CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 44637
S.A. "Société des Carrières Chalumeau"
Lecture du 06 Février 1985
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 août 1982, présentée pour la société anonyme "Société des Carrières Chalumeau", dont le siège social est BP 133, à Lons-Le-Saunier (Jura), représentée par son président directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 9 juin 1982, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de droits de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d'indemnité de retard, mis en recouvrement le 7 juillet 1980 auxquels elle a été assujettie à la suite de la remise en cause de l'aide fiscale à l'investissement dont elle a bénéficié au titre d'une commande de deux engins de terrassement, passée le 15 décembre 1975 auprès des établissements "Bergerat Monnoyeur" ;
2° lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code général des impots ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu le rapport de M. Etrillard, Auditeur, les observations de la SCP Nicolay, avocat de la société "Carrières Chalumeau" et les conclusions de M. Racine, commissaire du Gouvernement ;
Sur le prétendu acquiescement de l'administration aux faits exposés dans la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 53-4 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, dans sa rédaction issue du décret n° 81-29 du 16 janvier 1981 : "Lorsque le défendeur ou le ministre appelé à présenter ses observations n'a pas observé le délai qui, lors de la communication de la requête ou d'un mémoire ultérieur du requérant, lui a été imparti, il est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant" ;
Considérant que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget a produit ses observations en défense au pourvoi de la société anonyme "Société des Carrières Chalumeau" avant la clôture de l'instruction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que ces observations, ayant été présentées plus de quatre mois après la communication qui lui a été faite du pourvoi, le ministre doit être réputé avoir acquiescé aux faits, n'est pas fondé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article ler de la loi du 29 mai 1975 susvisée et de l'article 3 de la loi du 13 septembre 1975 susvisée, les achats de biens d'équipement qui peuvent être amortis selon le mode dégressif ouvrent droit à une aide fiscale à l'investissement cette aide venant en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée exigible sur les opérations faites en 1975, et qu'en cas d'annulation de la commande ou d'inexécution de celle-ci dans un délai de trois ans, l'impôt dont le paiement n'a pas été effectué doit être immédiatement acquitté, ou le complément de remboursement forfaitaire reversé, sans préjudice de l'application de l'indemnité prévue à l'article 1727 du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article ler du décret n° 75-422 du 30 mai 1975,pris en exécution de l'article 1. IV de la loi susmentionnée du 29 mai 1975 : "Pour ouvrir droit au bénéfice de l'aide fiscale prévue à l'article ler de la loi susvisée, les biens d'équipement doivent être livrés dans un délai de trois ans à compter de la date de la commande" ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 du même décret ; "Pour bénéficier de l'aide à l'investissement, les entreprises doivent souscrire une déclaration spéciale... Cette déclaration est accompagnée selon le cas des pièces justificatives... Ces documents doivent spécifier la date de la commande ainsi que la nature et le prix des biens commandés" ;
Considérant qu'il est constant que la société "Carrières Chalumeau" a bénéficié, à concurrence du montant des acomptes versés par elle, soit 96 500 F, d'une aide fiscale à l'investissement lors de la commande qu'elle a passée, le 15 décembre 1975, à la société "Bergerat-Monnoyeur" de deux engins de terrassement, à savoir, d'une part, un tombereau automoteur et, d'autre part, un chargeur sur pneumatiques, aux prix respectifs de 350 000 F et 615 000 F ; que l'administration, ayant estimé que les matériels livrés ne correspondaient pas à ceux qui avaient fait l'objet de la commande, a prescrit le reversement de la somme susindiquée de 96 500 F, majorée des intérêts de retard ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison, tant du degré d'importance des différences existant entre les conceptions générales et les spécifications techniques des matériels qui ont été commandés et de ceux qui ont été livrés que de l'excédent du prix facturé par rapport au prix stipulé, le tombereau articulé de marque "David J. Brown" reçu par la société "Carrières Chalumeau" ne peut être regardé comme correspondant à la commande du tombereau automoteur de marque "Caterpillar", ayant fait l'objet de la déclaration spéciale prévue à l'article 7 du décret précité du 30 mai 1975, et ayant ouvert droit, au bénéfice de la société, à l'aide fiscale à l'investissement instituée par la loi du 29 mai 1975 ; que la société requérante ne justifiant pas qu'elle se soit trouvée, en raison notamment de l'urgence qu'elle allègue, dans l'obligation de procéder à la substitution des matériels dont s'agit, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la commande initiale a, sur ce point, été annulée et qu'elle a, en conséquence, exigé la restitution de l'aide perçue, de ce chef, par la société, majorée des intérêts de retard ;
Considérant en revanche, qu'il résulte également de l'instruction que, si le chargeur sur pneumatiques "Caterpillar" livré à la société a une puissance moindre que celle de l'engin "Caterpillar" commandé, et un prix d'acquisition inférieur de 170 000 F à celui dudit engin, ce matériel est équipé du même moteur, et constitue, eu égard à ses spécifications techniques, un modèle appartenant à la même gamme de matériels de marque "Caterpillar" que celui retenu dans la commande ; que, par suite, en ce qui concerne ce bien, sa livraison doit être réputée conforme à la commande figurant sur la déclaration faite par la société à l'administration ; que, dans cette mesure, l'aide fiscale à l'investissement dont a bénéficié la société requérante doit être maintenue ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "Carrières Chalumeau" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon, a rejeté, en totalité, sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à l'année 1975 ;
D E C I D E
Article ler : Le montant de la commande passée par la société anonyme "Carrières Chalumeau" avec la société "Bergerat Monnoyeur", le 15 décembre 1975, à retenir pour le calcul de l'aide fiscale à l'investissement faisant l'objet du présent litige, est fixé à 445 000 F.
Article 2 : Il est accordé à la société anonyme "Carrières Chalumeau" décharge de la différence entre le montant de l'aide fiscale à l'investissement réintegrée dans ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période correspondant à l'année civile 1975, et celui résultant de l'article ler ci-dessus, ainsi que des indemnités de retard y afférentes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon, en date du 9 juin 1982, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "Carrières Chalumeau" est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Carrières Chalumeau" et au ministre de l'économie, des finances et du budget.