COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 02 MARS 2023
N° 2023/188
Rôle N° RG 22/05647 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHVT
URSSAF PACA
C/
[S] [U]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Clément AUDRAN
Me Avichaï FENNECH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 22 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/05360.
APPELANT
URSSAF PACA
prise en la personne de son représentant légal,
siège : [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Clément AUDRAN de l'AARPI AUDRAN LAUER PALERM, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [S] [U]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-006172 du 09/09//2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5] (Tunisie),
demeurant [… …]
représenté et assisté par Me Avichaï FENNECH, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'
article 804 du code de procédure civile🏛, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Par assignation à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon, délivrée à l'Urssaf Paca le 19 octobre 2021, M. [S] [U] a poursuivi la nullité d'un procès verbal de saisie vente qui lui a été signifié par cet organisme le 19 janvier 2021, sur le fondement de trois jugements rendus le 24 janvier 2020 par le Pole social du tribunal judiciaire de Toulon sur son opposition à contraintes, nullité soutenue en raison de l'absence de titre exécutoire valable et de commandement de payer préalable, et en ce que la saisie porte sur des biens insaisissables.
Citée à domicile élu à l'étude de l'huissier saisissant, par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier de justice, l'Urssaf n'a pas comparu, ni personne pour elle et par jugement du 22 mars 2022 le juge de l'exécution a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie vente, faute de justification de titre exécutoire fondant la mesure et de délivrance préalable d'un commandement de payer aux fins de saisie vente, et a condamné la défenderesse au paiement d'une somme de 800 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux dépens.
L'Urssaf a interjeté appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 18 avril 2022 .
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 novembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, l'appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau :
- constater que la saisie vente pratiquée à l'encontre de M. [U] repose sur un titre exécutoire définitif,
- constater la régularité de la procédure de saisie vente pratiquée à la demande de l'Urssaf,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au visa des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens.
A titre liminaire l'Urssaf explique son défaut de comparution en première instance, par l'absence d'information de la réception de l'assignation à l'étude, par l'huissier chez lequel elle avait élu domicile.
Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement attaqué, elle indique que contrairement aux affirmations faites par M. [Aa] devant le premier juge, elle dispose de titres exécutoires puisque les trois jugements fondant la saisie vente ont été notifiés par le greffe du pôle social, puis signifiés par elle par actes délivrés le 20 avril 2020, qui en raison de la pandémie de Covid-19 n'ont pu être remis à personne, ajoutant que ces jugements n'ont pas été frappés d'appel.
Elle affirme que le procès-verbal de saisie vente a été précédé de la délivrance d'un commandement de payer conformément à l'
article L.221-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 qui a été remis à personne et comporte l'ensemble des mentions prévues à l'
article R.221-1 du même code🏛.
Elle estime enfin que les biens saisis constitués par 4 frigidaires et meubles vitrés froids, une lampe et une panetière constituent un élément corporel du fonds exploité par M. [U] et par leur nombre, les frigidaires et meubles vitrés froids, sont saisissables.
Par dernières écritures en réponse notifiées le 19 décembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens, M. [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris.
- débouter l'Urssaf de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- constater la nullité des trois significations du 20 avril 2020,
- en conséquence, constater la nullité de la saisie vente en ce qu'elle porte sur des titres non exécutoires, en l'occurrence, sur trois décisions du 24 janvier 2020 du Pôle social du tribunal judiciaire de Toulon réputés contradictoires qui n'ont pas été signifiées,
- constater la nullité de la saisie vente portant sur des biens insaisissables en ce qu'il s'agit de biens nécessaires au travail de M. [U],
- condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, outre entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Avichaï Fennech, avocat, sur son affirmation de droits par application de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
A cet effet il affirme en premier lieu n'avoir jamais reçu la signification des jugements fondant la saisie querellée, qui sont réputés contradictoires, n'ont pas été régulièrement notifiés puisque l'huissier se contente de mentionner que le nom du destinataire figure sur la boîte aux lettres et que la remise à personne est impossible pour cause de Covid 19. M. [U] ajoute ne pas avoir reçu l'avis de passage, en méconnaissance de l'
article 646 du code de procédure civile🏛 . Il estime que l'irrégularité de cette signification lui cause grief n'ayant pas eu connaissance des trois jugements et ayant été privé de son droit d'en interjeter appel.
