Jurisprudence : CE Contentieux, 09-12-1988, n° 53755

CE Contentieux, 09-12-1988, n° 53755

A8354AP4

Référence

CE Contentieux, 09-12-1988, n° 53755. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/949356-ce-contentieux-09121988-n-53755
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 53755

Bazin

Lecture du 09 Decembre 1988

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 1983 et 26 janvier 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Patrick BAZIN, demeurant 53-57 boulevard du Maréchal Joffre à Bourg-la-Reine (92340), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 27 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'administration générale de l'assistance publique à Paris soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du décès de sa femme ; 2°) condamne l'administration générale de l'assistance publique à Paris à réparer l'entier préjudice qu'il a subi du fait du décès de son épouse, soit une somme de 710 000 F ainsi qu'une somme de 12 000 F par an jusqu'à la fin des études supérieures de son fils ou jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 25 ans au titre des troubles dans les conditions d'existence de cet enfant,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Challan-Belval, Maître des requêtes, - les observations de Me Delvolvé, avocat de M. BAZIN et de Me Foussard, avocat de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme Marie-Odile BAZIN, hospitalisée le 19 juillet 1979 à l'hôpital Antoine Beclère à Clamart pour y subir un test à l'ocytomine, a accouché le jour même et qu'elle est décédée trois jours plus tard du fait d'une coagulopathie intraveineuse disséminée, consécutive à une infection foudroyante ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la découverte de germe chez l'enfant par le service de pédiatrie n'a pas été communiqué au service de gynécologie où la mère demeurait hospitalisée ; que ce défaut de coordination entre deux services du même établissement hospitalier a compromis les chances de survie de Mme BAZIN et est constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris ; que, par suite, M. BAZIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur le montant du préjudice : En ce qui concerne le préjudice subi par M. Patrick BAZIN :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation, tant de la douleur morale éprouvée par M. Patrick BAZIN du fait du décès de son épouse, que des troubles de toute nature que ce décès a apporté à ses conditions d'existence, eu égard au fait qu'il doit assurer seul l'éducation d'un enfant, en évaluant ces chefs de préjudice à 150 000 F ; que le décès de Mme BAZIN a entraîné, déduction faite des sommes que Mme BAZIN consacrait à son propre entretien et à celui de son enfant, une part de revenus qui doit être évaluée à 450 000 F ; que M. Patrick BAZIN a droit au remboursement de la somme de 8 757,11 F, qu'il a exposée pour les funérailles de Mme BAZIN ; qu'ainsi le préjudice total subi par M. BAZIN s'élève à la somme de 608 757,71 F ; En ce qui concerne les préjudices subis par l'enfant Alexandre BAZIN :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation tant de la douleur morale éprouvée par l'enfant de Mme BAZIN du fait du décès de sa mère, que des troubles de toute nature que ce décès a apportés dans ses conditions d'existence en évaluant ces chefs de préjudice à la somme de 40 000 F ; que le décès de Mme BAZIN a causé à son fils un préjudice matériel qui doit être évalué à 256 400 F ; qu'ainsi le préjudice total subi par Alexandre BAZIN s'élève à 300 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Patrick BAZIN est fondé à demander que les sommes susmentionnées portent intérêt au taux légal à compter du 21 avril 1980, date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 29 août 1983 et 23 septembre 1986 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 1983 est annulé.
Article 2 : L'administration générale de l'assistance publique à Paris est condamnée à verser à M. Patrick BAZIN à titre personnel, une somme de 608 757,11 F et, en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, la somme de 300 000 F. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 21 avril 1980. Les intérêts échus les 29 août 1983 et 23 septembre 1986 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-même intérêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick BAZIN, à l'administration générale de l'assistance publique à Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de la région parisienne et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.

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