Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 27-04-2023, n° 21/10602, Confirmation


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8


ARRÊT AU FOND

DU 27 AVRIL 2023


N°2023/.


Rôle N° RG 21/10602 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZWR


S.A.R.L. [9]


C/


A B


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


- Me Vincent LE FAUCHEUR


- URSSAF PACA


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 03 Juin 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 15/04223.



APPELANTE


S.A.R.L. [9], demeurant [… …]


représentée par Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Laurence LEVETTI, avocat au barreau de MARSEILLE


INTIMEE


URSSAF PACA, demeurant [… …]


représentée par Mme [C] [R] en vertu d'un pouvoir spécial


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 23 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :


Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller


Greffier lors des débats : Mme Aa C.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2023.


ARRÊT


Contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2023


Signé par Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX, Conseiller, pour Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre régulièrement empêchée et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La société à responsabilité limitée (SARL) [9] a fait l'objet d'un contrôle relatif à l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période s'étendant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue duquel elle a reçu une lettre d'observations en date du 16 octobre 2014, contenant deux chefs de redressement pour chacun des établissement d'[Localité 6] et d'[Localité 5] pour un montant global respectif de 223.141 euros et de173.308 euros.


Par lettre en date du 24 décembre 2014, l'union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur (URSSAF PACA) a mis en demeure la société de lui payer la somme de 193.182 euros euros, dont 173.308 euros de cotisations et 19.874 euros de majorations de retard au titre du redressement notifié le 20 octobre 2014.


Par courrier du 20 janvier 2015, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester la mise en demeure.


Par une lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 8 avril 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales des Bouches-du-Rhône, aujourd'hui pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d'un recours en contestation de la décision implicite de rejet de la commission et en annulation du redressement.


Par jugement du 3 juin 2021, le tribunal a :

- rejeté les trois exceptions de procédure invoquées par la société,

- débouté la société de son recours,

- condamné la société à payer à l'organisme la somme de 193.182 euros, dont 19.874 euros de majorations de retard à parfaire, au titre de la mise en demeure du 24 décembre 2014,

- mis les dépens de l'instance à la charge de la société,

- condamné la société au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



Par déclaration formée par RPVA le 13 juillet 2021, la société a interjeté appel de cette décision.


A l'audience du 23 février 2023, l'appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe de la cour le jour-même. Elle demande à la cour de :


- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- annuler la procédure de redressement,

- annuler la mise en demeure en date du 16 décembre 2014, en raison de son imprécision, (sic)

- annuler le chef de redressement n°1 dans l'ordre de la lettre d'observations,

- condamner l'URSSAF PACA à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.


Au soutien de ses prétentions, la société fait d'abord valoir que l'URSSAF n'a pas respecté son obligation d'adresser un avis de passage préalable conformément aux dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale🏛 en ne l'adressant pas à l'établissement d'[Localité 5] mais au siège de la société à [3]. Elle précise que son établissement d'[Localité 5] a la qualité d'employeur dès lors que le responsable d'agence a tout pouvoir pour signer seul les contrats de travail et contrôler le travail des salariés en les sanctionnant, établit lui-même les bulletins de salaires et l'établissement paye lui-même ses propres cotisations et contributions sociales.Elle soutient, de surcroît, que l'avis de passage ne permet pas un accès direct et effectif à la charte du cotisant en renvoyant au site générique de l'URSSAF, de sorte que l'avis est nul.

La société fait ensuite valoir que la lettre d'observations du 16 octobre 2014 est imprécise en ce que les inspectrices n'ont pas précisé le mode de calcul du montant du redressement du chef de la réduction Fillon qui doit s'effectuer mission par mission et salarié par salarié, de sorte qu'elle n'a pas été mise en mesure d'apporter la contradiction à l'URSSAF. Elle en conclut que tant la mise en demeure que l'opération de contrôle elle-même, sont irrégulières.

Enfin, elle se prévaut de la déloyauté des inspectrices du recouvrement ayant prêté des déclarations à M. [Ab] alors qu'il n'est pas dirigeant de la société et à Mme [T] qui ne fait pas partie des effectifs de la société, pour retenir la mauvaise foi de la société.

Sur le fond, elle fait d'abord valoir que les inspectrices du recouvrement n'avaient pas le pouvoir d'apprécier la régularité de la mise en oeuvre du compte épargne temps au regard de l'accord de branche du 27 mars 2000, dans la mesure où elles n'ont pas compétence pour se prononcer sur la portée ou l'interprétaion d'une convention collective ou de branche.

En outre, elle considère que la sanction du défaut de respect des conditions de mise en oeuvre du CET ne peut être l'annulation de tous les comptes ouverts dans l'établissement dans la mesure où le respect des conditions de mise en oeuvre d'un CET n'a aucune incidence sur le traitement social des sommes placées sur le CET.

Elle indique qu'elle a respecté son obligation d'informer les salariés individuellement de l'existence du CET en affichant la note d'information dans l'ensemble de ses établissements. Elle fait valoir que tous les salariés ont ouvert un compte épargne temps et que chaque salarié désireux d'ouvrir un compte a attesté avoir été informé de la mise en place d'un compte épargne temps consécutivement à la publication de la note de service en date du 1er septembre 2011.

Elle affirme qu'elle est autorisée à déroger à l'accord collectif de branche dans un sens plus favorable aux salariés intérimaires. Elle explique que l'accord de branche prévoit une condition d'ancienneté de 910 heures au cours des douze derniers mois, mais cette disposition n'est pas impérative et la volonté de la société de mettre en place un CET bénéficiant à l'ensemble des salariés temporaires qu'elle que soit leur ancienneté est plus favorable aux salariés.

Elle considère qu'elle a respecté les modalités de déblocage du CET prévues à l'accord collectif, dès lors que le CET peut être utilisé sous forme de repos, mais également sous forme monétaire même si l'accord ne le prévoit pas et l'utilisation sous forme monétaire peut intervenir à tout moment sur simple demande du salarié,et donc en dehors des cas de déblocage expressément prévus par l'accord de branche qui ne vise que l'utilisation du CET sous forme de repos.

Enfin, elle fait valoir que les sommes versées sur un CET constituent une rémunération différée de sorte qu'elles ne sont soumises à cotisations sociales qu'au moment où le salarié décide d'utiliser son compte et de percevoir ces sommes, de sorte que l'URSSAF n'a pas à réintégrer les indemnités de finde mission et de congés payés dans la rémunération brute de chaque contrat dont elles sont issues uniquement pour le calcul de la réduction Fillon. Elle ajoute que les sommes placées sur un compte épargne temps constituant des rémunérations différées ne peuvent générer des cotisations qu'au moment de leur déblocage et ne peuvent donc pas, tant qu'elles sont sur le compte épargne, avoir une incidence sur le calcul de la réduction Fillon.


L'intimée se réfère aux conclusions déposées et visées par le greffe de la cour le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la société à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l'avis de passage prévu à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale a régulièrement été adressé au siège de la société contrôlée en indiquant que tous ses établissements seraient vérifiés. Elle considère que la jurisprudence dont se prévaut la société concernant l'adhésion à un protocole de versement en un lieu unique est inopérant en l'espèce et fait valoir la désignation du destinataire de l'avis de passage précisée dans la nouvelle version de l'article R.243-59 visant le représentant légal de la personne morale et l'adresse du siège social ou, le cas échéant, son établissement principal, pour démontrer que son avis est régulier. En outre, elle indique que l'avis de passage précise bien l'adresse électronique à partir de laquelle la société peut consulter la charte du cotisant, ainsi que la possibilité d'en demander la communication, mais que la société n'a jamais sollicité la remise de la charte par les inspectrices directement.

