins que le délit d'escroquerie était caractérisé par la remise à la société des immeubles construits par les entrepreneurs, la cour d'appel a méconnu l'interprétation restrictive de la loi pénale, violant le texte susvisé ;


" alors, enfin, que l'escroquerie ne peut pas porter sur une prestation de service ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Claude X... aurait obtenu l'exécution de travaux par les entrepreneurs, ce qui constitue une prestation de service ; qu'en énonçant néanmoins que le délit d'escroquerie était caractérisé par la remise du montant des travaux , la cour d'appel a violé l'article 405 du Code pénal " ;


Vu lesdits articles ;


Attendu, d'une part, que les juges doivent caractériser en tous ses éléments constitutifs le délit dont ils déclarent le prévenu coupable ;


Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 405 du Code pénal, se rend coupable d'escroquerie celui qui, en employant des manoeuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ;


Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour déclarer Claude X..., gérant de la société Logis 2 000, coupable d'escroquerie, la cour d'appel, après avoir relevé que ladite société avait pour activité la construction de pavillons individuels commandés par des particuliers, retient que le prévenu, en accréditant auprès des artisans auxquels il avait recours, l'existence d'une entreprise qui, bien que réelle, n'a poursuivi ses opérations que par des moyens frauduleux et en leur faisant croire que sa société leur paierait normalement les travaux qu'ils effectueraient pour son compte, a obtenu de se faire remettre par lesdits artisans, aux termes de leurs travaux respectifs, des immeubles construits qu'il livrait à des tiers en contrepartie de paiements convenus ;


Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que la remise de la chose obtenue de la part des artisans spécialisés en matière de construction, telle que retenue par les juges, consistant en la remise d'immeubles construits ou de prestations de service, n'entre pas dans les prévisions limitatives de l'article 405 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


Que la cassation est encourue de ce chef ;


Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé :


CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 10 octobre 1991, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :


RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.


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