Jurisprudence : TA Grenoble, du 24-08-2022, n° 2000601


Références

Tribunal Administratif de Grenoble

N° 2000601

4ème Chambre
lecture du 24 août 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2020, M. A B, représenté par Me Planchat, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 à 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de contrôle de son activité de négoce méconnaît l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que le droit d'être entendu faisant partie des droits de la défense et rappelé à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le vérificateur n'a pas donné suite à sa demande de recours hiérarchique ;

- la plainte du vérificateur a été classée sans suite par le parquet de Valence, ce qui correspond à une décision d'acquittement qui s'impose à l'administration pour la mise en œuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal ;

- les conditions d'application de la procédure d'opposition à contrôle ne sont pas remplies ;

- l'administration n'établit pas lui avoir adressé un avis de vérification pour son activité de négoce de matériel ;

- le service ne démontre pas que la prescription du droit de reprise portant sur l'année 2011 a été régulièrement interrompue avant le 31 décembre 2014 ;

- en retenant au titre des années 2011 à 2013, le montant des commissions qui lui ont été versées dans le cadre de son activité de courtier en assurances, alors qu'elle disposait des relevés annuels de commissions, l'administration n'a pas respecté les règles de rattachement des produits et des charges et a radicalement vicié la méthode de reconstitution mise en œuvre ;

- l'administration a retenu un montant forfaitaire de 10 % de son chiffre d'affaires HT pour évaluer les frais de son activité de négoce autres que les achats de matériel sans fournir les modalités de détermination de ce taux, ce qui démontre l'exagération du bénéfice reconstitué.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-988 QPC du 8 avril 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bailleul, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Journé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, exploitant agricole dans la Drôme, exerce également une activité individuelle de courtier en assurances. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses bénéfices déclarés. Par un jugement du 17 octobre 2019, confirmé par une décision de la cour administrative d'appel de Lyon du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête aux fins de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis en recouvrement à l'issue de cette procédure. Dans le cadre d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle réalisé en 2015, l'administration a découvert l'exercice par ce dernier d'une activité occulte de négoce de matériel agricole et a engagé une procédure de vérification de cette activité qui s'est achevée par l'évaluation d'office de ces revenus en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales et l'application d'une majoration de 100 % prévue par les dispositions de l'article 1732 du code général des impôts. Par une réclamation du 3 juillet 2017, M. B a demandé la décharge des suppléments d'imposition et des pénalités mis en recouvrement à la suite des deux vérifications de comptabilité concernant son activité de courtier en assurances et de négoce de matériel agricole. En l'absence de réponse à sa réclamation, il a enregistré une requête au greffe du tribunal le 28 janvier 2020 aux fins de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été réclamés au titre des années 2011 à 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. () "

3. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a adressé un avis de vérification à M. B le 4 janvier 2016 aux fins de contrôler son activité de négoce de matériel. Le pli, présenté à son domicile le 6 janvier 2016, est revenu au service vérificateur le 29 janvier 2016 avec la mention " non réclamé ". Il comporte l'adresse déclarée par le contribuable aux services fiscaux, soit chemin de Bondonneau à Allan dans la Drôme. Ce dernier ne saurait, dans ces conditions, reprocher à l'administration fiscale de ne pas avoir indiqué sur le pli un numéro d'adresse qu'il n'avait pas porté à la connaissance de l'administration fiscale. Par suite, les seules circonstances qu'il existerait un chemin de Bondonneau sur le territoire de la commune voisine de Montélimar, qu'un homonyme résiderait dans cette autre commune et que le requérant recevrait régulièrement dans sa boîte aux lettres du courrier qui ne lui est pas adressé, ne sont pas de nature à établir l'irrégularité de la notification postale. Au demeurant, M. B ne conteste pas avoir reçu une copie de l'avis de vérification qui lui a été envoyée par lettre simple et par lettre recommandée avec accusé de réception le 29 janvier 2016, avant la première intervention sur place de l'inspecteur en charge du contrôle.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la vérification de comptabilité de l'activité de négoce de matériel n'a pu débuter le 28 janvier comme prévu initialement, M. B n'ayant pas retiré le pli présenté à son domicile l'informant de l'engagement de ce contrôle. Selon les explications de l'administration, non contredites par le requérant, le vérificateur s'est présenté le 25 février 2016 à l'établissement de M. B comme cela était annoncé dans le courrier adressé à ce dernier le 29 janvier. M. B a téléphoné dès sa venue à un huissier de justice et n'a présenté aucun élément comptable. Il a par ailleurs refusé la proposition du vérificateur de fixer un nouveau rendez-vous pour débuter les opérations de contrôle et a remis un certificat d'arrêt de travail valable jusqu'au 1er mai. Le 3 mars 2016, le vérificateur lui a adressé un compte rendu de l'intervention du 25 février et lui a proposé un nouveau rendez-vous le 7 avril 2016. Le courrier adressé par lettre simple et par lettre recommandée avec accusé-réception, retournée à l'expéditeur avec la mention " non réclamé ", appelait son attention sur les conséquences d'une opposition à contrôle au regard de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Le 7 avril 2016, alors que le vérificateur circulait sur la voie privée de la propriété de M. B à l'heure du rendez-vous, il est entré en collision avec ce dernier et son fils qui circulaient à vélo sur la même voie. Un artisan est arrivé immédiatement après la collision ainsi qu'un huissier de justice, prévenu la veille pour être présent à 9h30. M. B aurait également cherché à enregistrer sur son téléphone portable les propos du vérificateur le menaçant d'une procédure d'opposition à contrôle fiscal. Le vérificateur estimant que M. B avait délibérément percuté son véhicule, a porté plainte pour opposition à fonctions. Toutefois, la plainte a été classée sans suite par le parquet de Valence. Le 10 mai 2016, le chef de brigade a reçu M. B à sa demande en présence de son conseil et a désigné un nouveau vérificateur, accompagné d'un agent des finances publiques pour poursuivre le contrôle. M. B a transmis au service vérificateur un certificat d'arrêt de travail prolongé jusqu'au 17 juillet 2016. Le nouvel agent en charge du contrôle lui a donné rendez-vous le 21 juin 2016 par une lettre adressée le 6 juin 2016 en lettre simple ainsi qu'en lettre recommandée avec accusé-réception reçue le 24 juin, une copie de la lettre étant envoyée par courrier électronique au contribuable et une autre adressée à son conseil qui en a accusé réception dès le 7 juin 2016. Le vérificateur, accompagné d'un autre inspecteur des finances publiques, s'est présenté au domicile de M. B le 21 juin 2016. Ce dernier qui était alité à l'arrivée des agents, a indiqué ne pas être informé du rendez-vous et a téléphoné à un huissier de justice afin de retranscrire leur entretien. Il a finalement renoncé à la présence d'un huissier après un échange téléphonique avec l'un de ses conseils et a accepté de recevoir les inspecteurs. Selon les explications de l'administration, non contredites par le requérant, M. B a nié l'existence d'une activité occulte de négoce de matériel lors de cet entretien ainsi que dans un courrier adressé à l'administration le même jour. Il a également éludé les questions relatives à la présentation d'éléments comptables et a refusé de fixer un nouveau rendez-vous pour la remise de ces documents.

6. Il résulte de ces éléments de fait que M. B s'est abstenu de retirer les différents courriers en recommandé avec accusé-réception qui lui ont été adressés par le service vérificateur et a refusé toute proposition de rendez-vous en vue de débuter les opérations de contrôle. Lors des déplacements des différents vérificateurs à son établissement le 25 février, le 7 avril et le 21 juin 2016, il n'a présenté aucun des éléments comptables en sa possession, notamment des factures et relevés bancaires ou un inventaire de ses stocks, et a cherché par tout moyen à compromettre le bon déroulement des opérations de contrôle sur place. C'est ainsi à bon droit que l'administration a mis en œuvre la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

7. La circonstance que le parquet de Valence a classé sans suite la plainte déposée par le vérificateur pour opposition à fonctions ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal qui, au demeurant, ne repose pas en l'espèce sur le seul incident intervenu le 7 avril 2016.

8. D'une part, aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à cet article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter.

9. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. " Le même article prévoit que les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont opposables à l'administration. Le sixième paragraphe de la rubrique " L'avis de vérification " de cette charte, prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (). Vous pouvez les contacter pendant la vérification ".

10. La possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d'imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre. Pour les contribuables relevant de la procédure d'imposition contradictoire, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi de la proposition de rectification. Pour les contribuables relevant d'une procédure d'imposition d'office, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi des bases d'imposition d'office, ou, lorsqu'il n'a pas été procédé à cet envoi en application du dernier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, jusqu'à la date de mise en recouvrement.

11. En revanche, si la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit la possibilité de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur en cas de désaccord avec ce dernier après envoi de la réponse aux observations du contribuable, une telle garantie ne bénéficie qu'au contribuable relevant d'une procédure d'imposition contradictoire.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B a été à bon droit imposé d'office pour s'être opposé au contrôle mis en œuvre par les services fiscaux. Par suite, il n'entre pas dans le champ de la garantie octroyée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié en cas de désaccord avec le vérificateur après envoi de la réponse aux observations du contribuable. Il a, en revanche, été reçu le 10 mai 2016 par le supérieur hiérarchique du vérificateur à la suite de la collision intervenue le 7 avril 2016 sur sa propriété, et celui-ci a désigné un nouveau vérificateur pour mettre en œuvre les opérations de contrôle fiscal externe engagées en janvier 2016 auxquelles le contribuable a refusé de se soumettre. M. B qui n'a pas été privé du droit d'être entendu en cours de contrôle, n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. Il ne peut en outre utilement se prévaloir des dispositions du code des relations entre le public et l'administration s'agissant de la mise en œuvre de la procédure de contrôle fiscal régie par des dispositions spécifiques.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'imposition de son activité occulte de négoce de matériel :

13. Selon l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

14. Si M. B reproche à l'administration d'avoir évalué les frais de son activité de négoce, hors achats de matériels, à 10 % de son chiffre d'affaires hors taxes, il n'établit pas, par ces seules allégations, le caractère exagéré de l'imposition alors que la charge de la preuve lui incombe.