Elle fait valoir que la lettre d'observations indique la nature du chef de redressement, la base et le taux appliqué, les modalités du calcul et précise que l'assiette de la réduction Fillon a été obtenue par la différence entre le calcul opéré par l'entreprise et le nouveau calcul réalisé par les inspectrices selon les annexes 1 et 2 communiquées à l'employeur, de sorte qu'elle est régulière.

Elle réplique qu'il importe peu que Mme [T] ne fasse pas partie des effectifs de la société [7] dès lors que le contrôle concerne la société [9] et qu'il résulte de la signature de la note d'information relative à la mise en place du CET litigieux que M. [E] était président directeur général de la société à la date du 1er septembre 2011, de sorte que les inspectrices du recouvrement étaient légitimes à recueillir leurs déclarations. Elle ajoute qu'il ressort de la lettre d'observations que la durée du contrôle est due au seuls manquements de la société dans la production des documents, de sorte qu'aucun comportement déloyal ne saurait être reproché aux inspectrices du recouvrement.

Sur le fond, elle fait valoir qu'il a été constaté que les indemnités de fin de mission et de congés payés, dont le montant est soumis à cotisations, n'ont pas été prises en compte pour calculer la réduction Fillon et que des sommes importantes comptabilisées en compte 'produits exceptionnels' sous le libellé 'chèques non retirés' correspondent aux situations dans lesquelles des indemnités de fin de contrat ont été soumises à cotisations sans être prises en compte dans le calcul de la réduction Fillon et ont été récupérées par l'employeur quand les salariés n'ont pas retiré les chèques qui leur revenaient. Elle répond à la société qu'elle est compétente pour vérifier l'application des dispositions du code du travail et des accords collectifs sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation qui l'admet et se fonde sur les dispositions de l'accord de branche du 27 mars 2000 et les articles L.3152-1 et suivants du code du travail🏛 pour démontrer que la société n'a pas respecté les modalités d'utilisation du compte épargne temps.


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

 


MOTIFS DE LA DECISION


Sur la régularité de l'avis de contrôle


Aux termes de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 juillet 2016, applicable à l'avis de passage litigieux du 17 mars 2014 :


'Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail🏛. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.'


Il résulte de ces dispositions que l'avis de contrôle est obligatoire et doit être adressé à l'employeur tenu aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions sur lesquelles va porter le contrôle envisagé.


En l'espèce, l'avis de passage du 17 mars 2014, a été adressé au siège social de la SARL [9] à [Localité 4], et non à l'établissement d'[Localité 5] faisant l'objet du contrôle.


Il importe peu que le responsable d'agence d'[Localité 5] ait tout pouvoir pour signer les contrats de travail, contrôler l'exercice de leur travail par les salariés rattachés à son établissement et établir les bulletins de salaires de ces derniers, dès lors que ni lui-même, personne physique, ni l'établissement qu'il gère, dont il n'est pas discuté qu'il n'a pas de personnalité juridique, ne sont l'employeur des salariés rattachés à cet établissement.


Dès lors que l'employeur demeure la SARL [9], personne morale, l'avis de passage est régulièrement adressé à son représentant légal au lieu de son siège social.


Par ailleurs, il ressort de l'avis de passage litigieux que la société a été mise en mesure de consulter la charte du cotisant contrôlé en ces termes :


' un document intitulé 'Charte du cotisant contrôlé' dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable sur le site http://www.urssaf.fr. A votre demande, cette charte peut vous être adressée.'


Il s'en suit que dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même invoqué, que son équipement informatique n'a pas permis à la société d'accéder à la charte et qu'elle n'a pas reçu communication de la charte sur un autre support malgré sa demande, la société a été mise en mesure d'accéder à la charte du cotisant avant l'ouverture des opérations de contrôle et l'URSSAF a bien respecté son obligation d'information.


Aucune nullité ne saurait donc être retenue du chef de l'irrégularité de l'avis de contrôle.


Sur la régularité de la lettre d'observations


Aux termes du 5ème alinéa de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale :


'A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés.'


