Réponse de la Cour
Vu l'
article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée🏛 et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.
7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.
8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.
9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.
10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par Mme [E] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [D].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme le bâtonnier [D] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable
la requête aux fins d'arbitrage adressée par Mme le bâtonnier [T] [D] le 30 décembre 2019 à défaut de conciliation préalable, annulé, en conséquence, la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de
Toulouse du 14 octobre 2020, dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer au fond et de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exception
dilatoire ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans leurs conclusions d'appel, dont l'arrêt a relevé qu'elles avaient été reprises et oralement développées à l'oral, aucune des parties n'a invoqué l'application
de l'
article 3 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020🏛 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; qu'en relevant d'office, sans avoir sollicité les observations des parties, l'application de cette
disposition pour juger que le recours directement formé par Mme [D] le 23 juillet 2020 devant la cour d'appel de Toulouse était intervenu avant l'expiration du délai dont disposait le bâtonnier pour rendre son arbitrage, la
cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'
article 16
du code de procédure civile🏛 ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'
article 3 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020🏛, les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation dont le terme vient à échéance au cours de la
période d'état d'urgence sanitaire sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période ; que cette
disposition, qui ne vise pas les mesures d'arbitrage, n'a pas prorogé le délai
de quatre mois imparti au bâtonnier pour rendre sa décision ou prendre une
décision de prorogation de délai en application de l'article 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour
d'appel a violé les dispositions précitées.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressée par Mme le bâtonnier [T] [D] le 30 décembre 2019 à défaut de conciliation préalable, annulé, en conséquence, la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse du 14 octobre 2020, dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer au fond et de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exception dilatoire ;
1°) ALORS QUE dans le dispositif de ses premières écritures d'intimée (prod. n° 7), Mme [Ac] a demandé à ce que Mme [Ad] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, la confirmation de la décision arbitrale ayant condamné Mme [D] à lui payer une somme de 1755,47 € au titre du solde de son compte courant d'associé et à titre reconventionnel, à ce que Mme [D] soit condamnée à lui payer diverses sommes ; qu'en énonçant que dans ses premières écritures d'appel, Mme [Ac] avait seulement demandé de voir constater que les arbitres avaient qualité et étaient compétents pour juger en première instance et la confirmation du rejet de l'exception de litispendance, la cour d'appel a dénaturé les premières conclusions de Mme [E] en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°) ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui constitue une fin de non-recevoir qui sanctionne l'attitude
procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à
adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en
vertu de ce principe, Mme [E] ne pouvait, au cours de la même instance, affirmer que les arbitres avaient qualité et étaient compétents pour
juger en première instance, solliciter la confirmation de la sentence arbitrale
ayant rejeté l'intégralité des demandes de Mme [Ad] et ayant condamné
cette dernière à lui payer une somme de 1 755,47 € et former diverses demandes reconventionnelles sur le fond à l'encontre de Mme [D] pour
finalement soulever, deux jours avant l'audience, l'irrecevabilité de la requête
demandant l'arbitrage du bâtonnier pour défaut de conciliation préalable ainsi que la nullité de la sentence arbitrale sans qu'il y ait lieu de statuer sur le fond du litige en raison de l'irrégularité de la saisine du bâtonnier, ces prétentions radicalement incompatibles entre elles ayant induit en erreur Mme [D] sur l'intention de Mme [E] d'obtenir une décision tranchant
le fond de leur différend ; qu'en faisant droit à la fin de non-recevoir tirée de
la prétendue irrégularité de la saisine du bâtonnier soulevée par Mme [E] et en annulant la sentence arbitrale sans statuer au fond quand il résultait des écritures successives de Mme [E] que celle-ci avait adopté un comportement contradictoire au détriment de Mme [D], la cour d'appel a violé le principe précité.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la requête
aux fins d'arbitrage adressée par Mme le bâtonnier [T] [D] le 30 décembre 2019 à défaut de conciliation préalable, annulé, en conséquence, la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse du 14 octobre 2020, dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer au fond et de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exception dilatoire ;
1°) ALORS QUE les
articles 21 de la loi du 31 décembre 1971🏛 et 179-1 du
décret du 27 novembre 1991, qui prévoient l'arbitrage du bâtonnier pour les
différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel en l'absence de conciliation, n'instaurent pas, à défaut de conditions particulières de mise en uvre, une procédure de conciliation obligatoire devant le bâtonnier préalablement à sa saisine aux fins d'arbitrage dont le
non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci; qu'en
déclarant irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressé au bâtonnier par Mme [D] le 30 décembre 2019 à défaut d'une tentative de conciliation contradictoire devant le bâtonnier, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE la conciliation requise par les articles 179-1 du décret du 27 novembre 1991 et 21 de la
loi du 31 décembre 1971🏛, avant la saisine du bâtonnier pour arbitrage d'un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, n'est soumise à aucune procédure, ni aucun formalisme particuliers ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'avant la saisine du bâtonnier aux fins
d'arbitrage, une tentative de conciliation organisée par le bâtonnier a échoué; qu'en retenant que cette tentative ne pouvait être considérée comme une tentative de conciliation « contradictoire » au sens des articles
précités, motif pris que Mme [D], convoquée la veille pour le lendemain, n'avait pas pu se présenter devant le bâtonnier le 13 décembre 2019, la cour d'appel a ajouté aux articles 179-1 du décret du 27 novembre 1991 et 21 de la
loi du 31 décembre 1971🏛 une condition qu'ils ne prévoient pas et a par conséquent violé les dispositions précitées ;
3°) ALORS QU'en déclarant recevable le recours formé directement devant
elle par Mme [D] le 23 juillet 2020 tout en disant qu'il n'y avait pas lieu de
statuer au fond en raison de la saisine irrégulière du bâtonnier à défaut de
conciliation préalable, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs
et a violé l'article 179-5 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991.