Jurisprudence : Cass. soc., 19-04-2023, n° 22-14.778, F-D, Cassation

Cass. soc., 19-04-2023, n° 22-14.778, F-D, Cassation

A77229Q3

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:SO00422

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047483023

Référence

Cass. soc., 19-04-2023, n° 22-14.778, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95448323-cass-soc-19042023-n-2214778-fd-cassation
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SOC.

OR


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023


Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 422 F-D

Pourvoi n° T 22-14.778


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023


M. [R] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-14.778 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2021), M. [Y] a été engagé en qualité d'ouvrier qualifié mécanicien d'entretien à compter du 5 août 1992 par l'Epic la Régie autonome des transports parisiens (la RATP). Au dernier état de la relation de travail, il occupait un poste de mainteneur au sein des ateliers de Vitry.

2. A la suite d'un accident du travail survenu le 10 avril 2004, puis de rechutes, il a été, à différentes reprises, déclaré inapte temporairement ou apte avec aménagement de son poste par le médecin du travail.

3. A compter du 19 juin 2015, le médecin du travail a déclaré le salarié apte avec aménagement de poste en précisant qu'il convenait de maintenir l'aménagement de son poste et en préconisant d'éviter toute majoration des temps de trajet et un maintien des horaires de travail permettant l'utilisation des transports en commun.

4. Le salarié a ensuite été en arrêt de travail pour maladie. Le 16 février 2016, il a été déclaré apte avec maintien des aménagements antérieurs et mi-temps thérapeutique.

5. Le 9 mai 2016, le salarié a été sanctionné par deux jours de mise en disponibilité d'office sans traitement. Il a contesté cette sanction que son employeur a maintenue.

6. Le 22 décembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement et discrimination et l'annulation des sanctions disciplinaires.


Examen des moyens

Sur le troisième et le quatrième moyens

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 1 000 euros la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination, alors « que les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail🏛🏛, prohibant respectivement les discriminations et le harcèlement moral, sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques ; qu'en indemnisant un même et unique préjudice moral consécutif aux faits de harcèlement moral et de discrimination à hauteur de 1. 000 euros, sans tenir compte de ce qu'il existait deux préjudices moraux différents à indemniser, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1152-1, et L. 1134-5 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail :

9. Les obligations résultant des articles L. 1132-1 du code du travail, au titre du principe de non-discrimination, et L. 1152-1 du même code, au titre de la prohibition du harcèlement moral, sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi, l'arrêt retient que le harcèlement moral et la discrimination sont caractérisés et que, compte tenu du préjudice moral subi, des dommages-intérêts à hauteur de 1 000 euros lui seront alloués pour ces deux chefs de préjudice.

11. En statuant ainsi, alors que le salarié formait dans le dispositif de ses conclusions des demandes distinctes de dommages-intérêts au titre de la discrimination et du harcèlement moral et qu'il résultait de ses constatations l'existence de deux chefs de préjudice distincts, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, alors « que les obligations résultant des faits de harcèlement et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques ; que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique ou mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-1 du code du travail🏛 ; qu'ayant constaté, d'une part, que l'employeur avait à deux reprises, en méconnaissance des avis du médecin du travail, maintenu l'affectation du salarié sur le site de Bussy et qu'il n'avait pas réagi aux alertes des délégués du personnel et de l'inspection du travail sur la situation de l'intéressé et, d'autre part, la dégradation postérieure de l'état de santé du salarié, tout en refusant d'en déduire un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et un préjudice distinct des faits de harcèlement moral et de discrimination, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les aticles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 :

13. L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

14. Pour débouter le salarié de sa demande, l'arrêt retient l'absence de préjudice distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral et de la discrimination.

15. En statuant ainsi, alors d'une part que le salarié demandait la réparation du préjudice résultant de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement moral, d'autre part qu'elle avait retenu qu'il était établi que le médecin du travail préconisait des aménagements du poste du salarié à Vitry, mais que l'employeur l'avait affecté à Bussy-sur-Marne en présentant cette affectation comme nécessaire au regard de restrictions médicales non avérées et qu'il avait maintenu cette affectation à deux reprises malgré les avis du médecin du travail recommandant un maintien de son poste antérieur et l'absence d'allongement de ses temps de trajet, que l'employeur ne justifiait pas de l'absence de réaction de sa part aux alertes des délégués du personnel et de l'inspecteur du travail et que le salarié justifiait de la dégradation de son état de santé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Régie autonome des transports parisiens à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination et en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 17 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la Régie autonome des transports parisiens et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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