N° Q 22-86.466 FS-B
N° 00593
RB5
6 JUIN 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 JUIN 2023
M. [O] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 30 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [O] [X], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 20 janvier 2020, les services de secours, intervenus au domicile de M. [O] [X] et de sa compagne, ont constaté le décès de leur nourrisson, [R], âgé de deux mois.
3. Les premières constatations médico-légales ont mis en évidence des lésions traumatiques au niveau du cerveau, évocatrices du syndrome du bébé secoué.
4. Entendu sous le régime de la garde à vue, M. [Aa] a admis avoir secoué l'enfant qui lui semblait s'étouffer avec son biberon et a mimé, au cours d'une audition enregistrée, les gestes qu'il déclarait avoir effectués.
5. Le 22 janvier 2020, il a été mis en examen pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de quinze ans par son père.
6. Le 24 janvier suivant, le juge d'instruction a ordonné une expertise médicale, fixant pour mission à l'expert notamment de « visionner l'audition de garde à vue n° 4 de [M. [X]], et précisément le passage à compter de 2h11, au cours duquel ce dernier montre les gestes sur l'enfant » et de se prononcer sur la compatibilité entre ceux-ci et les lésions constatées sur la victime.
7. Les conclusions du rapport d'expertise ont été notifiées le 9 septembre 2021.
8. Par requête enregistrée le 11 octobre 2021 au greffe, l'avocat de M. [Aa] a saisi la chambre de l'instruction en annulation de cette mesure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
9. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'
article 64-1 du code de procédure pénale🏛 que l'enregistrement audiovisuel des auditions des personnes placées en garde à vue pour un crime ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties et que le fait de diffuser un tel enregistrement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; que la méconnaissance de l'interdiction faite de consulter l'enregistrement pour d'autres causes que la vérification du contenu des déclarations et de le diffuser à d'autres personnes que les juges, le ministère public et les parties fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ; que le mis en examen faisait valoir que le juge d'instruction avait autorisé l'expert, pour l'exécution de sa mission, à consulter le contenu de l'enregistrement de son audition en garde à vue au cours de laquelle il avait accepté de reproduire les gestes qu'il aurait effectués sur son enfant ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à annulation, que la défense ne justifiait d'aucun grief, la chambre de l'instruction a violé, par fausse application, les
articles 171 et 802 du code de procédure pénale🏛🏛 ;
2°/ qu'est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; que procède tant d'un contournement des garanties prévues en matière de reconstitution ou d'audition du mis en examen par l'expert, lesquelles imposent la convocation de l'avocat dudit mis en examen, et que d'un détournement des dispositions de l'article 64-1 du code de procédure pénale, qui ne prévoient la possibilité de consulter l'enregistrement audiovisuel d'une audition en garde à vue qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal de cette audition et interdit de le diffuser à d'autres personnes que les juges, le ministère public et les partie l'expertise, qui sont tous deux de nature à vicier la recherche de la preuve en ce que la personne concernée ne savait pas que les gestes qu'elle était invitée à reproduire lors de son audition seraient analysés par un expert, l'expertise qui a donné lieu à l'examen par l'expert, sur autorisation du juge d'instruction, de l'enregistrement audiovisuel d'une audition en garde à vue afin d'analyser les gestes que la personne auditionnée était alors invitée à reproduire ; qu'en retenant que la consultation par l'expert d'un extrait précis de l'enregistrement audiovisuel de la garde à vue de monsieur [X] sur autorisation et demande expresse du juge d'instruction était exclusive d'un stratagème, la chambre de l'instruction a violé le principe de loyauté de la preuve et les
articles 64-1, 164 du code de procédure pénale🏛 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
11. Pour rejeter le moyen de nullité du rapport d'expertise et des actes subséquents, l'arrêt attaqué énonce que le juge d'instruction a autorisé l'expert, pour l'exécution de sa mission, à visionner le contenu de l'audition de M. [X] en garde à vue au cours de laquelle il a accepté de reproduire les gestes qu'il aurait effectués sur son enfant.
12. Les juges relèvent que l'article 64-1 du code de procédure pénale n'autorise la consultation des enregistrements imposés par ce texte qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition.
13. Ils retiennent que cette disposition a pour objet de garantir l'authenticité des déclarations recueillies en garde à vue et transcrites par les enquêteurs, de sorte qu'elle est édictée dans le seul intérêt de la personne poursuivie.
14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
15. En effet, les dispositions de l'article 64-1, alinéa 2, du code de procédure pénale ne prévoient pas que le juge d'instruction puisse donner mission à un expert de consulter les enregistrements audiovisuels effectués en application de ce texte, lesquels ont pour seul objet de garantir l'authenticité des déclarations qui ont été retranscrites au procès-verbal d'audition.
16. Une telle consultation porte atteinte aux intérêts de la personne
concernée lorsque les conclusions de l'expert s'appuient sur ces enregistrements.
17. Cependant, en l'espèce, l'avocat de M. [Aa], qui a reçu notification de l'ordonnance de commission d'expert conformément aux dispositions de l'
article 161-1 du code de procédure pénale🏛, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, n'a pas sollicité une modification de la question posée à l'expert, en application de ce texte.
18. Il a ainsi renoncé à se prévaloir de la nullité prise de la méconnaissance des dispositions de l'article 64-1, alinéa 2, du code précité.
19. Dès lors, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
20. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une quelconque déloyauté du juge d'instruction, dès lors que celui-ci l'a informé, en application de l'article 161-1 du code de procédure pénale, qu'il confiait à l'expert mandaté l'exploitation d'un enregistrement audiovisuel des auditions de garde à vue.
21. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.