ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat
Statuant au contentieux
N° 48732
Ministre de l'économie, des finances et du budget
Couraud
M. Tiberghien Rapporteur
M. Fouquet Commissaire au gouvernement
Lecture du 1er Avril 1987
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du Ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 17 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- réforme le jugement en date du 14 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M Couraud une réduction des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1972 à 1975, dans les rôles de la commune de Neuilly ;
2- remette intégralement les impositions contestées à la charge de M Couraud ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M Tiberghien, Maître des requêtes,
- les conclusions de M Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M Couraud, engagé en 1938 comme ingénieur par la SA "Ermeto", a été nommé directeur, puis directeur général adjoint et pourvu, à ce titre, d'un contrat de travail le 23 septembre 1959, et enfin président-directeur général de ladite société en 1965 ; qu'à la suite d'une réorientation des activités de cette société, décidée par la Société "Alenco Limited", société mère dont le siège est en Grande-Bretagne, M Couraud a été brusquement contraint d'abandonner ses fonctions de président-directeur général de la Société "Ermeto" ; que, suivant les stipulations d'un accord conclu le 30 juillet 1971 et complété par divers échanges de lettres, M Couraud a renoncé à toutes les rémunérations et indemnités auxquelles il pouvait prétendre en vertu de son contrat de travail et a perçu, au titre d'un mandat non salarié de conseil technique prenant effet à la date de sa démission et se poursuivant de façon irrévocable jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 65 ans, des honoraires de 233 633 F en 1972, de 240 333 F en 1973, de 153 333 F en 1974 et de 53 332 F en 1975 ; que le Ministre de l'économie, des finances et du budget, qui ne conteste pas que ces versements n'ont jamais eu pour contrepartie un travail effectif accompli par M Couraud au profit de la société, demande l'annulation du jugement en date du 14 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif a fixé à un total de 306 622 F le montant des sommes qui devaient être imposées pour 1972 à 1975 dans la catégorie des traitements et salaires et, dans le dernier état de ses conclusions, le rétablissement de M Couraud au rôle de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, à concurrence de la totalité de la somme de 670 661 F qu'il a perçue de la Société "Ermeto" entre 1972 et 1975 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les versements effectués par la Société "Ermeto" à M Couraud ont eu pour objet de compenser, d'une part, la perte de revenus consécutive à la cessation de es fonctions de président-directeur général de ladite société, ainsi que des avantages de toute nature qui étaient attachés à l'exercice desdites fonctions, d'autre part, le préjudice causé à M Couraud par la démission forcée de la direction d'une société au sein de laquelle il avait gravi, au cours de trente-quatre années de service, les échelons supérieurs de la hiérarchie, par la difficulté de retrouver à l'âge de 57 ans un nouvel emploi, enfin par les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence résultant, notamment, de la perte de son statut social antérieur et de la possibilité d'acquérir des avantages de retraite ; que les versements compensant la perte de revenus et des avantages de toute nature attachés à l'exercice des fonctions, et qui présentent, nonobstant les termes de l'accord du 30 juillet 1971, le caractère de salaires, sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'en fixant à 306 622 F la part de la somme de 670 661 F destinée à réparer cette perte de revenus et d'avantages le tribunal administratif de Paris n'en a pas fait une évaluation insuffisante ; que le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a regardé le surplus de la somme susmentionnée de 670 661 F, soit 364 039 F, comme n'étant pas imposable et a, en conséquence, réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M Couraud de 124 937 F en 1972, de 136 606 F en 1973, de 75 706 F en 1974 et de 26 790 F en 1975 ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et à M Couraud.