En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014 qu'elle est datée et signée, qu'elle mentionne que l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS est l'objet du contrôle, qu'il est observé l'existence d'irrégularités concernant l'application de la réduction Fillon dans une entreprise de travail temporaire et précise en quoi elles consistent, qu'elle indique que le redressement porte sur la réduction Fillon pour un montant de 74.667 euros pour 2012 et 98.641 euros pour 2013 et précise le mode de calcul opéré en ces termes :


'La réduction générale Fillon est recalculée par mission, à partir des justificatifs produits par l'entreprise (tableaux d'allègement Fillon par an et par salarié établis en fin d'exercice format pdf) : les indemnités de fin de mission et de congés payés (IFM/CP) ont été recalculées (21% du salaire brut de chaque mission soit (salaire x10%)x10%) et rajoutées au salaire brut pris en compte par l'entreprise pour le calcul de la réduction. Les justificatifs des réductions générales Fillon nous ont été transmis sous format PDF, sur les clés USB que nous avons fournies.'


Il s'en suit que toutes les mentions exigées à l'article R.243-59 sont contenues dans la lettre d'observations, y compris le mode de calcul des montants redressés. Il importe peu que la lettre d'observations ne reprenne pas en détail le calcul mission par mission et salarié par salarié, dès lors que la société est mise en mesure de vérifier que le calcul, dont le mode est précisé et les montants pris en compte sont ceux fournis par elle-même dans un document auquel il est précisément renvoyé.


Aucune irrégularité ne saurait donc être retenue du chef de motivation insuffisante de la lettre d'observations.


Sur la déloyauté des inspectrices du recouvrement


Les constatations d'un inspecteur du recouvrement font foi jusqu'à preuve du contraire.


En l'espèce, la société affirme sans le démontrer que les déclarations de M. [Ab], dont il ressort de la signature de la note d'information relative aux compte épargne temps produite par la société qu'il a effectivement qualité de président directeur général en septembre 2011 contrairement à ce que l'appelante prétend, et que les déclarations de Mme [T], dont il importe peu qu'elle ne fasse pas partie des effectifs de la société [8] dès lors qu'il n'est pas discuté qu'elle est bien la responsable de paie de la société [8] intérimaire qui fait l'objet du contrôle, qui sont retenues par les inspectrices dans la lettre d'observations, sont fausses.


Il s'en suit que l'URSSAF est légitime à se fonder sur les déclarations retenues par les inspectrices du recouvrement.


En outre, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, que la durée des opérations de contrôle résulte de leur interruption pour cause de vacances de l'employeur et de la production tardive des documents, et que l'irrespect des conditions d'application du compte épargne temps a été volontaire pour majorer l'avantage des réductions Fillon, de sorte que l'absence de bonne foi de l'employeur est valablement retenue par l'URSSAF.


En conséquence, la déloyauté des inspectrices dans le déroulement des opérations du contrôle n'est pas établie et aucune nullité ne pourra donc être retenue de ce chef.


Sur la compétence des inspectrices du recouvrement pour vérifier l'application des règles de fonctionnement d'un compte épargne temps


Selon l'article L213-1 du code de la sécurité sociale🏛, les URSSAF assurent le recouvrement des cotisations d'assurances sociales et le contrôle du recouvrement de ces cotisations.


L'article R243-43-3 du même code🏛, précise que: «pour l'exercice des missions définies à l'article L213-1, les organismes de recouvrement procèdent à la vérification de l'exactitude et de la conformité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises par les travailleurs indépendants et les employeurs, personnes privées ou publiques. (...)».


Il résulte de ces dispositions légale et réglementaire que les URSSAF ont la faculté de contrôler l'exactitude et la conformité à la législation en vigueur des déclarations transmises, dans le cadre du contrôle qu'elles réalisent, et peuvent ainsi apprécier la régularité des conséquences tirées par l'employeur du versement sur un compte épargne temps d'indemnités qu'il est tenu légalement de payer à ses salariés, lors de la réduction généralisée sur les bas salaires appelée réduction Fillon.


Sur le bien-fondé du redressement


La loi n°2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a mis en place une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale égale au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisations du salarié multiplié par un coefficient.


L'article D.241-7 II du code de la sécurité sociale🏛 précise que pour les salariés en contrat de travail temporaire mis à disposition au cours d'une année auprès de plusieurs entreprises utilisatrices, le coefficient est déterminé pour chaque mission.


Par lettre ministérielle du 14 novembre 2012, il est admis qu'en cas de versement de sommes sur un compte épargne temps et monétisation de ces sommes au cours d'une mission ou postérieurement à la fin de la mission, ces sommes soient rattachées à la dernière mission effectuée (en cours ou passée), même si les sommes constituant le compte épargne temps se rapportent à de précédentes missions.


En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, que les inspectrices du recouvrement ont constaté que jusqu'en septembre 2011, les indemnités de fin de mission (IFM) et de congés payés (CP) sont calculées à la fin de chaque mission sous les codes paie 390 et 391, et qu'à compter d'octobre 2011, elles n'apparaissent plus sur les fiches de paie sous ces codes mais systématiquement sous le code 400 paiement IFM/CP (Compte épargne temps).


Il y est expliqué qu'à compter du mois d'octobre 2011 un compte épargne temps a été ouvert systématiquement pour tous les salariés et que toutes les indemnités CP et IFM , quelle que soit la durée de la mission, même s'il n'y a qu'une mission dans l'année, sont placées sur le compte CET.


Surtout, il y est précisé que la réduction Fillon a été calculée par la société comme suit :


- lorsque la mission du salarié commence et se termine dans le même mois alors la réduction Fillon est calculée sur le seul salaire sans anticipation des CP et IFM passés en compte épargne temps de sorte que ni les congés payés ni les indemnités de fin de mission ne sont pris en compte pour le calcul de la réduction Fillon,


- et lorsque la mission du salarié commence le mois M et se termine sur le mois M+1 ou M+2..., alors la réduction Fillon est calculée pour le mois M sur le salaire augmenté de l'anticipation des CP et IFM, mais pour les mois suivants, lorsque la mission se termine, la réduction Fillon est recalculée sur l'ensemble de la mission M + M+1 (ou M+2...) sans les CP et IFM anticipés

de sorte que les CP et IFM passés en CET ne sont pas pris en compte dans le calcul de la réduction Fillon.


Il s'en suit que lorsque la monétisation du compte épargne temps intervient au cours du mois de son ouverture ou des mois suivants à la fin de la mission du salarié intérimaire, le montant est régulièrement soumis à cotisations mais n'est pas pris en compte dans le calcul de la réduction Fillon.


C'est en vain que la société rappelle que les indemnités de fin de mission et de congés payés versées sur un compte épargne temps constituent une rémunération différée pour justifier qu'elles ne soient pas prises en compte dans le calcul de la réduction Fillon chaque mois pendant lesquels elles sont bloquées sur le CET, puisqu'au moment de la monétisation de ces sommes, elles ne sont de toutes façons pas prises en compte dans le calcul de la réduction Fillon.


Par ailleurs, selon les articles L.3151-1 et L.3151-2, dans leur rédaction applicable issue du décret du 20 août 2008, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées. Le compte épargne-temps peut être institué au profit des salariés par convention ou accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement.


L'accord détermine:

- les conditions et limites de l'alimentation en temps ou en argent à l'initiative du salarié ou, pour les heures accomplies au-delà de la durée collective, à l'initiative de l'employeur,

- les modalités de gestion,

- les conditions d'utilisation, de liquidation et de transfert des droits d'un employeur à un autre.


En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, que la société n'a pas informé individuellement les intérimaires susceptibles d'avoir accès au compte épargne temps, comme l'exige l'article 6 de l'accord collectif de branche du 27 mars 2000 dans la mesure où l'affichage de la note d'information, si elle constitue une information collective, en revanche, elle ne constitue pas une information individuelle.


