CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 37868
Ministre du budget
contre
Société à responsabilité limitée "xxxxx"
Lecture du 16 Février 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 9ème Sous-Section
Vu le recours du ministre du budget, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 octobre 1981 et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° réforme le jugement du 3 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a accordé à la société à responsabilité limitée "xxxxx" une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1975 et 1976 et de la contribution exceptionnelle de l'année 1975; 2° remette intégralement les impositions contestées à la charge de la société à responsabilité limitée "xxxxx";
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que, pour l'application de l'article 39 du code général des impôts, selon lequel le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, seules peuvent être admises celles qui ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise; que cette règle est applicable à la détermination du bénéfice net des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 209 du même code;
Considérant que la société à responsabilité limitée "xxxxx" conteste la réintégration dans son bénéfice imposable de compléments de prix versés au cours des exercices clos les 31 décembre 1975 et 31 décembre 1976 au profit de la société à responsabilité limitée et de la société à responsabilité limitée, dont le capital était détenu soit directement par elle, soit par son gérant et la famille de celui-ci et qui étaient ses fournisseurs exclusifs d'articles de chaussures; que, pour justifier le redressement, l'administration, qui supporte la charge de la preuve dès lors que la commission départementale des impôts n'a émis aucune appréciation sur les bases d'imposition, se fonde sur l'affirmation que la société "xxxxx" a consenti ces versements aux sociétés à responsabilité limitée xxxxx et xxxxx non pas dans son intérêt propre, mais pour réduire abusivement ses bénéfices imposables;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les deux sociétés à responsabilité limitée xxxxx et xxxxx sont, avec deux autres sociétés du même groupe, les fournisseurs exclusifs de la société à responsabilité limitée "xxxxx" qui est aussi leur unique client; que cette derniere société impose à ses fournisseurs le choix des modèles, les gammes de produits, les matières, coloris et techniques à employer, les quantités à fabriquer, qu'elle prescrit ou interrompt les fabrications et fixe des prix d'objectif en considération des perspectives du marché; que ces pratiques ont été suivies dans l'intérêt de l'entreprise "xxxxx" pour parvenir à un meilleur résultat commercial; que, dans ces conditions, les subventions que la société "xxxxx" a versées en fin d'exercice sous forme de "compléments de prix" tendaient à rétablir l'équilibre d'exploitation de ses fournisseurs, lorsque les aléas et contraintes économiques avaient alourdi leur gestion, et trouvaient leur justification dans les relations commerciales étroites et spéciales établies entre la société requérante et ses fournisseurs; que, par suite, la société à responsabilité limitée "xxxxx" ne peut pas être regardée comme s'étant écartée d'une gestion commerciale normale par le versement de "compléments de prix" dont l'administration n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'ils aient eu pour seul motif de réduire les bénéfices de l'une des sociétés par l'absorption des déficits des deux autres;
Considérant, enfin, que, les subventions dont s'agit ayant été versées non dans le cadre de la gestion de participations financières de la société à responsabilité limitée "xxxxx", mais à des fins relevant essentiellement de son activité commerciale, l'administration n'est pas fondée à invoquer le fait que ces subventions auraient eu leur contrepartie dans un accroissement de la valeur des participations détenues dans chacune des deux sociétés bénéficiaires de ces versements;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a donné décharge à la société à responsabilité limitée "xxxxx" des impositions contestées.
DECIDE
Article 1er - Le recours du ministre chargé du budget est rejeté.