CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 6641
Ministre délégué à l'Economie et aux Finances
contre
M. xxxxx
Lecture du 24 Octobre 1979
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 7ème Sous-Section
Vu le recours, présenté par le ministre délégué à l'Economie et aux Finances, ledit recours, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 mars 1977 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil réformer un jugement en date du 16 novembre 1976 par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé à M. xxxxx, demeurant xxxxx la décharge des pénalités afférentes à la taxe complémentaire qui lie à son nom en 1968 et à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire auxquelles l'intéressé a été assujetti au titre de l'année 1969 dans les rôles de la ville de xxxxx;
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que M. xxxxx, outre ses fonctions de gérant majoritaire de la société à responsabilité limitée xxxxx, qui exploite une entreprise de bâtiment et de travaux publics, exploite lui-même à titre personnel une entreprise de lotissement qu'il a créée en 1961; qu'il a, au cours des années 1968, 1969 et 1970, vendu de nombreux biens immobiliers qu'il avait précédemment acquis, réalisant ainsi des profits de lotissement ainsi qu'une plus-value sur la revente en 1969 d'un terrain non bâti; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, qui n'a pas été tenue pour probante par l'administration, celle-ci a, en premier lieu, rehaussé le montant des bénéfices provenant des opérations de lotissement, en deuxième lieu rattaché à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux la plus-value de cession du terrain non bâti, que l'intéressé avait soumise à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire comme relevant de la catégorie définie à l'article 150 ter du code général des impôts, en troisième lieu, décidé d'appliquer aux cotisations supplémentaires établies de ces chefs, du moins en ce qui concerne la taxe complémentaire due au titre des années 1968 et 1969 et en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des personnes physiques dû au titre de l'année 1969, les majorations prévues à l'article 1729 du même code; que M. xxxxx a demandé la décharge de l'ensemble des droits et pénalités établis sur ces bases devant le tribunal administratif de Pau qui, par un jugement en date du 16 novembre 1976, a rejeté les conclusions du contribuable tendant à la décharge des droits simples, mais a prononcé la décharge des pénalités; que le Ministre délégué à l'Economie et aux Finances fait appel de ce jugement et conclut au rétablissement des pénalités litigieuses; que, par la voie d'un recours incident, M. xxxxx reprend ses conclusions de première instance relatives aux droits en principal;
En ce qui concerne les droits en principal:
Sur la recevabilité du recours incident de M. xxxxx:
Considérant que l'appel formé par le ministre ne porte que sur les pénalités qui avaient été mises à la charge de M. xxxxx en ce qui concerne la taxe complémentaire dûe au titre des années 1968 et 1969 et en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des personnes physiques dû au titre de l'année 1969; que, par suite, le recours incident de M. xxxxx n'est recevable qu'en ce qui concerne les droits simples auxquels correspondent ces pénalités;
Considérant, en premier lieu, qu'au cours de la période s'étendant de 1959 à 1970, M. xxxxx s'est livré à de nombreuses opérations tant de ventes que d'achats ainsi qu'à des opérations de lotissement; que notamment pendant les années 1968, 1969 et 1970 l'intéressé a procédé à la vente d'une maison d'habitation, de plusieurs parcelles de terrains lotis acquis en 1961 et en 1966 et d'un terrain à bâtir acheté en 1961 pour la somme de 60 750F et revendu au prix de 500 000 francs; qu'en égard l'importance des opérations ainsi réalisées et au délai généralement bref séparant les cessions des acquisitions préalables, de telles opérations caractérisent l'activité d'un marchand de bien dont les profits constituent, en vertu de l'article 35 -I- 1° du code général des impôts, des bénéfices industriels et commerciaux; que, si le requérant soutient que cette activité ne présentait aucun caractère spéculatif, dès lors que l'ensemble des acquisitions et cessions auraient été exigées pour les besoins de la société à responsabilité limitée "xxxxx" dont il est le gérant majoritaire, il résulte de l'instruction qu'une partie importante des opérations litigieuses était totalement étrangére aux intérêts de ladite société et que celles de ces opérations que pouvait justifier la décision d'étendre les installations de la société dont il s'agit ont été réalisées dans des conditions telles qu'elles n'excluaient pas de la part de M. xxxxx la recherche d'un gain personnel; que notamment M. xxxxx ne pouvait ignorer, lors de l'acquisition du terrain dit qu'une fraction importante de celui-ci devrait être revendue, en égard aux exigences limitées d'extension des installations de la société xxxxx;
Considérant, en second lieu, que le bénéfice de l'étalement prévu à l'article 163 du code général des impôts est réservé aux seuls revenus exceptionnels, qu'eu égard aux circonstances de l'espèce telles qu'elles sont précisées ci-dessus, les projets de lotissement réalisés par M. xxxxx ne sauraient être regardés comme des revenus exceptionnels;
Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne l'achat en 1961 et la revente en 1969 du terrain à bâtir sis xxxxx, il est exact que M. xxxxx a dû acquérir le fonds dont il s'agit en même temps que les parts de la xxxxx détenues par l'ancien gérant majoritaire de celle-ci et qu'après avoir inscrit ledit terrain au bilan de son entreprise personnelle, l'intéressé a, quelques mois avant la cession du bien litigieux, transféré celui-ci dans son patrimoine personnel, prenant ainsi une décision de gestion opposable au service, il résulte de l'instruction que ce transfert n'était motivé par aucune utilisation personnelle ou familiale du terrain et que la cession de celui-ci ne saurait être dans les circonstances de l'espèce, dissociée de l'ensemble des autres opérations réalisées par M. xxxxx dans le cadre de son activité de marchand de biens; que par suite, la plus-value réalisée à l'occasion de la vente dont il s'agit constituait un bénéfice industriel et commercial tel qu'il est défini à l'article 35 - I - 1° du code général des impôts et que c'est à bon droit que l'administration l'a imposé comme tel et non dans les conditions définies à l'article 150 ter du code; que la circonstance, dont se prévaut M. xxxxx en invoquant les dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, que le service n'aurait pas immédiatement procédé à la rectification de sa déclaration dans laquelle il avait soumis la plus-value en cause aux dispositions dudit article 150 ter ne saurait être regardée comme constituant une interprétation de cet article qui serait opposable au service;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que M. xxxxx n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté, en ce qui concerne les droits en principal, ses conclusions relatives à la taxe complémentaire au titre des années 1968 et 1969 et à l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l'année 1969 auxquels il a été assujetti;
En ce qui concerne les pénalités:
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, lorsque la bonne foi du contribuable ne peut être admise, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié des droits réellement dus et de 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus;
Considérant qu'eu égard au délai très court qui a séparé le transfert du terrain sis avenu xxxxx dans le patrimoine personnol de M. xxxxx et la cession de ce terrain, M. xxxxx ne saurait être regardé comme ayant pu de bonne foi soumettre la plus-value résultant de cette cession aux dispositions de l'article 150 ter du code général des impôts, alors qu'il résulté de l'instruction que ledit transfert n'avait pour seul objet que de tenter de soustraire à la taxation de droit commun prévue à l'article 35 - I le profit litigieux; que dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort qu'en ce qui concerne les droitls éludés sur ce point, le tribunal administratif a accordé la décharge des pénalités auxquelles l'intéressé avait été à bon droit assujetti en vertu de l'article 1729 du code général des impôts;
Considérant en revanche que, nonobstant les erreurs affectant dans les écritures comptables de M. xxxxx l'évaluation des stocks, l'administration n'établit pas que les minerations des profits tirés de la vente des parcelles de terrains bâtis, telles qu'elles résultent des déclarations souscrites au titre des années 1968, et 1969, ont été commises par le contribuable dans des conditions qui excluent sa bonne foi; qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, sur ce point fait droit aux conclusions de M. xxxxx;
Considérant, d'autre part, que le ministre demande que le dégrèvement auquel a droit M. xxxxx soit compensé, à due concurrence, par les intérêts de retard encourus par application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 1963; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune mention permettant au service de constater les minerations sus-indiquées et de reconstituer la base d'imposition n'était contenue dans les déclarations de l'intéressé; qu'ainsi, la condition pesée au 2e alinéa de l'article 1728 pour que le contribuable fût dispensé des intérêts de retard faisant défaut, il appartient au Conseil d'Etat de faire droit sur ce point aux conclusions du ministre.
DECIDE
Article 1er: -- Les impositions supplémentaires à la taxe complémentaire au titre des années 1968 et 1969 et à l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l'année 1969 auxquelles M. a été assujetti doivent être majorées: 1° des intérêts de retard prévus à l'article 1728 du code général des impôts, en ce qui concerne les droits simples corrospondant aux bases d'imposition autres que le bénéfice réalisé à l'occasion de la cession du terrain sis xxxxx; 2° de pénalités calculées conformément aux prescriptions de l'article 1729 du code général des impôts, en ce qui concerne le surplus des droits simples.
Article 2: - Les pénalités dont le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge sont remises à la charge de M. xxxxx à concurrence des montants résultant de l'article précédent.
Article 3: - Le jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 16 novembre 1976 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4: - Le surplus des conclusions du recours du Ministre délégué à l'Economie et aux Finances ainsi que le recours incident de M. xxxxx sont rejetés.