Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 10-02-1993, n° 61707

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 61707

M. Maurice KASSAB

Lecture du 10 Février 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 août 1984, présentée par M. Maurice KASSAB, demeurant 425, boulevard Romain-Rolland à Marseille (13009) ; M. KASSAB demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 14 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974, 1976 et 1978 dans les rôles de la commune de Marseille ; 2°) accorde la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Marseille a été saisi de trois demandes distinctes, l'une émanant de M. KASSAB relative au supplément d'impôt sur le revenu auquel celui-ci a été assujetti au titre des années 1974, 1976 et 1978 et les deux autres émanant de la S.A.R.L. "Gemka", relatives, respectivement aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée et aux suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des périodes du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1974, du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1976 et du 1er janvier 1978 au 30 septembre 1978 et au titre des exercices clos en 1974, 1975, 1976, 1977 et 1978 ; que, compte tenu de la nature de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu, et quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit entre les impositions contestées, le tribunal devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de M. KASSAB, d'une part, et de la S.A.R.L. "Gemka", d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction des trois instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de M. KASSAB ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. KASSAB, et d'y statuer immédiatement ;
Sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. KASSAB :
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de la S.A.R.L. "Gemka", qui exploite un fonds de commerce de vente au détail d'articles de bonneterie, des sommes correspondant à des recettes qu'elle a regardées comme ayant été dissimulées ; qu'estimant que Mme Kassab, gérante de ladite société, était la bénéficiaire des revenus réputés distribués par celle-ci, elle a assujetti M. KASSAB à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de ces trois années ; qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la S.A.R.L. "Gemka" dès lors qu'il est constant que M. KASSAB a refusé d'accepter les redressements découlant du rattachement à son revenu global desdits bénéfices ;
Considérant que, pour reconstituer les bénéfices réalisés par la société, le vérificateur, après avoir rejeté comme non probante la comptabilité de celle-ci, a, au titre de chacun des exercices en cause, appliqué au montant des achats effectués pendant ces exercices, un coefficient de marge brute déterminé à partir d'un échantillon de onze articles ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la notification de redressement, en date du 16 octobre 1978, adressée à ladite société et du rapport présenté à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que cette reconstitution a été opérée à partir d'articles non pas "sélectionnés parmi les familles de produits vendus par l'entreprise" comme le soutient l'administration mais "pris au hasard" lors de la vérification ; que M. KASSAB, qui critique à juste titre le caractère excessivement sommaire d'une telle méthode, soutient avec raison que le coefficient retenu par l'administration ne tient pas suffisamment compte de la variété des éléments susceptibles d'influer sur la marge de revente des différents articles commercialisés par ladite société, eu égard notamment aux différences de qualité ; qu'il s'en suit que l'établissement des impositions assignées à M. KASSAB doit être regardé comme dépourvu de base légale ; que le requérant est, par suite, fondé à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1974, 1976 et 1978 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 mai 1984 est annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de M. KASSAB.
Article 2 : M. KASSAB est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre des années 1974, 1976 et 1978.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice KASSAB et au ministre du budget.

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