Par déclaration formée le 30 avril 2021, la société LUXANT a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 14 décembre 2022, l'appelante demande de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et l'a condamnée au paiement des indemnités compensatrice de préavis et congés payés afférents, outre des dommages-intérêts pour rupture abusive, remise des documents de fin de contrat rectifiés,
* jugé qu'elle n'a pas justifié de la prise effective des temps de pause par le salarié et l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts afférents,
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
* ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [R] du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision en application des dispositions de l'
article L. 1235-4 du code du travail🏛,
* l'a condamnée aux entiers frais et dépens,
- juger que la prise d'acte produit les effets d'une démission,
- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à lui rembourser la somme de 914,49 euros au titre du préavis non effectué de 15 jours,
- juger que la procédure intentée par M. [R] est abusive,
- le condamner au paiement des sommes suivantes :
* 1 500 euros à titre d'amende civile au profit du trésor public,
* 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
En tout cas,
- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, outre les frais et dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 23 août 2021, M. [R] demande de :
- confirmer le jugement déféré sauf à dire que les condamnations sont prononcées contre la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT SECURITY GRAND SUD, à augmenter les dommages-intérêts pour non respect des temps de pause et à modifier la date à laquelle porteront intérêts aux taux légal les condamnations de nature salariales,
- requalifier la prise d'acte de rupture en un licenciement aux torts de l'employeur,
- juger le licenciement nul, et dès lors illicite, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT
SECURITY GRAND SUD à lui payer les sommes suivantes :
- 914,49 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 91,45 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 10 973,88 euros nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des temps de pause,
- 1 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 de 1ère instance,
- 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 d'appel,
- dire que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête prud'homale,
- ordonner à la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT
SECURITY GRAND SUD de lui remettre les documents légaux de fin de contrat dûment rectifiés, à savoir bulletin de paie, certificat de travail et attestation pôle emploi,
- débouter la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT
SECURITY GRAND SUD de toutes ses demandes,
- condamner la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT
SECURITY GRAND SUD aux dépens d'instance.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur les temps de pause :
La pause est une interruption de travail pendant laquelle le salarié n'exécute plus son activité professionnelle et peut vaquer librement à des occupations personnelles. À défaut, cette période n'est pas constitutive d'un temps de pause et doit être décomptée et rémunérée comme du temps de travail effectif.
Selon l'
article L. 3121-16 du code du travail🏛, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives, sauf réglementations particulières.
En l'espèce, M. [R] soutient qu'en raison d'un effectif insuffisant, il n'a eu aucune pause alors qu'il a travaillé de 9h00 à 20h00, soit une amplitude horaire de 11h, les 12 et 19 juillet 2019, 10, 17 et 30 août 2019, 14 et 20 septembre 2019, 5, 11, 18 et 25 octobre 2019, 16, 22 et 30 novembre 2019. De ce fait, en l'absence de dérogation conventionnelle, il sollicite la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.
A l'appui de sa demande, il produit ses plannings, lesquels mentionnent l'absence de pauses à ces dates alors qu'ils les mentionnent autrement (pièce n° 11).
La société LUXANT oppose que :
- elle est notoirement connue dans le monde de la sécurité privée pour octroyer des temps de pause plus importants que ceux prévus par la loi et la convention collective,
- les plannings de travail communiqués aux salariés intègrent les temps de pause légaux de 20 minutes lorsque les vacations font apparaître une amplitude de plus de 6 heures (pièce n° 22), seuls les temps de pause plus importants que le temps de pause légal (30 ou 60 minutes selon les cas) étant mentionnés,
- la synthèse des plannings d'un autre salarié, M. [I], fait apparaître une colonne « PAUSE DEROGATION » qui confirme que les pauses sont mentionnées à titre dérogatoire sur les plannings uniquement lorsqu'elles excèdent en durée les temps de pause légaux (pièce n° 23),
- sur les sites BRICO DÉPÔT, un coordinateur qualité chargé de procéder au contrôle des salariés affectés sur ces sites a pour rôle, notamment, de faire remonter à la direction toutes les problématiques rencontrées par les agents tout en veillant à ce que ces derniers prennent et respectent bien leur temps de pause. Celui-ci a pu constater que M. [Aa] a systématiquement été en mesure de prendre ses pauses dans une salle dédiée, et aucune plainte ne lui a été adressée faisant état d'une quelconque impossibilité de prendre ses pauses,
- M. [R] ne fait pas référence à l'impossibilité de prendre ses pauses dans sa lettre du 10 novembre 2019 (pièce n° 8),
- les postes sur le site BRICO DÉPÔT étaient systématiquement doublés afin que les salariés puissent se remplacer sur les temps de pauses et il ressort des plannings qu'aux dates indiquées par M. [R] il était en binôme avec un autre salarié (pièce n° 19),
- il ne justifie d'aucun préjudice.
Néanmoins, peu important que la société LUXANT soit notoirement connue dans le monde de la sécurité pour sa politique favorable en matière de temps de pause dès lors que cette affirmation, d'ordre général et au demeurant non démontrée, est sans conséquence sur la situation particulière de M. [R], il ressort des plannings produits qu'il n'est pas fait mention des temps de pause de 20 minutes, seulement, et de façon ponctuelle, des temps de pause d'une durée supérieure (30, 60 ou 90 minutes selon les cas - pièce n° 11).
A cet égard, peu importe que M. [Ab] confirme dans son attestation que les plannings intègrent automatiquement les temps de pause et que ceux-ci n'apparaissent pas clairement sauf lorsque la pause dépasse les 20 minutes (pièce n° 22) dès lors que cette affirmation n'est pas de nature à démontrer que ces pauses sont effectivement prises, ce que le salarié conteste pour certaines dates.
Par ailleurs, le fait que M. [Aa] ait travaillé en binôme aux dates considérées n'est pas plus de nature à démontrer qu'il a pu prendre ses temps de pause.
Il en est de même de la mention "pause dérogation" sur les planning de M. [I] (pièce n° 23).
Par conséquent, l'employeur échouant à rapporter la preuve de la prise effective de ses temps de pause par le salarié, il convient d'accueillir la demande d'indemnisation et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 500 euros.
II - Sur la qualification de la prise d'acte :
Il résulte des dispositions de l'
article L.1132-1 du code du travail🏛 qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.
En application de l'
article L. 1134-1du code du travail🏛, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La prise d'acte par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ou d'une démission dans le cas contraire.
La charge de la preuve incombe au salarié.
En l'espèce M. [R] a notifié sa prise d'acte en raison d'actes de racisme (pièce n° 6).
A ce titre, il indique qu'avant de notifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, il s'est plaint auprès de ses supérieurs du traitement dont il était l'objet sur son lieu de travail, verbalement et par écrit, mais que l'employeur n'y a pas répondu ni pris aucune mesure pour protéger sa santé et sa sécurité.
A l'appui de ses affirmations, il produit :
- une lettre du 10 novembre 2019 (pièce n° 2) dans laquelle il évoque le fait que, convoqué informellement le 8 novembre 2019 par son coordinateur et le chef secteur pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une caissière du magasin, circonstance relevant pourtant de sa vie privée sans incidence sur la qualité de son travail, il a profité de cet entretien informel pour rappeler à ses supérieurs qu'il les a alerté sur les propos racistes et blessants dont il était victime depuis des mois sur son lieu de travail de la part de ses deux chefs de secteur, Mme [W] et Mme [V], la première prenant soin de saluer tout le monde sauf lui. Il ajoute être victime de discrimination et d'islamophobie de la part de Acme [Z], qui aurait dit « ne t'approche pas mon fils ce sont des arabes », de Mme [M], qui, quand elle le voit arriver, dit « Salam Allah Ouakbar » et de M. [Ad] qui parle de « l'état Liban ». Il se plaint enfin que des " paroles circulent que je séquestrais, violerais, voilerais " et conclut que « aucunes suites n'ont été donner face à ces injure. [H] Chef de sécurité me répond que Madame [Ae] est lunatique et que [N] est comme cela, quand à mon coordinateur me dit qu'elle est bipolaire », « Mes responsables n'ont pas pris en compte mes paroles, que dois je comprendre ' Racisme ou discrimination ' », « Comment puis je travailler sereinement ! Je demande par ce courrier de prendre des mesures afin d'arrêter ses propos dans le dépôt. Depuis 2 mois, je ne supporte plus ses réflexions, je vis très mal cette situation (') Aujourd'hui je me sens très fatigué mentalement et pas entendu ! ». (pièce n° 2)
- plusieurs attestations de salariés indiquant qu'il était l'objet de propos racistes tant de la part des vendeurs que les clients (pièces n° 12 à 18 et 21).
La cour relève néanmoins que si le salarié indique précisément sur quel motif prohibé reposerait la discrimination alléguée, en l'occurrence une atteinte à sa vie privée et le racisme, il n'est aucunement fait mention de quelle mesure discriminatoire il aurait été victime.
En conséquence, aucune pratique discriminatoire de l'employeur ne saurait être retenue.
III - Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
En application de l'
article L4121-1 du code du travail🏛, "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".
L'
article L.4121-2 du même code🏛 prévoit que "l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs".
