Jurisprudence : Cass. soc., 14-06-2023, n° 22-11.601, F-D, Cassation

Cass. soc., 14-06-2023, n° 22-11.601, F-D, Cassation

A206193Q

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:SO00705

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047700812

Référence

Cass. soc., 14-06-2023, n° 22-11.601, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96925814-cass-soc-14062023-n-2211601-fd-cassation
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SOC.

AF1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023


Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen faisant
fonction de président


Arrêt n° 705 F-D

Pourvoi n° Q 22-11.601


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 JUIN 2023


Mme [Aa] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-11.601 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Groupe moniteur, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe moniteur, après débats en l'audience publique du 17 mai 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2021), Mme [S] a été engagée en qualité de chef de publicité par la société Groupe moniteur le 24 janvier 2000.

2. A compter du mois de décembre 2001, la salariée a été titulaire de divers mandats syndicaux et de représentant du personnel. Elle a été désignée conseillère du salarié à compter du mois de novembre 2013.

3. Invoquant une discrimination syndicale et un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale le 20 juin 2014 pour obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts. Le syndicat national des médias CFDT et l'Union locale des syndicats CGT du 2ème arrondissement sont intervenus volontairement à l'instance sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail🏛 pour obtenir réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif qu'ils défendent.


Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à ordonner son repositionnement à la qualification de directeur coefficient II N12 avec, à titre principal, un salaire mensuel de 6 039 euros sur treize mois et, à titre subsidiaire, un salaire mensuel de 4 516 euros sur treize mois et de limiter à la somme de 100 000 euros le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail🏛🏛 ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime de discrimination prohibée ; qu'en l'espèce, après avoir retenu qu' en l'état de la concomitance de la décélération rapide, puis de la stagnation manifeste de la carrière ou de l'évolution professionnelle de Mme [S], il convient donc de retenir l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre", la cour d'appel a néanmoins débouté la salariée de ses demandes de repositionnement motifs pris que l'appelante ne démontre pas – même au poste de directrice des ventes – avoir exercé des fonctions d'encadrement, critère objectif justifiant l'attribution d'un coefficient de rémunération supérieur, où ensuite par plusieurs courriers, la société Groupe moniteur démontre le silence de Mme [S] à des propositions de poste […], où enfin il n'est pas justifié que cette dernière se soit positionnée sur des postes induisant la perspective d'une telle évolution, contrairement à ses collègues promus depuis" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants quand il lui appartenait de rechercher à quelle classification serait parvenue la salariée si elle avait bénéficié d'un déroulement normal de carrière en l'absence de discrimination et d'ordonner le cas échéant, à titre de réparation, son repositionnement à cette classification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1134-5 du code du travail🏛 :

6. Il résulte de ces textes que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.

7. Pour rejeter la demande de repositionnement sur un poste de directeur et limiter le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale à la somme de 100 000 euros, l'arrêt, après avoir retenu que la salariée avait été victime d'une discrimination syndicale en l'état de la concomitance de la décélération rapide, puis de la stagnation manifeste de sa carrière ou de son évolution professionnelle, relève que la salariée ne démontre pas avoir exercé des fonctions d'encadrement, critère objectif justifiant l'attribution d'un coefficient de rémunération supérieur, que l'employeur démontrait le silence de la salariée à des propositions de poste et qu'il n'est pas justifié que cette dernière se soit « positionnée » sur des postes induisant la perspective d'une telle évolution, contrairement à ses collègues promus depuis.

8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.



Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral et de carrière résultant de la discrimination, alors « que le juge doit motiver sa décision ; qu'en rejetant sans motif la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de la discrimination syndicale, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

11. La cour d'appel a retenu qu'il y avait lieu de réparer le préjudice financier démontré à hauteur de 100 000 euros tous chefs de préjudice confondus et, dans le dispositif de l'arrêt, a rejeté les autres demandes des parties.

12. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral résultant d'une discrimination, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation des chefs de dispositif ayant rejeté la demande d'ordonner le positionnement de la salariée à la qualification de directeur coefficient II N12 et limité à 100 000 euros le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et ayant rejeté la demande de paiement de la somme de 150 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral résultant de la discrimination n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'ordonner le positionnement de Mme [S] à la qualification de directeur coefficient II N12 avec, à titre principal, un salaire mensuel de 6 039 euros sur treize mois et, à titre subsidiaire, un salaire mensuel de 4 516 euros sur treize mois, en ce qu'il limite à 100 000 euros le montant des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et en ce qu'il rejette la demande de paiement de la somme de 150 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral résultant de la discrimination, l'arrêt rendu le 2 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Groupe moniteur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe moniteur et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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