Il ajoute par ailleurs que les biens appréhendés sont insaisissables puisque nécessaires à son activité professionnelle de boulanger.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes de constat formulées par l'appelante, ne constituent pas des prétentions au sens de l'
article 4 du code de procédure civile🏛, en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur elles ;
Sur l'existence de titres exécutoires :
L'
article L.221-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 conditionne la mise en oeuvre d'une saisie vente des meubles corporels du débiteur à la détention par le créancier d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et à la délivrance préalable d'un commandement ;
Cette dernière condition n'est plus discutée et l'Urssaf produit le commandement aux fins de saisie vente délivré à M. [U] le 19 janvier 2021 en vertu des trois jugements réputés contradictoires rendus le 24 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Toulon et assortis de l'exécution provisoire, statuant sur oppositions à contraintes formées par M. [Aa] non comparant ;
Ces décisions lui ont été notifiées par le greffe à l'adresse : [Adresse 3] correspondant à celle de M. [U] figurant sur les jugements du 24 janvier 2020, et par lettres recommandées du 24 janvier 2020 dont les avis de réception ont été signés le 30 janvier 2020, sur lesquels M. [Aa] est taisant ;
Elles lui ont également été signifiées par exploits du 20 avril 2020 qui ont fait l'objet d'un dépôt à l'huissier de l'étude instrumentaire après qu'il s'est déplacé à l'adresse suivante : [Adresse 4] et indique l'impossibilité d'une signification à personne pour la raison suivante : 'Covid-19" et la certitude du domicile du destinataire dont le nom figure sur le tableau des occupants 006, les boites aux lettres étant inaccessibles ;
M. [U] invoque l'absence de diligence suffisante de l'huissier de justice pour une remise à personne et pour la vérification de l'adresse ;
Il ne soutient toutefois pas que cette adresse sur la commune de [Localité 6] ne corresponde pas à celle de son domicile et il ressort du commandement et du procès-verbal de saisie vente que celle du [Adresse 3], à laquelle ces actes lui ont été signifiés, correspond à son lieu de travail ;
L'impossibilité d'une signification à personne résulte de la période de confinement liée à l'épidémie de Covid-19 ordonnée par le gouvernement à compter du 17 mars 2020, en cours à la date de la signification litigieuse ;
Par ailleurs M. [U] n'allègue pas qu'il était domicilié à une adresse autre que celle à laquelle s'est présenté l'huissier, en sorte que la mention dans son acte du nom du destinataire sur le tableau des occupants est suffisante à confirmer la réalité de ce domicile ;
Enfin, la mention de l'avis de passage laissé le même jour au domicile du destinataire vaut jusqu'à inscription de faux, or cette procédure n'a pas été mise en oeuvre par M. [U] lequel est au surplus, mal fondé à prétendre qu'il a été privé de la possibilité d'interjeter appel de ces décisions alors qu'elles lui ont été notifiées par le greffe le 24 janvier 2020 avec mention des modalités et délais de recours ;
Il s'en suit la régularité des significations des jugements fondant la mesure et partant le caractère exécutoire de ces décisions judiciaires ;
Sur le caractère insaisissable des biens :
Il ressort des énonciations du procès-verbal de saisie vente, qu'ont été saisis 4 frigos et meubles vitrés froids, un panetière et une banque dans marbre froid ;
M. [U] invoque l'insaisissabilité de ces biens nécessaires à son travail ;
L'
article L. 112-2, 5° du code des procédures civiles d'exécution🏛 rend insaisissables « les biens mobiliers nécessaires au travail du saisi » ;
L'
article R.112-2 du même code🏛 dresse la liste des biens considérés comme tels et mentionne en son alinéa 16° les 'instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité professionnelle' ;
Toutefois ainsi que le souligne l'Urssaf, l'article L.112-2, 5° in fine, prévoit une limite à l'insaisissabilité des biens mobiliers nécessaires au travail du saisi, lorsque ceux-ci constituent des éléments corporels du fonds de commerce car ils ne peuvent alors être individualisés ;
Tel est le cas du matériel saisi sur le lieu de travail de M. [Aa], artisan boulanger ;
Le moyen sera en conséquence écarté ;
La saisie étant régulière, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et M. [U] sera débouté de l'ensemble de ses prétentions ;
Partie perdante il supportera la charge des entiers dépens et sera tenu de payer à l'Urssaf la somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, lui même ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. [S] [U] de ses demandes de nullité et de mainlevée de la saisie vente mise en oeuvre par l'Urssaf paca par procès-verbal du 2 septembre 2020 ;
CONDAMNE M. [S] [U] à payer à l'Urssaf Paca la somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE M. [S] [U] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE