Cour de justice des Communautés européennes18 janvier 2001
Affaire n°C-150/99
Svenska staten
c/
Stockholm Lindöpark AB et Stockholm Lindöpark AB contre Svenska staten
61999J0150
Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 18 janvier 2001.
Svenska staten contre Stockholm Lindöpark AB et Stockholm Lindöpark AB contre Svenska staten.
Demande de décision préjudicielle: Svea hovrätt - Suède.
Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée - Sixième directive - Exonérations - Location de biens immeubles - Pratique du sport ou de l'éducation physique.
Affaire C-150/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-0493
1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération de certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes pratiquant lesdites activités - Exonération de la location de biens immeubles - Portée - Exonération générale pour la mise à disposition de locaux et autres installations pour la pratique du sport et de l'éducation physique, y inclus les services fournis par des organismes à but lucratif - Inadmissibilité
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, A, § 1, m), et 13, B, b))
2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Interprétation stricte - Exonération de la location de biens immeubles - Prestations liées à la pratique du sport - Inclusion - Critères - Compétence du juge national
(Directive du Conseil 77/388, art. 13)
3 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Possibilité pour les particuliers d'invoquer les dispositions établissant le droit à déduction lues conjointement avec celles des articles 2, 6, paragraphe 1, et 13, B, sous b), de la sixième directive
(Directive du Conseil 77/388, art. 2, 6, § 1, 13, B, b), et 17, § 1 et 2)
4 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération générale, par un État membre, pour la mise à disposition de locaux et autres installations pour la pratique du sport et de l'éducation physique - Violation suffisamment caractérisée du droit communautaire
(Directive du Conseil 77/388, art. 13)
1 Les articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires s'opposent à ce qu'une réglementation nationale prévoie une exonération générale de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, en incluant les services fournis par des organismes à but lucratif.
En tant qu'exception au principe énoncé à l'article 2 de la directive, selon lequel la taxe sur la valeur ajoutée est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, l'exonération de la taxation pour les prestations de services liées à la pratique du sport et de l'éducation physique prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous m), de la sixième directive est explicitement limitée aux prestations fournies par des organismes sans but lucratif. Il en résulte que de telles prestations fournies par des prestataires ayant un but lucratif ne sauraient entrer dans le champ d'application de l'exonération. Par ailleurs, si, dans des circonstances particulières, la fourniture de locaux pour la pratique du sport ou de l'éducation physique peut constituer une location d'un bien immeuble et tomber ainsi dans le champ d'application de l'exonération de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive, prévoir une exonération générale de l'ensemble des prestations liées à la pratique du sport et de l'éducation physique, sans opérer de distinction parmi ces prestations entre celles qui constituent une location d'un bien immeuble et les autres prestations, introduit une nouvelle catégorie d'exonérations que la sixième directive n'a pas prévue. (voir points 19, 22-23, disp. 1)
2 Les termes employés pour désigner les exonérations visées à l'article 13 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur la valeur ajoutée est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. S'agissant de l'application de l'exonération prévue à l'article 13, B, sous b), de la sixième directive, concernant les opérations d'affermage et de location de biens immeubles, à l'activité de gestion d'un golf, les prestations liées à la pratique du sport et de l'éducation physique doivent dans la mesure du possible être considérées dans leur ensemble. Il convient également de prendre en compte la durée de la jouissance du bien immeuble, celle-ci constituant un élément essentiel du contrat de location. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au vu de ces éléments, si ladite activité peut être considérée comme exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive. (voir points 25-28)
3 Les dispositions de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, établissant les conditions de naissance et l'étendue du droit à déduction, lues conjointement avec celles de ses articles 2, 6, paragraphe 1, et 13, B, sous b), sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour qu'un particulier puisse s'en prévaloir à l'encontre d'un État membre devant une juridiction nationale. (voir point 33, disp. 2)
4 La mise en oeuvre d'une exonération générale de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, sans qu'une telle exonération générale figure à l'article 13 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, constitue une violation caractérisée du droit communautaire susceptible d'engager la responsabilité de l'État membre. Eu égard au libellé clair des dispositions de ladite directive, l'État membre concerné n'était pas en situation d'opérer un choix normatif et ne disposait que d'une marge d'appréciation considérablement réduite, voire inexistante. (voir points 40, 42, disp. 3)
Dans l'affaire C-150/99,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Svea hovrätt (Suède) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Svenska staten
Stockholm Lindöpark AB
et entre
Stockholm Lindöpark AB
Svenska staten,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, faisant fonction de président de la cinquième chambre, P. Jann (rapporteur) et L. Sevón, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le Svenska staten, par MM. H. Regner et H. Rustand, en qualité d'agents,
- pour Stockholm Lindöpark AB, par Me P.-O. Nordh, advokat,
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM.
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales du Svenska staten, représenté par M. H. Regner, de Stockholm Lindöpark AB, représentée par Me P.-O. Nordh, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. K. Simonsson, à l'audience du 29 juin 2000,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 septembre 2000,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 26 mars 1999, parvenue à la Cour le 23 avril suivant, le Svea hovrätt a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Svenska staten (État suédois) à Stockholm Lindöpark AB (ci-après "Lindöpark") au sujet de dommages-intérêts que cette dernière réclame à l'État suédois au motif qu'il n'aurait pas, à l'occasion de l'adhésion du royaume de Suède à l'Union européenne, correctement mis en oeuvre la sixième directive, notamment en ce qui concerne son article 13.
La réglementation communautaire
3 Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:
"Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
2. les importations de biens."
4 L'article 6, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:
"1. Est considérée comme 'prestation de services' toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5.
Cette opération peut consister entre autres:
- en une cession d'un bien incorporel représenté ou non par un titre,
- en une obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation,
- en l'exécution d'un service en vertu d'une réquisition faite par l'autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi."
5 L'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive est libellé comme suit:
"1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[...]
m) certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l'éducation physique;
[...]"
6 Aux termes de l'article 13, B, de la sixième directive:
"Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[...]
b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception:
1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;
2. des locations d'emplacement pour le stationnement des véhicules;
3. des locations d'outillages et de machines fixés à demeure;
4. des locations de coffres-forts.
Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération;
[...]"
7 L'article 17 de la sixième directive, dans sa version résultant de la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1), prévoit:
"1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.
2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l'intérieur du pays;
b) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés à l'intérieur du pays;
[...]"
La réglementation nationale
8 Selon le chapitre 1, article 1er, de la mervärdesskattelagen (1994:200) (loi suédoise sur la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la "loi sur la TVA"), la TVA doit être payée à l'État, notamment dans le cas de transactions portant sur des marchandises ou des services imposables lorsqu'elles sont effectuées à titre commercial. Le chapitre 3, article 1er, de la loi sur la TVA dispose que les transactions portant sur des marchandises et des services ainsi que les importations sont imposables, sauf dispositions expresses contraires prévues dans le même chapitre. En contrepartie de l'assujettissement à la taxe, l'assujetti peut, selon le chapitre 8, article 3, de cette même loi, déduire la taxe en amont afférente à des acquisitions à titre onéreux ou à des importations pour les besoins de son activité.
9 Le chapitre 3 de la loi sur la TVA énonce, en ses articles 2 et 3, certaines exceptions en matière immobilière. Selon la décision de renvoi, il ressort dudit article 2, premier alinéa, que "sont exonérées les transactions relatives aux biens immeubles ainsi que la cession et la jouissance de baux à ferme, droits de location, droits d'habitation, droits de superficie, droits de servitude et autres droits immobiliers". Avant le 1er janvier 1997, ladite disposition comportait un deuxième alinéa libellé comme suit:
"L'exonération de TVA s'étend en outre à la fourniture de locaux ou autres installations ou parties de celles-ci, aux fins de la pratique du sport ou de l'éducation physique, ainsi qu'à la mise à disposition, dans ce cadre, d'éléments accessoires ou autres aménagements aux fins de la pratique du sport ou de l'éducation physique".