En l'espèce, M. [R] fait grief à son employeur de s'être abstenu de répondre à sa lettre du 10 novembre 2019 et de n'avoir pris aucune mesure pour protéger sa santé et sa sécurité, invoquant ainsi un manquement de celui-ci à son obligation de sécurité telle que définie par l'
article L4121-1 du code du travail🏛, alors même que les faits dont il a été victime ont justifié son placement en arrêt de travail du 13 décembre 2019 jusqu'à la fin du contrat.
Sur ce point, la société LUXANT oppose que :
- la prise d'acte pour non respect de l'obligation de prévention et de sécurité produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le préjudice ne peut être réparé que par application du barème institué par l'
article L.1235-3 du code du travail🏛,
- elle conteste avoir été oralement informée des difficultés de son salarié,
- les termes de la prise d'acte de la rupture démontrent d'une part que le salarié concède que la direction de la société LUXANT n'était pas informée d'agissements racistes de la part de salariés (pièce n° 15), ce qui est le sens des échanges qui s'en sont suivis entre la direction et le salarié (pièce n° 16),
- dans la lettre prétendument datée du 10 novembre 2019 reçue le 13 suivant, soit immédiatement après la notification d'un avertissement, le salarié fait essentiellement reproche à l'employeur de l'avoir convoqué de manière informelle plutôt que l'absence de remontée d'actes de racisme (pièce n° 4),
- M. [R] ne s'est manifesté ni auprès de la direction juridique, ni auprès de la direction opérationnelle (directeur d'agence) ni même auprès des institutions représentatives du personnel, de sorte que la rupture précipitée de son contrat de travail, n'a pas permis à l'employeur de résoudre ses hypothétiques difficultés sur site ou planifier sur un autre site,
- la motivation de la prise d'acte est autre : M. [R] a commencé à nourrir une rancune tenace envers M. [Af], coordinateur qualité, à partir du moment où celui-ci a signalé un abandon de poste couvert par l'hôtesse de caisse qui n'est autre que sa compagne et pour lequel il a fait l'objet d'un avertissement notifié le 12 novembre 2019 (pièces n° 7 et 8), avertissement que l'employeur a décidé d'annuler pour tenter d'apaiser les relations entre M. [R] et son coordinateur qualité (pièce n° 9),
- M. [R] a pris l'initiative de la rupture juste après un second avertissement du 9 janvier 2020, également en lien avec son assiduité à son poste de travail, que l'employeur n'a pas voulu annuler (pièces n° 10 à 15), de sorte que si cette sanction disciplinaire avait également été annulée, M. [R] n'aurait pas pris acte de la rupture de son contrat de travail,
- informée des difficultés, l'employeur a mandaté le directeur d'agence (M. [D]) afin d'enquêter dans l'environnement professionnel du salarié sur les faits de racisme allégués, lequel a conclu que M. [R] ne s'est jamais plaint d'un quelconque différend lié au racisme et qu'aucun responsable hiérarchique n'a été témoin de quelconques agissements (pièce n° 21).
Néanmoins, étant observé que la société LUXANT procède par voie d'affirmation quant aux motivations réelles du salarié de rompre la relation de travail, supputant que sur fond de contentieux entre lui et M. [Y], coordinateur qualité, la cause véritable serait le refus de l'employeur d'annuler l'avertissement notifié le 9 janvier 2020, la cour relève :
- d'une part que si M. [R] ne justifie effectivement pas, ni même allègue, de s'être manifesté auprès de la direction juridique, de son directeur d'agence ou auprès des institutions représentatives du personnel avant le 10 novembre 2019, tel a été le cas à cette date, la lettre adressée à son employeur étant à cet égard explicite.
Dès lors, peu important que les faits dénoncés aient eu lieu dans les locaux de la société BRICO DÉPÔT et par des salariés de cette dernière dès lors qu'ils sont survenus alors que le salarié était en situation de travail pour le compte de la société LUXANT, c'est au plus tard à la date de réception de cette lettre, soit le 13 novembre 2019, que doit s'apprécier la réaction de l'employeur en termes de mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Sur ce point, la société LUXANT soutient avoir diligentée une enquête interne, confiée au directeur d'agence, M. [D], lequel aurait conclu à l'absence d'élément de nature à confirmer les accusations de racisme portées par M. [R].
Néanmoins, il n'est produit à cet égard qu'une attestation de l'intéressé (pièce n° 21), laquelle est postérieure à la prise d'acte du salarié, à l'exclusion de tout rapport ou compte-rendu de cette enquête contemporain des vérifications prétendument menées, ce qui ne permet pas de confirmer la réalité de celles-ci, ce d'autant que les termes de l'attestation de M. [D] sont contredits par les huit attestations de salariés produites par M. [R] confirmant le fait qu'il a bien été l'objet, de façon répétée, de propos racistes de la part, notamment, de certains salariés. (pièces n° 12 à 18 et 21).
Il ne ressort même pas de cette attestation qu'il a été procédé à une quelconque vérification auprès des personnes nommément mises en cause par M. [R] dans sa lettre, le témoin se bornant à citer, sans les nommer, les "responsables hiérarchiques de Brico-dépôt".
Dès lors, cette attestation est dépourvue de toute force probante, de sorte que la société LUXANT ne démontre pas l'affirmation selon laquelle elle n'est pas restée sans réagir face aux faits graves dénoncés par son salarié.
Enfin, la société LUXANT ne justifie d'aucune réponse apportée à la lettre de dénonciation du salarié, si ce n'est pour prendre acte de ses déclarations et lui signifier que « je suis particulièrement surpris de vos propos dans la mesure ou vous n'avez jamais cru bon nous remonter de tels faits » (courrier électronique du 18 février 2020 - pièce n° 16) et lui rappeler de veiller à rendre "sa tenue luxant" (même pièce), ni pour l'informer qu'une enquête était alors ordonnée.
En conséquence, en ne réservant aucune suite utile à la lettre de M. [R] dénonçant des faits de racisme dont il était victime et en ne prenant aucune mesure visant à préserver le salarié de tels agissements, l'employeur a manqué à son obligation de préserver sa santé en le maintenant dans la même configuration de travail.
Ce manquement caractérise un manquement suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
La prise d'acte de la rupture par le salarié, fondé sur un manquement à l'obligation de sécurité et non sur une prétendue discrimination, produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [R] sollicite les sommes suivantes :
- 914,49 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 91,45 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1 828,98 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à un mois de salaire.
La société LUXANT conclut au rejet de ces demandes au motif que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et sollicite à titre reconventionnel la somme de 914,49 euros au titre du préavis de 15 jours non exécuté par le salarié.
Il résulte toutefois des développements qui précèdent que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, cette demande sera rejetée.
M. [R] justifiant d'une ancienneté de moins de 6 mois du fait de la suspension du contrat de travail pendant son arrêt de travail à compter du 13 décembre 2019, et d'un salaire moyen de 1 828,98 euros, il lui sera alloué :
- par confirmation du jugement déféré, 914,49 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 91,45 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- par infirmation du jugement déféré, 1 828,98 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
IV - Sur le remboursement à Pôle Emploi :
Selon l'
article L.1235-4 du code du travail🏛, "dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé".
En l'espèce, la société LUXANT sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées à M. [R] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement au motif que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission.
Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence la demande sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
V - Sur la demande de condamnation à une amende civile et de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Aux termes de l'
article 32-1 du code de procédure civile🏛, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La société LUXANT soutient que l'action de M. [R] est abusive et sollicite à ce titre sa condamnation à payer 1 500 euros à titre d'amende civile au profit du trésor public et 1 500 euros à titre de dommages-intérêts à son profit.
Toutefois, la condamnation d'une partie à une amende civile est une prérogative qui incombe à la cour et non aux parties. La demande de la société LUXANT à ce titre est donc irrecevable, le jugement déféré qui l'en a déboutée étant infirmé sur ce point.
En outre, le prononcé d'une telle amende n'est pas fondé en l'espèce.
Par ailleurs, l'exercice d'une action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que l'action de M. [R] est fondée.
En conséquence, la demande sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VI - Sur les demandes accessoires :
- Sur la dénomination de l'employeur :
M. [R] sollicite l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société LUXANT SECURITY GRAND SUD et non la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT SECURITY GRAND SUD.
Nonobstant l'absence d'explication et de pièces justificatives à cet égard, il ressort des écritures de la société LUXANT SECURITY GRAND SUD, employeur de M. [R], se présente elle-même comme la société LUXANT SECURITY venant aux droits de la société LUXANT SECURITY GRAND SUD.
En conséquence, la demande sera accueillie.
- Sur le point de départ des intérêts au taux légal :
M. [R] sollicite que la date à partir de laquelle les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal soit fixée au jour dépôt de la requête prud'homale.
Néanmoins, les condamnations au paiement de créances de nature salariale portant intérêts au taux légal à compter de la réception par le débiteur des intérêts de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, la demande sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- Sur la remise des documents de fin de contrat :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société LUXANT de remettre à M. [R] les documents de fin de contrat rectifiés tenant compte des condamnations prononcées, à savoir les bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
La société LUXANT sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Les demandes de la société LUXANT au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 seront rejetées.
La société LUXANT succombant au principal, elle supportera les dépens d'appel.