TA Nantes, du 24-02-2023, n° 1909167
A42499GH
Référence
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 août 2019, le 27 septembre 2019, le 9 octobre 2020 et le 25 mars 2021, la société civile immobilière (SCI) Beau Rivage, représentée par Me Cazeaux, demande au tribunal :
1°) de prononcer la décharge de l'amende de 5 000 euros infligée sur le fondement de l'article 1729-D du code général des impôts ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- le résultat imposable de la SCI MAR 2 ne pouvait être évalué d'office dès lors que l'absence de réception des avis de vérification par la gérante de la SCI MAR 2 résulte de défaillance de La Poste dans l'acheminement du courrier au domicile de sa gérante ;
- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration fiscale n'a pas fait droit à la demande de la SCI MAR 2 de prorogation du délai de réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée ;
- l'administration fiscale ne pouvait sérieusement invoquer l'étanchéité des procédures de contrôle, ou le secret professionnel pour refuser d'apprécier les pièces comptables de la SCI MAR 2 présentées par le comptable de celle-ci dans le cadre du contrôle de la SCI Beau Rivage ;
- l'administration fiscale a refusé tout dialogue contradictoire contrairement aux préconisations de la charte du contribuable ;
- l'administration n'a pas procédé à la réunion de synthèse avant la notification de la proposition de rectification ;
- le procès-verbal de constat de l'absence de transmission des fichiers d'écriture comptables ne pouvait être présenté par l'administration à l'expert-comptable dès lors que son mandat avait été révoqué :
- il n'y a pas de gérance de fait de la part de M. D sur la SCI MAR 2 dès lors qu'il n'existe pas de confusion de patrimoine entre celui de M. D et celui de la SCI MAR 2 et que celui-ci ne dispose que d'une procuration et non d'une délégation de pouvoir sur la gestion de la SCI MAR 2 ;
- la méthode de reconstitution du résultat imposable de la SCI MAR 2 est contestable dès lors que le produit de la vente de l'actif de la SCI Beau Rivage ne pouvait être conservé à l'actif de la SCI MAR 2, la SCI Beau Rivage ayant été dissoute au 31 décembre 2015, cette dissolution étant indépendante de la publication d'un avis de dissolution-liquidation ;
- ayant été dissoute à compter du 15 décembre 2015, elle n'a pu avoir d'activité et par conséquent de résultats au titre de l'exercice 2016 et n'était pas tenue de souscrire une déclaration fiscale ni de tenir une comptabilité au titre de cet exercice ;
- le prélèvement opéré par M. D via son compte courant d'associé au sein de la SCI Beau Rivage des produits issus de la vente de l'immeuble n'a pas privé la SCI MAR 2 de ces produits dès lors qu'il avait droit au remboursement de ses créances sur la SCI MAR 2.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mars 2020 et 25 janvier 2021, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Beau Rivage ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- et les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.
1. La société civile immobilière (SCI) Beau Rivage, qui exerçait l'activité de location de locaux à usage d'habitation, a été constituée le 1er janvier 1996 entre M. B D et Mme C D, détenteurs respectivement de 3 999 parts et 1 part au capital de cette société. Cette SCI était propriétaire d'un immeuble sis 17, rue de la Tour d'Auvergne à Nantes (Loire-Atlantique) qu'elle a cédé au cours de l'année 2015 avant de prévoir sa dissolution anticipée et sa liquidation amiable à l'issue de son assemblée générale du 15 décembre 2015. La SCI Beau Rivage a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 12 juin 2018, l'administration fiscale a mis à la charge de la SCI Beau Rivage une amende de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1729-D du code général des impôts pour absence de production du fichier des écritures comptables de l'année 2016. Après rejet des observations de la société contribuable, l'administration fiscale a maintenu l'amende qu'elle a mise en recouvrement le 30 novembre 2018. La SCI Beau Rivage en a contesté le bien-fondé par une réclamation du 31 décembre 2018 qui a été rejetée par décision de l'administration fiscale du 25 juin 2019. Par la présente requête, la SCI Beau Rivage demande au tribunal la décharge de cette amende.
Sur les conclusions aux fins de décharge de l'amende litigieuse :
2. Aux termes de l'article 1729-d du code général des impôts : " I. - Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales🏛 entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable. (). ".
3. Il résulte des énonciations de la proposition de rectification adressée à la société requérante, lesquelles ne sont pas sérieusement contestées, que la SCI Beau Rivage, qui a transmis à la vérificatrice les fichiers des écritures comptables pour les années 2014 et 2015, n'a pas présenté le fichier des écritures comptables au titre de l'année 2016 alors qu'un tel fichier lui a été demandé, ce qui a été constaté par procès-verbal du 13 décembre 2017.
4. En premier lieu, si la société requérante soutient que le procès-verbal de constat du défaut de présentation des fichiers d'écritures comptables pour l'exercice clos en 2016 ne pouvait être signé par l'expert-comptable au motif que le mandat de représentation confié par la société requérante à ce dernier aurait été révoqué, il résulte toutefois de l'instruction qu'à supposer que le mandat de celui-ci ait été régulièrement révoqué, cette révocation n'a pu avoir lieu qu'à compter du 1er mars 2018 soit postérieurement à l'établissement du procès-verbal du 13 décembre 2017 constatant l'absence de transmission de ces fichiers.
5. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que l'amende a été infligée sans que la vérificatrice ne procède à une réunion de synthèse qui lui aurait permis de présenter les documents demandés, la vérificatrice n'était pas toutefois tenue de donner à la société contribuable, avant la proposition de rectification, une information sur les rectifications qu'elle pouvait envisager et par suite n'avait pas pour obligation de procéder à une réunion de synthèse, alors même que la société requérante ne conteste pas, par ailleurs, que les opérations de contrôle dont elle a fait l'objet ont donné lieu à un débat contradictoire entre le service et le représentant ou le mandataire de la SCI.
6. En troisième et dernier lieu, une société placée en liquidation amiable est tenue de tenir une comptabilité régulière retraçant toutes les opérations réalisées au cours de chacune des années au cours desquelles elle a poursuivi son activité et de souscrire des déclarations fiscales annuelles jusqu'à l'achèvement de sa liquidation. S'il résulte de l'instruction, à ce titre, et notamment des termes de l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la SCI Beau Rivage que les associés ont décidé le 15 décembre 2015 de dissoudre cette société, cette dissolution n'a toutefois eu pour effet ni de faire disparaitre la société, laquelle n'a été radiée qu'à compter de la fin des opérations de liquidation menées jusqu'au 19 décembre 2018, ni de la dégager de son obligation de tenir une comptabilité jusqu'à la fin des opérations de liquidation, lesquelles étaient encore en cours durant l'exercice clos en 2016. Dans ces conditions, la SCI Beau Rivage n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas à présenter les fichiers des écritures comptables de l'année 2016 en l'absence d'activité comptabilisée dès lors qu'elle était dissoute à compter du 15 décembre 2015.
7. Enfin, les autres moyens que la société requérante invoque dans le cadre de la présente requête, qui sont relatifs aux rappels d'impôt sur les société mis à la charge d'une autre société et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. D ainsi que des pénalités afférentes, sont sans incidences sur le bien-fondé de l'amende mise à sa charge pour défaut de présentation des fichiers d'écritures comptables pour l'exercice clos en 2016. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait se voir infliger l'amende prévue par les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts🏛.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge de l'amende litigieuse présentées par la SCI Beau Rivage doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SCI Beau Rivage la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête de SCI Beau Rivage est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société civile immobilière Beau Rivage et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 3 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Livenais, président,
M. Huin, premier conseiller.
Mme Thierry, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2023.
Le rapporteur,
F. A
Le président,
Y. LIVENAIS
Le greffier,
E. LE LUDEC
La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Société immobilière Résultats imposables Évaluation d'office Avis de vérification Acheminement du courrier Procédure irrégulière Demande de prorogation Délai de réponse Secret professionnel Écritures comptables Expert-comptable Délégation de pouvoirs Méthode de reconstitution Prélèvement opéré Finances publiques Exercice d'une activité de location Local d'habitation Liquidation amiable Procédure de vérification Vérification de la comptabilité Société contribuable Maintien d'une amende Majoration Procès-verbal Mandataire Comptabilité régulière Registre du commerce Exercice clos Prélèvement social