N° V 22-87.391 F-D
N° 00853
RB5
5 SEPTEMBRE 2023
REJET
IRRECEVABILITÉ
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 SEPTEMBRE 2023
MM. [T] [F] et [K] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de vols aggravés, a prononcé sur la demande d'annulation de pièces de la procédure formée par le premier.
Par ordonnance du 20 février 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [T] [F] et [K] [P], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une enquête préliminaire a été ouverte à la suite de vols avec effraction et tentative, commis courant novembre et décembre 2021.
3. Les gendarmes ont suspecté la participation de MM. [W] [Y], [T] [F], et [K] [P], utilisateurs d'un véhicule Citroën Berlingo, puis d'un véhicule Seat Ibiza, aperçus à proximité de certains lieux de commission des infractions.
4. Ces véhicules, ainsi notamment que le véhicule Audi A5 utilisé par M. [Y], ont fait l'objet de mesures de géolocalisation en temps réel.
5. Le 16 décembre 2021, une information a été ouverte des chefs de vols aggravés et tentatives, pour lesquels MM. [P] et [F] ont été mis en examen, respectivement les 16 décembre 2021 et 11 mars 2022.
6. Par requête déposée au greffe de la chambre de l'instruction le 18 mai 2022, M. [F] a sollicité l'annulation des mesures de géolocalisation des véhicules susvisés.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [P]
7. M. [Aa] n'ayant saisi la chambre de l'instruction d'aucun moyen de nullité, que ce soit par une requête ou par un mémoire, ne serait-ce que pour s'associer à la demande de nullité formée par M. [F], est sans qualité à se pourvoir contre l'arrêt qui a prononcé sur les demandes en annulation de pièces de la procédure présentées par celui-ci.
8. En conséquence, son pourvoi est irrecevable.
Examen du moyen proposé pour M. [F]
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité des mesures de géolocalisation des véhicules Citroën Berlingo WW948EG, Seat Ibiza FW703SY et Audi A5 CT773MB, alors :
« 1°/ que toute partie à la procédure a qualité pour demander la nullité d'un acte d'investigation, en invoquant la méconnaissance d'une formalité substantielle, une irrégularité de nature à remettre en cause l'authenticité des éléments de preuve recueillis à cette occasion ; en considérant que M. [T] [F], d'une part, et M. [K] [P], d'autre part, n'ont pas qualité à agir pour invoquer l'irrégularité de la mesure de géolocalisation des véhicules Citroën Berlingo, Seat Ibiza et Audi A5, puisque n'étant titulaires d'aucun droit sur ces véhicules, qui n'ont été ni volés, ni faussement immatriculés, ils ne peuvent invoquer la nullité des mesures de géolocalisation qu'à la condition d'établir une atteinte à leur vie privée, tout en relevant que les véhicules Citroën Berlingo et Ab Ac ont été utilisés pour se déplacer sur les lieux de commission des vols aggravés pour lesquels ils ont été mis en examen et qu'ils ont intérêt à invoquer cette nullité, la chambre de l'instruction n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a statué sur le fondement d'un motif inopérant relatif à l'atteinte à la vie privée, M. [F] et M. [Aa] ayant nécessairement qualité pour invoquer la méconnaissance d'une formalité substantielle d'un acte d'investigations qui était de nature à affecter l'authenticité d'un moyen de preuve les concernant, puisque la présence des véhicules sur les lieux du cambriolage a permis leur mise en cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les
articles 230-32, 230-33, 230-34 et R 53-40 du code de procédure pénale🏛🏛🏛🏛, les
articles 171, 593 et 802 du même code🏛🏛🏛, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire au code de procédure pénale ;
2°/ que le requérant a qualité à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte ; pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité dont la méconnaissance est alléguée lui fait grief ; qu'en se bornant à déclarer M. [F] et M. [P] irrecevables en leurs requêtes en nullité et parce qu'ils ne justifient d'aucun droit sur les véhicules, ni aucune violation de l'intimité de la vie privée, la chambre de l'instruction, qui a statué aux termes d'une motivation inopérante au regard des exigences et des termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés qu'elle a violés. »
Réponse de la Cour
8. Le moyen, qui soutient à tort que le requérant avait nécessairement qualité pour agir en nullité des mesures de géolocalisation en tant que celles-ci étaient de nature à affecter l'authenticité d'un moyen de preuve le concernant et qu'il avait intérêt à son annulation, est inopérant.
9. En effet, les formalités encadrant la mise en oeuvre d'une telle mesure ont pour finalité, en permettant le contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de l'ingérence qu'elle entraîne, de préserver le droit au respect de la vie privée des personnes tel que garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
10. Ce moyen doit, par conséquent, être écarté.
11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [K] [P] :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par M. [T] [F] :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-trois.