CE 9/10 ch.-r., 24-07-2023, n° 471482, mentionné aux tables du recueil Lebon
A34811CW
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:471482.20230724
Référence
17-02 1) Le règlement de l’Assemblée nationale détermine les peines disciplinaires applicables à ses membres, prononcées, selon les cas, par le Président, le Bureau ou l’Assemblée elle-même. Le régime de sanction ainsi prévu par le règlement de l’Assemblée nationale fait partie du statut du parlementaire, dont les règles particulières découlent de la nature de ses fonctions. Ce régime se rattache à l’exercice de la souveraineté nationale par les membres du Parlement. Il en résulte qu'en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, il n’appartient pas au juge administratif de connaître des litiges relatifs aux sanctions infligées par les organes d’une assemblée parlementaire aux membres de celle-ci. ...2) La circonstance qu’aucune juridiction ne puisse être saisie d’un tel litige ne saurait avoir pour conséquence d’autoriser le juge administratif à se déclarer compétent. ...Le requérant ayant fait l’objet d’une telle sanction ne saurait utilement, par suite, se prévaloir des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours effectif....3) Ces stipulations, telles qu’interprétées par la cour européenne des droits de l’homme (CEDH), n’imposent au demeurant pas qu’un parlementaire frappé d’une sanction disciplinaire jouisse d’un droit de recours juridictionnel.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 27 juin 2023 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. B A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 février 2023 par laquelle le Bureau de l'Assemblée nationale lui a infligé la sanction de la censure avec exclusion temporaire pour une durée de quinze jours ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement de l'Assemblée nationale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A ;
1. M. A, député, a fait l'objet, lors de la séance publique de l'Assemblée nationale du 10 février 2023, d'une peine disciplinaire de censure avec exclusion temporaire pour avoir été reconnu coupable de provocations envers cette assemblée, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article 70 et du 4° de l'article 71 du règlement de l'Assemblée nationale. Conformément au cinquième alinéa de l'article 72 de ce règlement, la sanction a été prononcée par l'Assemblée nationale sur proposition de son Bureau. La requête de M. A doit être regardée comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette sanction.
2. Le règlement de l'Assemblée nationale détermine les peines disciplinaires applicables à ses membres, prononcées, selon les cas, par le Président, le Bureau ou l'Assemblée elle-même. Le régime de sanction ainsi prévu par le règlement de l'Assemblée nationale fait partie du statut du parlementaire, dont les règles particulières découlent de la nature de ses fonctions. Ce régime se rattache à l'exercice de la souveraineté nationale par les membres du Parlement. Il en résulte qu'en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge administratif de connaître des litiges relatifs aux sanctions infligées par les organes d'une assemblée parlementaire aux membres de celle-ci. La circonstance qu'aucune juridiction ne puisse être saisie d'un tel litige ne saurait avoir pour conséquence d'autoriser le juge administratif à se déclarer compétent. M. A ne saurait utilement, par suite, se prévaloir des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours effectif, lesquelles, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme, n'imposent au demeurant pas qu'un parlementaire frappé d'une sanction disciplinaire jouisse d'un droit de recours juridictionnel.
3. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A ne peut qu'être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les conclusions présentées par la présidente de l'Assemblée nationale au titre du même article, dirigées contre l'Etat, ne peuvent qu'être rejetées.
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Les conclusions présentées par la présidente de l'Assemblée nationale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B A et à la présidente de l'Assemblée nationale.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana