Jurisprudence : Cass. com., 05-04-2023, n° 21-20.905, FS-B, Cassation


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 avril 2023


Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 260 FS-B

Pourvoi n° H 21-20.905


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023


M. [D] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-20.905 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au Fonds commun de titrisation Aa, dont le siège est [Adresse 4], ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, représenté par son recouvreur la société MCS associés, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [W], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Ab, M. Ac, Mme Ad, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Ae, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), par un acte du 12 décembre 2011, la Société générale (la banque) a consenti à la société Chez [D] (la société) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Par un acte du 30 novembre 2011, M. [W] s'est rendu caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt.

2. La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution.

3. Le 3 août 2020, la banque a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Aa (le FCT), ayant pour société de gestion Equitis gestion.


Examen des moyens

Sur premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au FCT, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017 et capitalisation des intérêts, alors « que les erreurs et omissions affectant la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation🏛 entraînent la nullité de l'engagement de caution dès lors qu'elles sont de nature à affecter le sens et la portée de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que la mention manuscrite figurant à l'acte de cautionnement comportait des phrases coupées et des erreurs de syntaxe rendant difficile son intelligibilité et plusieurs imprécisions, quant à la durée du prêt, la possibilité pour la banque d'engager à la fois les biens et les revenus de la caution et quant à l'identité du débiteur principal, lesquelles rendaient nécessairement ambigüe la portée de l'engagement ; qu'en refusant néanmoins d'annuler l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation."


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

5. Selon ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »

6. Pour rejeter la demande de M. [W] tendant à l'annulation de son engagement de caution et le condamner à paiement, l'arrêt, après avoir relevé que la mention portée sur l'acte de cautionnement est la suivante : « En me portant caution de la SARL Chez [D], dans la limite de la somme de 71 500 euros (soixante et onze mille cinq cents euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée (au lieu de la) de neuf années, Je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus ou (au lieu de et) mes biens si la SARL Chez [D] n'y satisfait pas lui-même (le débiteur dans la formule légale). En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil🏛 et en m'obligeant solidairement avec la SARL Chez [D]. Je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il puisse poursuivre préalablement la SARL Chez [D] », retient que les minimes altérations de la formule légale n'ont pas modifié la compréhension par M. [W] du sens et de la portée de son engagement et en déduit que sa demande de nullité du cautionnement ne peut être accueillie.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s'engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation du chef de dispositif condamnant M. [W] à payer au FCT la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ordonnant la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et condamnant M. [W] aux dépens et à payer au FCT la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour statue au fond sur les points atteints par la cassation.

11. Pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen du premier moyen, il y a lieu d'accueillir la demande de M. [W] d'annulation de son engagement de caution et, en conséquence, de rejeter les demandes du FCT de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.

12. Dès lors que la demande formée à titre principal par M. [W] est accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi, qui fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation fondée sur un manquement de la banque à son obligation de mise en garde, cette demande n'étant formée qu'à titre subsidiaire.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [W] à payer au Fonds commun de titrisation Aa, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule le cautionnement consenti par M. [W] par acte du 30 novembre 2011 au profit de la Société générale ;

Rejette les demandes du Fonds commun de titrisation Aa, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

Condamne le Fonds commun de titrisation Aa, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds commun de titrisation Aa, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.

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