CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 75652
Schnell
Lecture du 31 Mars 1989
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête, enregistrée le 11 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain SCHNELL, demeurant à Beaumont-le-Roger (27170), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 6 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions complémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle ainsi que des pénalités exigibles en cas de man euvres frauduleuses auxquelles il a été assujetti au titre des années 1973 à 1977 dans les rôles de la commune de Beaumont-le-Roger ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Massenet, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ; S'agissant des conclusions d'appel de M. SCHNELL : En ce qui concerne les impositions à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle établies, respectivement, au titre des années 1973, 1974 et 1975 et au titre des années 1973 et 1975 :
Sur le moyen tiré de ce que les impositions établies au titre de l'année 1973 étaient couvertes par la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1966 du code général des impôts, applicable aux impositions contestées : "1. Les omissions totales ou partielles dans l'assiette de l'un quelconque des impôts ou taxes désignés au livre I, première partie, chapitres 1, 2 et 3 ... peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'aux termes de l'article 1975 du même code également applicable : "Les prescriptions sont interrompues par les notifications de redressement ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements que le vérificateur se proposait d'apporter aux bases d'imposition du contribuable au titre de l'année 1973 ont été notifiés à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui a été présentée au domicile de l'intéressé le 26 décembre 1977 ; que, par suite, et quelles qu'aient été les instructions données par le requérant à l'administration postale, cette notification de redressements a interrompu la prescription qui, en vertu des dispositions précitées de l'article 1966, n'aurait été acquise, pour les impositions établies au titre de l'année 1973, que le 31 décembre 1977 ; qu'il suit de là que, aux dates du 31 janvier 1980 et du 30 avril 1980 où les impositions contestées ont été respectivement mises en recouvrement, l'action de l'administration fiscale n'était pas atteinte par la prescription ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux terms de l'article 179 du code général des impôts applicable aux impositions contestées : "Est taxé d'office tout contribuable qui n'a pas souscrit, dans le délai légal la déclaration de son revenu global prévue à l'article 170 ..." ; qu'aux termes de l'article 104 du même code, également applicable, le bénéfice non commercial de tout contribuable " qui n'a souscrit dans les délais légaux aucune des déclarations prévues aux articles 97 et 101 est arrêté d'office" ;
Considérant qu'il est constant que M. SCHNELL, qui s'était placé sous le régime de l'évaluation administrative pour la déclaration de ses bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1973 et sous le régime de la déclaration contrôlée pour les années suivantes, a déposé tardivement tant ses déclarations relatives de revenu global pour les années 1973, 1974 et 1975 que les déclarations de bénéfices non commerciaux auxquelles il était tenu pour ces mêmes années ; que, par suite, l'administration était en droit de fixer d'office les bases d'imposition au titre desdites années ; que, si l'administration a procédé à une vérification de la comptabilité de l'intéressé, les irrégularités qui, selon le requérant, entacheraient cette vérification sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que la situation de taxation d'office dans laquelle se trouve l'intéressé n'a pas été révélée à l'administration fiscale par ladite vérification ; qu'il suit de là que M. SCHNELL, qui ne se prévaut d'aucune irrégularité qui affecterait la procédure de taxation d'office, ne saurait obtenir la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti en se fondant sur les irrégularités qu'il invoque ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. SCHNELL, qui ne critique pas dans son principe la méthode suivie par l'administration, se borne, pour contester l'évaluation de ses recettes, que le vérificateur a calculées en reconstituant les ressources ayant une origine professionnelle, à souligner que ses dépenses de train de vie payées par chèques s'élevaient en 1976 à 337 251 F ; que ce fait, à le supposer exact, est, par lui-même, sans influence sur les bases des impositions établies au titre des années 1973, 1974 et 1975 ; que, dès lors, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases retenues ; En ce qui concerne les impositions établies au titre des années 1976 et 1977 :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ; qu'en outre cette pratique ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles 1649 septies et 1649 septies F du code général des impôts, applicables aux impositions contestées, et qui ont notamment pour objet de lui assurer, sur place, des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de la comptabilité du cabinet médical de M. SCHNELL l'agent vérificateur a emporté certains documents comptables ; que, si l'administration soutient que cet emport a été fait à la demande expresse du contribuable, elle se borne, pour en justifier, à présenter devant le juge de l'impôt deux documents rédigés par le vérificateur, énumérant des pièces prélevées et faisant état de la demande qu'aurait formulée le contribuable ; que, bien que ces documents soient contresignés par ce dernier en ce qui concerne la date où ils ont été rendus et, pour des documents se rapportant à l'année 1977, mentionnent, avec sa signature, l'accord du contribuable, ils ne suffisent pas à établir par eux-mêmes que le déplacement des pièces comptables a été fait sur la demande du contribuable ; que, dans ces circonstances, la vérification s'est trouvée entachée d'une irrégularité de nature à vicier les redressements qui en procèdent ; S'agissant des conclusions du recours incident du ministre :
Considérant que la présente décision comportant la décharge des droits supplémentaires qui ont été réclamés au titre des années 1976 et 1977, le ministre chargé du budget n'est pas fondé à demander le rétablissement des pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui avaient été appliquées aux impositions établies au titre de ces deux années et dont les premiers juges ont déchargé le requérant ;
Article 1er : M. SCHNELL est déchargé des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 dans les rôles de la commune de Beaumont-le-Roger.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 6 décembre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. SCHNELL et le recours incident du ministre chargé du budget sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. SCHNELL et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.