En ce qui concerne l'imposition de son activité de courtier en assurance :

15. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due () ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification () ".

16. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.

17. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis de réception produit par le requérant, que le pli contenant la notification des rectifications envisagées au titre de l'année 2011, libellé au nom de M. B A, a été présenté le 18 décembre 2014 à l'adresse exacte déclarée par le contribuable, soit chemin de Bondonneau à Allan dans la Drôme. Si l'intéressé soutient que ce pli ne lui est pas parvenu et produit à cet effet une attestation du directeur de la poste de Montélimar faisant état de ce qu'il n'y a pas de trace de distribution, il est constant que l'avis de réception postal a été retourné au service vérificateur revêtu de la mention d'une date de distribution le 2 janvier 2015 ainsi que d'une signature manuscrite. Par ailleurs, il résulte de l'attestation établie à la demande de M. B, le 23 juin 2017, par le directeur d'établissement de la plate-forme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Montélimar qu'en son absence, le destinataire a été avisé de la mise en instance de ce pli.

18. Par suite, et alors que M. B ne conteste pas avoir été destinataire des autres plis adressés par l'administration durant les opérations de vérification de comptabilité, les seules circonstances qu'il existerait un chemin de Bondonneau sur le territoire de la commune voisine de Montélimar, qu'un homonyme résiderait dans cette autre commune, qu'il recevrait régulièrement dans sa boîte aux lettres du courrier qui ne lui est pas adressé et que son domicile est rattaché au bureau de poste d'Allan, ne sont pas de nature à établir l'irrégularité de la notification postale. Enfin, le requérant, qui ne saurait reprocher à l'administration fiscale de ne pas avoir indiqué sur le pli un numéro d'adresse qu'il n'avait pas porté à la connaissance de l'administration fiscale, ne produit aucun élément de nature à établir que le signataire n'avait pas qualité pour retirer le pli à sa place.

19. Le pli contenant la proposition de rectification du 16 décembre 2014 ayant été présenté avant l'expiration du délai de reprise à l'adresse de M. B connue de l'administration, le moyen tiré de ce que l'administration n'établit pas avoir régulièrement interrompu la prescription s'agissant des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2011, doit être écarté.

20. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ". Selon l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " () la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu () ".

21. Par ailleurs, aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : " () les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services () ".

22. Il résulte de l'instruction qu'après avoir dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité au titre de la période vérifiée, l'administration, qui n'a pas eu connaissance de la date des prestations réalisées, a procédé à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 en se fondant sur les relevés annuels présentés par M. B et sur les déclarations faites par les compagnies d'assurance auprès desquelles il est affilié, obtenues dans le cadre du droit de communication. Elle a additionné, pour chaque année, les encaissements des commissions rétrocédées sous déduction de charges déterminées d'après les éléments communiqués par le contribuable.

23. M. B soutient que cette méthode de reconstitution, fondée sur les encaissements de commissions, est radicalement viciée dans son principe dès lors que son activité exigeait, en application du 2 bis de l'article 38 précité, une comptabilisation pour chaque exercice concerné des seules créances acquises, et que le vérificateur avait la possibilité d'obtenir auprès des compagnies d'assurance concernées les dates de souscription des produits financiers par ses clients. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par l'absence de tout élément comptable mis à la disposition du vérificateur au cours des opérations de contrôle, ce dernier ne pouvait respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, ni procéder à des ajustements extra-comptables permettant de se rapprocher des règles ainsi fixées. Par ailleurs, M. B, qui supporte la charge de la preuve à défaut de comptabilité et dès lors, au demeurant, qu'il n'a pas répondu à la proposition de rectification du 16 décembre 2014 régulièrement notifiée, n'apporte au soutien de sa critique de la méthode de reconstitution utilisée par l'administration aucun élément précis de nature à la remettre en cause. Par suite, la méthode de reconstitution des bénéfices employée ne peut être regardée comme présentant un caractère radicalement vicié.

24. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge présentées par M. B doivent être rejetées ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er :La requête de M. B est rejetée.

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M. A B et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pfauwadel, président,

Mme C et Mme D, assesseurs.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 août 2022.

Le rapporteur,

C. C

Le président,

T. Pfauwadel

La greffière,

C. Billon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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