Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 18-12-1992, n° 74860

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 74860

M. d'AUGUSTIN

Lecture du 18 Decembre 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 janvier 1986, présentée par M. Jacques d'AUGUSTIN, demeurant la Guirlande, B2 bis Route de Font-Carrade à Montpellier (34100) ; M. d'AUGUSTIN demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 14 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1975 et 1976 ; 2°) accorde la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Loloum, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par ordonnance de non-conciliation dont les mesures provisoires ont été confirmées par le jugement de divorce prononcé le 28 janvier 1975, M. d'AUGUSTIN a dû laisser à la disposition exclusive de sa femme, Mme Muno, l'appartement constituant jusqu'alors le domicile conjugal et qu'ils avaient acquis indivisément par moitié en contractant un emprunt, et verser à celle-ci une pension alimentaire fixée à 1 300 F par mois pour ses deux enfants ; Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article 156 du code général des impôts, sont déductibles du revenu annuel imposable à l'impôt sur le revenu les "charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : 2°... rentes prévues à l'article 276 du code civil et pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce..." ; que lorsqu'une décision de justice, rendue dans une telle instance, oblige l'un des époux à mettre gratuitement à la disposition de l'autre l'appartement dont lui-même est propriétaire en totalité ou en partie, l'avantage en nature correspondant à cette mise à disposition gratuite au profit de l'autre époux, est au nombre des charges déductibles du revenu global imposable du premier époux en application des dispositions précitées de l'article 156-II-2° du code général des impôts ; qu'ainsi M. d'AUGUSTIN était en droit de déduire de son revenu global des années 1975 et 1976, l'avantage en nature correspondant à la mise à la disposition gratuite de son épouse de l'appartement dont il était propriétaire pour moitié ; que la valeur locative annuelle de l'appartement, estimée par le contribuable, à 15 600 F, n'est pas contestée par l'administration ; que le montant de l'avantage en nature consenti par le contribuable à son épouse doit, par suite, être fixé à 7 800 F pour chacune des années en cause ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 1975 et 1976, sont déductibles du revenu annuel imposable à l'impôt sur le revenu : ..."1° bis a) intérêts afférents aux dix premières annuités des prêts contractés pour la construction, l'acquisition ou les grosses réparations des immeubles dont les propriétaires se réservent la jouissance... la déduction est toutefois limitée à 7 000 F..." ; que lorsqu'une décision de justice, rendue dans une instance de séparation de corps ou de divorce ou à l'issue d'une telle procédure, oblige l'un des époux à mettre gratuitement à la disposition de l'autre l'appartement constituant jusqu'alors leur résidence principale et dont lui-même est propriétaire en totalité ou en partie, l'intéressé demeure en droit de déduire de son revenu global la charge correspondant aux intérêts relatifs à l'emprunt qu'il a contracté pour l'acquisition de l'appartement où il se trouve désormais empêché de résider et qu'il continue d'acquitter en qualité de propriétaire indivis ; qu'ainsi M. d'AUGUSTIN était en droit, dans le respect des limites fixées par l'article 156-II-1° bis a), de déduire de son revenu global des années 1975 et 1976, outre la pension alimentaire et l'avantage en nature versée à son épouse, la part lui incombant des intérêts de l'emprunt contracté pour acquérir l'appartement qu'il a été obligé de mettre gratuitement à la disposition de son épouse, à l'exclusion de la part d'intérêts incombant à cette dernière ; que le requérant ayant versé, au titre de sa quote-part des intérêts d'emprunt, 8 899,50 F en 1975 et 9 133 F en 1976, il a droit à la déduction d'une somme de 7 000 F pour chacune des années en cause ; Considérant, en revanche, que M. d'AUGUSTIN n'était pas en droit d'imputer sur son revenu global de l'année 1975 un déficit foncier à raison de l'appartement constituant auparavant le domicile conjugal dès lors qu'il ne louait pas à son épouse ce logement ; que le contribuable ne pouvait pas davantage déduire de son revenu global de l'année 1976 les charges incombant à son épouse en sa qualité d'occupante de l'appartement et qu'il avait spontanément acquittées, dès lors qu'aucune décision de justice, ne l'obligeait à assumer de telles charges ; Considérant, enfin, que le ministre demande que les redressements qui seraient reconnus injustifiés au titre des années 1975 et 1976 soient compensés, en application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, par la reprise des arrérages de la pension alimentaire qui n'ont pas été versés par M. d'AUGUSTIN, soit 15 600 F en 1975 et 11 700 F en 1976, et dont le service avait admis à tort la déduction du revenu global du contribuable ; qu'en l'absence de toute justification par l'intéressé des versements contestés, il y a lieu de faire droit à la demande de compensation du ministre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. d'AUGUSTIN est seulement fondé à demander une réduction de ses bases imposables à l'impôt sur le revenu après redressement à concurrence de 7 000 F au titre de 1976 ;
D E C I D E :
Article 1er : Les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. d'AUGUSTIN sont réduites de 7 000 F au titre de 1976.
Article 2 2 : Il est accordé à M. d'AUGUSTIN une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de 1976 correspondant à la différence entre les bases d'imposition sur lesquelles ces cotisations ont été assises et celles résultant de l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 14 novembre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques d'AUGUSTIN et au ministre du budget.

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