COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 MARS 2023
F N° RG 19/05081 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LHSF
Monsieur [R] [V]
c/
Monsieur [Aa] [W]
Madame [U] [C]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 septembre 2019 -7ème chambre - (R.G. 18/00584) par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux suivant deux déclarations déclaration d'appel : du 25 septembre 2019 et du 07 octobre 2019
APPELANT :
[R] [V]
appelant dans la déclaration d'appel du 25.09.19
et intimé dans le déclaration d'appel du 07.10.19
né le … … … à [Localité 5] (49)
de … …
…,
… [… …]
Représenté par Me Luc BRASSIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[B] [W]
intimé dans le déclaration d'appel du 25.09.19
et appelant dans la déclaration d'appel du 07.10.19
né le … … … à [… …]
… … …,
… …… …]
[U] [C]
intimée dans le déclaration d'appel du 25.09.19
et appelante dans la déclaration d'appel du 07.10.19
née le … … … à [Localité 5] (49)
de … …,
… [… …]
Représentés par Me Valérie CHAUVE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des
articles 805 et 912 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [R] [V] est propriétaire d'un terrain situé dans la commune de [Localité 6], cadastré sous le n°[Cadastre 2] de la section C. Il a pour voisin M. [B] [W] et Madame [U] [C], propriétaires de la parcelle [Cadastre 4].
Ces derniers ont effectué divers travaux dont il estime qu'ils lui portent préjudice, à savoir l'édification d'un chalet en bois de 6 mètres sur 5 mètres sur la limite de propriété, la démolition d'une partie de la clôture mitoyenne sur plus de 13 mètres, l'installation d'un portillon d'accès à son terrain, un écoulement des eaux de pluie du chalet sur son terrain et enfin un débordement du poteau avant la limite séparative et l'abattage d'arbres.
Suivant un acte d'huissier signifié à étude le 09 janvier 2018, M. [Ab] a assigné M. [B] [W] et Madame [U] [C] afin d'obtenir notamment la démolition sous astreinte de leur chalet et l'indemnisation de divers préjudices.
Par jugement contradictoire du 03 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- débouté M. [V] de sa demande visant à ordonner la démolition de la construction de M. [W] et Mme [C] et de sa demande au titre des travaux de remise en état,
- condamné in solidum M. [W] et Mme [C] à payer à M. [V] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- débouté M. [W] et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamné in solidum M. [W] et Mme [C] à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros au titre de dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- ordonné pour le tout l'exécution provisoire,
- condamné in solidum M. [W] et Mme [C] aux entiers dépens de l'instance,
- dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
M. [Ab] a relevé appel de cette décision le 25 septembre 2019.
Par déclaration au greffe en date du 7 octobre 2019, M. [W] et Mme [C] ont à leur tour interjeté appel du jugement, procédure enregistrée sous le numéro RG N°19/05287.
Par avis du 23 mars 2020, ce dossier a été joint à la présente affaire.
L'ordonnance rendue le 16 janvier 2020 par la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire,
- ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 3 septembre 2019,
- rejeté la demande de condamnation sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné Mme [C] et M. [W] aux dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2020, M. [V] demande à la cour, sur le fondement des
articles 544, 678 du code de procédure civile🏛🏛 et 1240 du code civil :
- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à ordonner la démolition de la construction de M. [W] et de Mme [C] et au titre des travaux de remise en état,
statuant à nouveau,
- d'ordonner in solidum à M. [W] et à Mme [C] de procéder à la démolition du chalet de bois implanté en limite de propriété, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- de condamner in solidum M. [W] et Mme [C] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des travaux de remise en état,
- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris,
- débouter M. [W] et Mme [C] de l'ensemble de leurs prétentions,
- de condamner in solidum M. [W] et Mme [C] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et de tous les dépens de première instance, incluant le coût du procès-verbal de constat de maître [J], huissier de justice, en date du 17 août 2017, et d'appel, dont distraction est requise au profit de maître Brassier, avocat aux offres de droit.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2019, M. [W] et Mme [C] demandent à la cour, sur le fondement des
articles 16 du code de procédure civile🏛, 544, 678 et 1240 du code civil, de :
- d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 19/05081 et RG 19/05287,
- dire et juger M. [Ab] mal fondé en son appel et les déclarer recevables et bien fondés en leur voie de recours et en conséquence ,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande visant à voir ordonner la démolition de leur construction et au titre des travaux de remise en état,
- réformer en revanche le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un préjudice de jouissance et les a condamnés à verser à M. [V] la somme de 5 000 euros en réparation,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes, fins et prétentions et condamnés in solidum à verser à M. [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 outre les dépens,
statuant à nouveau :
- constater que M. [Ab] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice de jouissance ni d'aucune faute qui leur serait imputable qui soit en lien avec un éventuel préjudice,
- débouter en conséquence M. [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel :
- condamner M. [V] à verser à chacun d'entre-eux une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- le condamner à leur verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance.
MOTIVATION
Sur la démolition du chalet
M. [R] [V] présente sa demande en démolition du chalet en bois édifié par leurs voisins sur deux fondements juridiques.
1) Le premier est la non-conformité de la construction aux prescriptions du permis de construire qui a été accordé à M. [W] et Mme [C] le 07 juillet 2015. L'appelant soutient que cet ouvrage n'a pas été implanté en respectant les côtes figurant dans les plans annexés à la demande et que sa dimension ainsi que la présence de meubles à l'intérieur font apparaître qu'il ne constitue pas un simple abri de jardin mais un véritable lieu d'habitation.
