CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1222 F-D
Pourvoi n° P 20-18.561
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [F] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021
Mme [F] [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 20-18.561 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Invest MG, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [O] [K], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son gérant M. [O] [K] et prise en qualité de mandataire liquidateur de Mme [F] [T],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [T], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [O] [K], ès qualités, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 septembre 2019), par jugement d'un tribunal de grande instance du 29 juin 2017, l'immeuble à usage d'habitation dépendant de la liquidation judiciaire de Mme [T] a été adjugé à la société Invest MG.
2. Par jugement du 29 mai 2018, le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance, saisi par Mme [T] d'une demande de nullité d'un commandement de quitter les lieux et d'une demande de délais pour quitter les lieux, a déclaré irrecevable la demande de nullité du jugement du 29 juin 2017 et fait droit à la demande de nullité de commandement de quitter les lieux, accordant à cette dernière un délai pour libérer les lieux jusqu'au 11 septembre 2018.
3. Mme [T] a relevé appel de cette décision le 25 juin 2019.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de nullité du jugement du 29 juin 2017 et en constat de la résolution de la vente alors « qu'en déclarant irrecevable la demande en nullité du jugement du 29 juin 2017 et de constat de la résolution de la vente formée devant elle, au motif inopérant tiré de ce qu'une telle demande avait été formulée tardivement en première instance, la cour d'appel a violé les
articles 564 et suivants du code de procédure civile🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 564, 565, 566 et 567 du code de procédure civile🏛 :
5. La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande est nouvelle. Selon le premier de ces textes, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou la survenance ou la révélation d'un fait. Selon le deuxième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Le troisième de ces textes énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
6. Pour confirmer le jugement et déclarer irrecevable la demande en nullité du jugement du 29 juin 2017 et de constat de la résolution de la vente, l'arrêt, après avoir rappelé que l'
article 445 du code de procédure civile🏛 dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux
articles 442 et 444 du même code🏛, retient que c'est à bon droit que le jugement entrepris a déclaré irrecevable la demande de Mme [T] en nullité du jugement d'adjudication qui n'a été formulée, pour la première et unique fois que lors de la remise d'une note en délibéré déposée, le 16 mai 2018, sans autorisation, le juge de l'exécution n'ayant autorisé lors des débats que la production de documents complémentaires sur la consignation du prix de vente, ainsi que cela figure dans l'exposé de la procédure du jugement entrepris.
7. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle était saisie d'une demande de nullité du jugement du 29 juin 2017 et de constat de la résolution de la vente et qu'elle était tenue de rechercher d'office, au regard de chacune des exceptions prévues aux
articles 564 à 567 du code de procédure civile🏛, si la demande nouvelle présentée devant elle par Mme [T] était ou non recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de nullité du jugement du 29 juin 2017 et en constat de résolution de la vente, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société Invest MG et la société [O] [K] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande de la société [O] [K] et la condamne ainsi que la société Invest MG à payer à la SCP Lesourd la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme [T]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en nullité du jugement du 29 juin 2017 et en constat de la résolution de la vente ;
AUX MOTIFS QUE « l'
article 445 du code de procédure civile🏛 dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux
articles 442 et 444 du même code🏛 ; que, par suite, c'est à bon droit que le jugement entrepris a déclaré irrecevable la demande de Mme [T] en nullité du jugement d'adjudication qui n'a été formulée pour la première et unique fois que lors de la remise d'une note en délibéré déposée le 16 mai 2018, sans autorisation, le juge de l'exécution n'ayant autorisé lors des débats que la « production de documents complémentaires sur la consignation du prix de vente », ainsi que cela figure dans l'exposé de la procédure du jugement entrepris » ;
ALORS QU'en déclarant irrecevable la demande en nullité du jugement du 29 juin 2017 et en constat de la résolution de la vente formée devant elle, au motif inopérant tiré de ce qu'une telle demande avait été formulée tardivement en première instance, la cour d'appel a violé les
articles 564 et suivants du code de procédure civile🏛.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR accordé à l'exposante un délai provisionnel pour libérer les lieux sis [Adresse 1] jusqu'au 11 septembre 2018 ;
AUX MOTIFS QUE « le jugement est confirmé en ce qu'il a accordé à Mme [T] un délai provisionnel pour libérer les lieux sis [Adresse 1] jusqu'au 11 septembre 2018, cette disposition n'ayant pas fait l'objet de critique circonstanciée par les parties » ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 11, § 2), l'exposante avait expressément abandonné sa demande de délai pour libérer les lieux au regard de la nullité du commandement, à laquelle il avait été fait droit en première instance ; qu'en confirmant néanmoins le jugement entrepris de ce chef tandis qu'elle n'était plus saisie d'une quelconque demande en ce sens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des 4 et 5 du
code de procédure civile.