Jurisprudence : CE 1/4 SSR, 29-03-1989, n° 59464

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 59464

Société Pradeau et Morin et Me Meille
contre
Lange

Lecture du 29 Mars 1989

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE PRADEAU ET MORIN, société anonyme, dont le siège social est 41 boulevard Soult à Paris (75012), représentée par son président directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège, et par Me Bernard MEILLE, demeurant 79 rue du Temple à Paris (75003), agissant en sa qualité de syndic du réglement judiciaire de la SOCIETE PRADEAU ET MORIN, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1- annule le jugement du 14 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande dirigée tant contre une décision du 9 novembre 1982 par laquelle le ministre délégué aux affaires sociales, chargé du travail a, sur recours hiérarchique, confirmé une décision du 8 juin 1982 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé d'autoriser le licenciement de M. François Lange, délégué syndical, que contre cette dernière décision ; 2- annule pour excès de pouvoir ladite décision ministérielle du 9 novembre 1982 ainsi que ladite décision de l'inspecteur du travail du 8 juin 1982 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Consolo, avocat de la SOCIETE ANONYME PRADEAU ET MORIN, - les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision ministérielle du 9 novembre 1982 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.412-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de l'inspecteur du travail : "Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après avis conforme de l'inspecteur du travail ..." ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'à la suite de la mise en réglement judiciaire de la SOCIETE PRADEAU ET MORIN, le syndic au réglement judiciaire a demandé l'autorisation de licencier pour motif économique M. Lange, délégué syndical, qui n'était pas compris dans la liste des salariés repris par la nouvelle société poursuivant l'activité de l'entreprise par voie de location-gérance ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête approfondie à laquelle l'administration a procédé, le syndic au réglement judiciaire de la SOCIETE PRADEAU ET MORIN et la nouvelle société reprenant l'exploitation n'ont apporté aucune justification de la désignation de M. Lange parmi les salariés qui devaient être licenciés ; que si, au cours de l'instance qu'ils ont introduite devant la juridiction administrative, la SOCIETE PRADEAU ET MORIN et le syndic au réglement judiciaire ont fait connaître les critères généraux qui avaient été utilisés pour licencier 7 des 42 tailleurs de pierre qu'employait la société, ils n'ont fourni aucun élément de nature à justifier que l'application de ces critères conduisait à placer M. Lange parmi les salariés qui devaient être licenciés ; que, dans ces conditions, en estimant, dans sa décision du 9 novembre 1982, que le licenciement de M. Lange devait être regardé comme étant en rapport avec les fonctions de délégué syndical de celui-ci, et en rejetant pour ce motif le recours hiérarchique formé par la SOCIETE PRADEAU ET MORIN contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. Lange, le ministre délégué aux affaires sociales chargé du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation et n'a pas excédé ses pouvoirs ; que, dès lors, la SOCIETE PRADEAU ET MORIN et Me MEILLE, syndic au réglement judiciaire de ladite société, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 9 novembre 1982 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 8 juin 1982 :
Considérant que ces conclusions n'ont pas été présentées devant le tribunal administratif ; qu'étant nouvelles en appel, elles sont irrecevables ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE PRADEAU ET MORIN et de Me MEILLE, syndic au réglement judiciaire, est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PRADEAU ET MORIN, à Me MEILLE, à M. Lange et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

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