Pour autant, cette demande se heurte aux dispositions de l'
article L480-13 du code de l'urbanisme🏛 qui énonce que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire (...) le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.
En l'absence de toute décision d'une juridiction administrative, seule la violation de règles de droit privé est donc susceptible de fonder la demande en démolition devant le juge judiciaire.
M. [R] [V] reproche en outre à la construction édifiée par ses voisins la présence de fenêtres offrant une vue sur sa propriété en violation des dispositions de l'
article 678 du code civil🏛. Il estime subir également un trouble anormal de voisinage résultant de cette situation.
L'article 678 précité dispose 'qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcon ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage'.
Le constat d'huissier dressé le 17 juillet 2018 par Me [Z], versé aux débats par les intimés, fait apparaître que les ouvertures litigieuses en direction de la propriété de M. [R] [V] ont été obturées de sorte que ses occupants ne bénéficient plus d'une vue sur la propriété voisine. M. [R] [V] ne subit donc aucune atteinte à son droit de propriété sur le fondement de l'article 678 ou susceptible de constituer un trouble anormal de voisinage.
En conséquence, la demande de démolition du chalet fondée sur ces moyens doit être rejetée.
2) le second est l'empiétement de la construction édifiée par M. [W] et Mme [C].
Prenant en considération le jugement de première instance lui ayant reproché de ne fournir à l'appui de sa demande qu'un constat d'huissier en date du 17 août 2017, M. [R] [V] produit en appel un plan d'état des lieux dressé le 12 novembre 2019 par M. [F], géomètre-expert.
Ce document, établi non contradictoirement, ne peut à lui seul établir l'empiétement allégué sans être corroboré par d'autres éléments de preuve.
Le procès-verbal de constat du 17 août 2017 mentionné ci-dessus ne saurait confirmer les éléments contenus dans le plan établi par M. [F], l'huissier ne disposant pas des compétences requises pour apprécier si le chalet a été partiellement édifié sur la propriété de son mandant. Il n'a de surcroît effectué aucun métré ni relevé chiffré comme le souligne à juste titre la décision de première instance.
Quant aux photographies versées aux débats par l'appelant qui font apparaître que l'ouvrage en bois jouxte une murette, il n'est pas en l'état possible de déterminer avec certitude si cette murette est implantée sur la propriété de M. [R] [V] ou en limite séparative des fonds des parties.
Il doit être observé enfin que le géomètre-expert n'a établi qu'un simple plan des lieux, en se référant à l'emplacement des bornes existantes, sans conclure formellement à l'existence d'un empiétement.
M. [R] [V] échoue donc à démontrer que le chalet a été partiellement construit sur sa propriété de sorte que le jugement attaqué ayant rejeté sa demande en démolition sera confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. [R] [V]
Ne subissant dès lors aucun préjudice résultant de la présence de l'ouvrage en bois compte-tenu des observations figurant ci-dessus, l'appelant ne saurait obtenir des dommages et intérêts à ce titre.
Il n'est pas démontré que l'état dégradé d'un grillage ou d'un poteau se trouvant sur le fonds de l'appelant est en lien avec les travaux de construction du chalet litigieux.
Il en est de même pour ce qui concerne l'arrachage ou la taille de certains végétaux.
En revanche, il apparaît que M. [W] et Mme [C] ont bien pénétré à plusieurs reprises sur la propriété de M. [R] [V] sans justifier d'une autorisation de la part de celui-ci, reconnaissant d'ailleurs l'intrusion en page 2 de leur courrier du 16 octobre 2017. Il en a été ainsi lors de la construction de la terrasse en bois bâtie partiellement sur le fonds de l'appelant et de son retrait ultérieur par ceux-ci. Il a donc subi une atteinte à son droit de jouir paisiblement de son fonds.
En conséquence, il convient de condamner in solidum M. [W] et Mme [C] au paiement à leur voisin d'une somme de 2 000 euros afin de réparer le préjudice subi. Le jugement attaqué sera donc partiellement infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de M. [W] et Mme [C]
Aucune atteinte à l'honneur ou la considération de M. [W] et Mme [C] ne justifie la condamnation de M. [R] [V] au paiement d'une indemnité réparant leur préjudice moral. Le jugement ayant rejeté cette prétention sera donc confirmé.
Sur l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et les dépens
La décision attaquée doit être infirmée. Il n'y a pas lieu, tant au stade de la première instance qu'en cause d'appel, de mettre à la charge de l'une ou de l'autre des parties le versement d'une indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
M. [W] et Mme [C], condamnés au versement d'une indemnité à M. [R] [V], supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 03 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a condamné in solidum M. [B] [W] et Mme [U] [C] à payer à M. [R] [V] les sommes de :
- 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- 3 000 euros au titre de dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
et, statuant à nouveau dans cette limite :
- Condamne in solidum M. [B] [W] et Mme [U] [C] à payer à M. [R] [V] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance
- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant ;
- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Condamne in solidum M. [B] [W] et Mme [U] [C] au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par maître Luc Brassier en application des dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Clara DEBOT, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE