CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 45828
Centre hospitalier de Périgueux
Lecture du 24 Juillet 1987
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 septembre 1982 et 24 janvier 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 15 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser d'une part aux époux Texier la somme de 820 061 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts, d'autre part à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne une somme de 39 878 F, et la décharge de toute condamnation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX, de Me Odent, avocat de M. et Mme TEXIER et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX et les conclusions incidentes des époux Texier et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne concernant la réparation du préjudice résultant de l'invalidité de l'enfant Grégory Texier :
Considérant que la responsabilité du service public hospitalier ne peut en cas de dommages survenus aux malades soignés en clinique ouverte, être engagée qu'au cas où il est établi que ces dommages ont pour cause le mauvais fonctionnement du service public résultant, soit d'une mauvaise installation de locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition du praticien opérant en clinique ouverte ;
Considérant que Mme Texier a été admise le 26 juin 1976 à la clinique ouverte de la maternité du CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX ; qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise du professeur Lazarini commis par les premiers juges, dont les constatations de fait ne sont pas démenties par un rapport d'expertise établi plusieurs années plus tard devant le juge pénal, que le diagnostic de gemellité avait échappé au médecin traitant et au médecin accoucheur qui a pris en charge la parturiente à la clinique ouverte de l'hôpital ; que Mlle Servan, sage-femme du service hospitalier mise à la disposition de ce dernier praticien, a exercé lors du travail de la parturiente une surveillance conforme aux règles de l'art, compte tenu d'un diagnostic qu'il ne lui appartenait pas de mettre en doute ; qu'aucun signe clinique alarmant ne justifiait qu'elle fit appel d'urgence aux médecins de l'hôpital en attendant le retour du praticien privé dont Mme Texier était la cliente ou ne lui imposait de mettre celle-ci sous monitoage et qu'en particulier, aucun signe clinique ne lui permettait de déceler le décollement du placenta, cause de l'anoxie cérébrale que présente le jeune Grégory, qui ne s'est manifesté qu'au retour du médecin de Mme Texier ; qu'ainsi le dommage dont il est demandé réparation n'est pas imputable au personnel médical auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition du praticien opérant en clinique ouverte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX est fondé à demander l'annulation des articles 2, 3 et 5 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juin 1982 qui, après l'avoir déclaré responsable pour 50 % des conséquences de l'accident dont le jeune Grégory Texier a été victime, l'a condamné à verser à Mme Texier une indemnité de 820 061 F et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne une somme de 39 878 F et a mis les frais d'expertise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX ; que par voie de conséquence les conclusions incidentes des époux Texier et de la caisse primaire d'assurance maladie tendant à la majoration du montant de ces indemnités doivent être rejetées ;
Sur les conclusions incidentes de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne relatives à l'indemnisation du dommage corporel subi par Mme Texier :
Considérant que ces conclusions ont un objet différent de celui de l'appel principal ; qu'elles ne sont dès lors pas recevables ;
Article ler : Les articles 2, 3 et 5 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 1982 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par les époux Texier en ce qui concerne le jeune Grégory et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne, et les conclusions du recours incident des époux Texier et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge des époux Texier et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE PERIGUEUX, à M. et Mme Texier, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.