C'est en vain que la société se prévaut de la signature par chacun des salariés ayant ouvert un compte épargne temps d'un document indiquant qu'ils ont 'été informés de la mise en place d'un compte épargne temps consécutivement à la publication de la note de service n° '01102011" en date du '01/09/2011"' dès lors que cette indication ne fait que démontrer que seuls les salariés ayant ouvert un compte attestent avoir été informés de l'existence du compte et qu'elle confirme que l'information n'a pas été individuelle mais collectivement adressée par publication d'une note de service.


En outre, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, que la société a par décision unilatérale, étendu le champ d'application du compte épargne temps, en faisant bénéficier les salariés qui ne remplissaient pas la condition d'ancienneté de 910 heures au cours des douze mois précédant l'ouverture du compte prévue à l'article 6-2 de l'accord de branche, la note d'information publiée par la société ne prévoyant aucune condition d'ancienneté.


C'est encore en vain que la société fait valoir qu'elle peut étendre le champ d'application du compte épargne temps au motif que les conditions appliquées sont plus favorables au salarié. En effet, si le compte épargne temps a pour finalité de permettre à tout intérimaire qui le souhaite d'accumuler des droits en vue d'une rémunération, conformément aux dispositions de l'article 6-1 de l'accord de branche, cette accumulation de droits ne peut être que la contre-partie d'un minimum d'ancienneté dans l'entreprise comme il est prévu dans l'accord, de sorte que l'employeur ne saurait valablement unilatéralement modifier l'équilibre décidé collectivement au sein de la branche d'activité concernée.


Enfin, il ressort de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, que la société n'a pas respecté les modalités de déblocage du CET prévues par l'accord de branche.


Ainsi, alors que le compte épargne temps doit être utilisé en dehors des périodes de mission, il a été constaté que la société autorise son déblocage «à tout moment». De même, alors que la demande

d'utilisation du compte épargne temps par le salarié doit être formalisée par écrit et dans le respect d'un certain délai, il a été constaté que la société autorise le déblocage du compte «par tout moyen» et notamment par «demande orale». Encore, alors que la demande écrite du salarié doit être justifiée par des motifs choisis sur une liste exhaustive prévue à l'accord de branche, il a été constaté que la société autorise des clôtures de compte sur simple demande par courrier du salarié.


Les dispositions de l'article L.3153-1 du code du travail🏛, dans sa version en vigueur du 11 novembre 2010 au 10 août 2016, applicables aux faits de l'espèce, selon lesquelles : 'Nonobstant les stipulations de la convention ou de l'accord collectif, tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération ou pour cesser, de manière progressive, son activité.'ne contreviennent pas à la détermination des conditions et modalités de présentation de la demande du salarié et de la réponse de son employeur pour l'utilisation des droits affectés sur le compte, par l'accord de branche et n'exonèrent en rien la société de son obligation d'appliquer les conditions prévues à l'accord de branche.


Enfin, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'URSSAF n'a pas procédé à l'annulation des comptes épargne temps mais seules les sommes qui y avaient été versées au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de fin de mission, ont été réintégrées dans l'assiette de calcul de la réduction Fillon.


Il s'en suit que le redressement opéré est bien-fondé.


En conséquence, la société doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.


Sur les frais et dépens


La société appelante, succombant à l'instance, sera condamnée à payer les dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile🏛.


En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société, condamnée aux dépens, sera également condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS


La cour statuant publiquement par décision contradictoire,


Confirme le jugement en toutes ses dispositions,


Condamne la société à responsabilité limitée [9] à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,


Déboute la société à responsabilité limitée [9] de sa demande en frais irrépétibles,


Condamne la société à responsabilité limitée [9] au paiement des dépens de l'appel.


Le Greffier Le Conseiller pour la Présidente empêchée

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