CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 51467
CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE
contre
Mme BOCHARD
Lecture du 16 Octobre 1987
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête enregistrée le 20 juin 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE ROANNE, représenté par son directeur en exercice régulièrement mandaté par délibération du Conseil d'administration du Centre en date du 30 juin 1983 et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 21 avril 1983, par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamné à payer d'une part à Mme Jeanne BOCHARD une indemnité de 95 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 1983, d'autre part à la caisse de mutualité sociale agricole de la Loire une indemnité de 23 592,74 F, en réparation du préjudice subi par Mme BOCHARD du fait des conditions dans lesquelles lui a été administrée une perfusion ; 2°) rejette la demande présentée par Mme BOCHARD devant le tribunal administratif de Lyon ; 3°) réforme, subsidiairement, le montant de l'indemnité pour couvrir les différents chefs du préjudice subi par Mme BOCHARD, en le fixant à 40 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Pêcheur, Maître des requêtes, - les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une perfusion effectuée le 17 juillet 1978 au CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE pour l'exécution d'un traitement de chimiothérapie, Mme BOCHARD a présenté une escarre importante à la main gauche ; qu'il en est résulté pour Mme BOCHARD une incapacité à pouvoir se servir de sa main ;
Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le dommage subi par Mme BOCHARD est en relation directe de cause à effet avec la perfusion qu'elle a subie au CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE le 17 juillet 1978 ;
Considérant que, contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges, aucune faute lourde n'est établie à la charge du personnel médical du centre hospitalier, tant dans la prescription de la perfusion que dans la décision de poursuivre celle-ci malgré la difficulté rencontrée dans la mise en place de l'aiguille de perfusion et qu'il n'est pas, non plus, établi que les médecins de l'hôpital aient eu connaissance d'un incident au cours de la perfusion et aient prescrit un traitement inapproprié ; qu'en revanche, en admettant, comme le soutient le centre hospitalier, que la perfusion se soit poursuivie sans qu'un incident ait été noté, le fait que le produit injecté dans une veine de la main ait pu se répandre dans les tissus sans que l'on s'en aperçût et sans que cet incident ne fût décelé au cours de l'hospitalisation de trois jours nécessaires à la séance de chimiothérapie révèle, s'agissant d'un acte de soins courant dont l'exécution et le contrôle sont indépendants tant de la nature du produit injecté que de la gravité de la maladie, une faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service ; que, dès lors, le centre hospitalier n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mme BOCHARD ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'à l'époque des faits litigieux, Mme BOCHARD, âgée de 63 ans, atteinte depuis plusieurs années d'une grave maladie, était déjà invalide à 100 % et retraitée ; que, ne percevant aucun salaire ni aucune rémunération, elle ne peut prétendre à une indemnité réparant un préjudice matériel pour les périodes d'incapacité totale et partielle qu'elle a subies ; qu'il n'est pas établi que l'incapacité permanente partielle de 20 % déterminée par l'expert ait eu une répercusion sur ses conditions d'existence autre que celle qui résulte des troubles physiologiques ; que, dès lors, l'indemnité allouée par les premiers juges au titre des troubles dans les conditions d'existence doit être ramenée de 80 000 F à 50 000 F ; que, compte tenu de l'indemnité de 15 000 F allouée à bon droit par le tribunal administratif au titre de la réparation du préjudice afférent aux souffrances physiques et du préjudice esthétique, le montant total de l'indemnité que le centre hospitalier de Roanne a été condamné à payer à Mme Jeanne BOCHARD par le 1° de l'article 1er du jugement attaqué, doit être ramené de 95 000 F à 65 000 F ;
Article 1er : Le montant de l'indemnité que le tribunal administratif de Lyon, par le 1° de l'article 1er du jugement du 21 avril 1983, a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE à payer à Mme BOCHARD est ramené de 95 000 F à 65 000 F.
Article 2 : Le 1° de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 avril 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par le CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE ROANNE, à Mme BOCHARD, à la caisse de mutualité sociale agricole de la Loire, au ministre des affaires sociales et de l'emploi et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.