CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 65364
BOUDJEMA
Lecture du 09 Janvier 1991
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu 1°) sous le n° 65 364 la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 janvier 1985, présentée par M. Michel BOUDJEMA, demeurant 50, rue Jean-Pierre Timbaud à Gennevilliers (92230), M. BOUDJEMA demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 18 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1975, 1976 et 1978 dans les rôles de la commune de Gennevilliers ; 2°) lui accorde la décharge sollicitée ;
Vu 2°) sous le n° 65 941, les pièces, enregistrées au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 8 février 1985, présentées par M. BOUDJEMA, et tendant aux mêmes fins que la requête n° 65 364, et en outre au sursis à l'exécution des impôts contestés ;
Vu l'ordonnance du 4 septembre 1986 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux a rejeté les conclusions à fin de sursis ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Froment-Meurice, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les productions enregistrées sous le n° 65 941 se rapportent en réalité au n° 65 364 ; que, par suite, ces productions doivent être rayées des registres du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et être jointes à la requête enregistrée sous le n° 65 364 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 17 octobre 1985, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Nord a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. BOUDJEMA a été assujetti au titre de l'année 1975 ainsi que, à concurrence de 2 497 F, des pénalités afférentes au supplément d'impôt sur le revenu auquel le contribuable a été assujetti au titre de l'année 1976 ; que les conclusions de la requête de M. BOUDJEMA relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; En ce qui concerne la taxation d'office, au titre des années 1976 et 1978, de revenus d'origine indéterminée :
Considérant que M. BOUDJEMA a été, à la suite d'une vérification approfondie de sa situation fiscale, taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 1976 et 1978, en application des dispositions alors en vigueur des articles 176 et 179 du code général des impôts, sur des sommes s'élevant respectivement à 40 000 F et à 273 783 F et que l'administration a regardée comme des revenus d'origine indéterminée ;
Considérant que l'administration demeure en droit, après avoir procédé à une vérification approfondie de la situation fiscale d'un contribuable, laquelle ne revêt pour celui-ci aucun caractère contraignant, de lui demander, au vu des renseignements qu'elle a obtenus tant à la suite de cette vérification qu'en vertu du droit de communication prévu par les dispositions de l'article 1987 du code général des impôts applicable en l'espèce, et sur le fondement des dispositions du 4ème alinéa de l'article 176 du même code alors en vigueur, des justifications relatives à ses revenus d'origine inexpliquée et, en cas de réponse insuffisante de l'intéressé, de recourir à la procédure de taxation d'office ; que, toutefois, elle ne peut, eu égard à la sanction qui, par l'effet des dispositions du 2ème alinéa de l'article 179 du code alors en vigueur, est attachée au défaut de production par le contribuable, dans le délai assigné, des justifications qui lui sont demandées, adresser à ce contribuable la demande de justifications dont il s'agit que si elle a, au préalable, restitué à l'intéressé les documents que celui-ci lui a remis à l'occasion de la vérification approfondie de sa situation fiscale, et ce, même si la taxation d'office ne porterait finalement pas sur des sommes mentionnées dans les documents en cause ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 1er septembre 1979, le service a informé M. BOUDJEMA de ce qu'il se proposait d'entreprendre une vérification approfondie de sa situation fiscale personnelle en matière d'impôt sur le revenu, au titre des années 1976 et 1978 ; que M. BOUDJEMA, au cours de sa rencontre avec le vérificateur le 11 septembre 1979, a remis à celui-ci l'ensemble de ses relevés de comptes bancaires pour ces deux années ; que le 12 septembre 1979, le service a adressé à l'intéressé une demande de justifications concernant l'origine de certaines disponibilités et, tout en conservant par-devers lui jusqu'au 7 novembre 1979 les documents remis par le contribuable, a, sur le fondement des dispositions des articles 176 et 179 du code alors en vigueur, invité M. BOUDJEMA à lui faire parvenir sa réponse dans un délai de trente jours ; qu'ainsi la demande de justifications adressée à M. BOUDJEMA l'a été alors que celui-ci n'avait pas été remis en possession de l'ensemble des documents qu'il avait communiqués à l'administration à l'occasion de la vérification approfondie de sa situation fiscale ; que, par suite, cette demande, formulée dans des conditions qui ne permettaient pas au contribuable de faire valoir pleinement ses droits, est entachée d'une irrégularité de nature à vicier l'ensemble de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. BOUDJEMA est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1978, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 65 941 seront rayées du registre du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être jointes à la requête n° 65 364.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. BOUDJEMA en tant qu'elles concernent le supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1975 ainsi qu'à concurrence de la somme de 2 497 F, en ce qui concerne le supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1976.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 octobre 1984 est annulé.
Article 4 : M. BOUDJEMA est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1978.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Michel BOUDJEMA et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.