CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Cassation
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 374 F-B
Pourvoi n° A 21-17.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-17.173 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mars 2021), l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé à la société [4] (le donneur d'ordre) deux lettres d'observations le 22 février 2017, l'avisant, d'une part, de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière prévue par l'
article L. 8222-2 du code du travail🏛 et du montant des cotisations dues pour l'année 2015 et, d'autre part, de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au cours de cette même période, à la suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant, la société [3], suivies les 23 et 27 juin 2017 de deux mises en demeure.
2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de valider la procédure de mise en oeuvre de sa solidarité financière, alors « que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document ; que pour valider la procédure de mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre et condamner celui-ci au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre est subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du cocontractant, les agents de contrôle assermentés ont pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenus de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, de sorte que la régularité de la procédure tendant à mettre en oeuvre la solidarité financière n'est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé, l'envoi de la lettre d'observations assurant le respect du contradictoire ; qu'en statuant ainsi, quand le donneur d'ordre faisait valoir que l'URSSAF ne pouvait se dispenser de produire devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, dont il entendait contester la teneur, la cour d'appel a violé l'
article 9 du code de procédure civile🏛, ensemble les
articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail :
4. Aux termes du premier de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
5. Selon le troisième, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées au deuxième est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.
6. Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.
7. Pour rejeter le recours du donneur d'ordre, l'arrêt retient essentiellement que la régularité de la procédure résultant de la mise en oeuvre de sa solidarité financière n'est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé et que le respect du principe du contradictoire est assuré par l'envoi au donneur d'ordre de la lettre d'observations. Il relève que la lettre d'observations énonce l'ensemble des éléments ayant permis de relever le délit de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, que la défaillance du débiteur principal n'est pas contestée et que les attestations remises au donneur d'ordre, dont la simple observation lui aurait permis de déceler le caractère frauduleux, ne justifient pas de l'exécution par celui-ci de son obligation de vigilance.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'URSSAF n'avait pas produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant dont le donneur d'ordre contestait l'existence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et d'ordonner à l‘URSSAF de recalculer le montant de l'annulation des exonérations de cotisations pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, alors « que lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail, l'organisme de recouvrement ne peut procéder à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont celui-ci a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés que si son cocontractant a, au cours de la même période, effectivement exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié ; que l'organisme de recouvrement, à qui il incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, est tenu de produire le procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document ; qu'en l'espèce, le donneur d'ordre faisait valoir que l'URSSAF ne pouvait se dispenser de verser aux débats le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, sur lequel l'organisme de recouvrement fondait ses demandes ; qu'en dépit du refus de l'URSSAF de produire devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal litigieux, plaçant de la sorte le donneur d'ordre dans l'impossibilité d'en contester utilement la teneur, l'arrêt a validé le principe même de l'annulation projetée par l'organisme de recouvrement sous réserve d'une rectification par cette dernière du calcul opéré ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'
article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale🏛 dans sa version issue de la
loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012🏛 de financement de la sécurité sociale pour 2013 applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 du code du travail et L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale :
10. Aux termes du premier de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
11. Selon le troisième, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies au deuxième et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.
12. Il se déduit de ces textes que si la mise en oeuvre de la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale à l'égard du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.
13. Pour rejeter partiellement le recours du donneur d'ordre, l'arrêt retient essentiellement qu'il ressort de la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre, qui permet d'assurer le respect du principe du contradictoire, que le procès-verbal dressé à l'encontre du sous-traitant révèle que celui-ci a exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié au cours de la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, alors que le donneur d'ordre n'avait pas respecté son obligation de vigilance au cours de cette période.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'URSSAF n'avait pas produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant dont le donneur d'ordre contestait l'existence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.