CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 38987
Mme DUROT
Lecture du 03 Octobre 1984
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 9ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 décembre 1981, et le mémoire complémentaire, enregistré le 19 avril 1982, présentés pour Mme Durot, Hélène, demeurant 20 rue des Jacobins à Beauvais (Oise), et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) annule un jugement en date du 20 octobre 1981 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejecté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1971, 1972 et 1973;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984.
Considérant qu'aux termes de l'article 15 du code général des impôts, ". . . II. Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. . ."; que les contribuables bénéficiaires de l'exonération ainsi édictée ne sont pas, par voie de conséquence, autorisés à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, qu'au cours des années 1971, 1972 et 1973 auxquelles se rapportent les impositions litigieuses, Mme Durot a déduit de son revenu global, à concurrence de ses droits dans la société civile immobilière "Foncimmo", dont elle-même et M. de Roy sont les seuls associés, les déficits fonciers résultant de travaux effectués dans une maison d'habitation sise à Hanvoile (Oise) appartenant à la société et que celle-ci aurait donné à bail à M. de Roy; qu'estimant que la société civile immobilière "Foncimmo" n'a été constituée par Mme Durot et M. de Roy qu'en vue de faire échec aux dispositions précitées de l'article 15-II du code général des impôts, l'administration a réintégré les sommes correspondantes dans le revenu imposable de Mme Durot au titre de ces trois années;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts: "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat . . . ou déguisant soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus . . . ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte le charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif" prévu à l'article 1653 C du même code ou ne s'est pas conformée à cet avis; qu'en l'espèce, il est constant que l'administration n'a pas consulté le comité consultatif; que, par suite, elle a la charge de la preuve;
Considérant que Mme Durot et M. de Roy ont fondé la société civile immobilière "Foncimmo" par acte du 3 juin 1971; que cette société n'a eu pour seul patrimoine, pendant les années d'imposition, que la maison d'Hanvoile acquise par elle le 3 juillet 1971, et que les travaux de remise en état réalisés dans cet immeuble, en 1971 et 1972, pour un montant approximativement égal au coût d'acquisition, n'ont pu être financés, eu égard à la modicité du capital social, que sur les fonds personnels des associés; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation du maire d'Hanvoile, en date du 25 avril 1975, que les deux associés ont occupé la maison à titre de résidence secondaire; que, dès lors, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir d'un bail verbal consenti à M. de Roy par la société civile moyennant, en 1971 et 1972, un loyer nul puis, à partir de 1973, un loyer sensiblement inférieur à la valeur locative retenue lors de la révision des évaluations foncières au 1er janvier 1970, les associés doivent être regardés comme s'étant, l'un et l'autre, réservé la jouissance de l'immeuble;
Considérant qu'eu égard aux circonstances susrelatées, et sans que Mme Durot puisse utilement se prévaloir de la réalité qu'il conviendrait de reconnaître aux opérations immobilières effectuées par la société civile immobilière "Foncimmo" postérieurement à l'établissement des impositions litigieuses, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'acte par lequel la société civile immobilière susmentionnée a été constituée par les deux seuls porteurs de parts de cette société a été inspiré par l'unique motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'à défaut de cet acte ils auraient normalement supportées;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme Durot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1971, 1972 et 1973, ainsi que des pénalités correspondantes.
DECIDE
Article 1er: La requête de Mme Durot est rejetée.