Jurisprudence : Cass. civ. 2, 02-03-2023, n° 21-19.904, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 02-03-2023, n° 21-19.904, F-B, Cassation

A23979GU

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C200207

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047269031

Référence

Cass. civ. 2, 02-03-2023, n° 21-19.904, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93648347-cass-civ-2-02032023-n-2119904-fb-cassation
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Abstract


CIV. 2

FD


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mars 2023


Cassation partielle


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 207 F-B

Pourvoi n° U 21-19.904


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023


La société Trottel distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 21-19.904 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [Ab], domicilié [… …],

2°/ à Mme [Ac] [T], épouse [Ad], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à Mme [Y] [T], épouse [V], domiciliée [Adresse 3],

toutes deux prises en qualité d'ayants droit de [K] [L],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société Trottel distribution, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [Ab], de la SCP Spinosi, avocat de Mme [Ad] et Mme [V] et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 mai 2021), la société Trottel distribution a été condamnée sous astreinte à faire cesser des nuisances sonores par deux jugements du 9 avril 2018, respectivement au profit de M. [Ab] et au profit de [K] [L], depuis décédée.

2. Par acte d'huissier de justice du 10 avril 2019, M. [Ab] a assigné la société Trottel distribution devant le juge de l'exécution à fin de liquidation de l'astreinte. Par jugement du 1er juillet 2020, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio a accueilli l'exception de litispendance soulevée par la société Trottel distribution au profit de la cour d'appel de Bastia en raison de l'appel interjeté par elle dans le litige l'opposant à [K] [L].

3. Par acte d'huissier de justice du 2 juillet 2019, [K] [L] a en effet assigné la société Trottel distribution devant le juge de l'exécution en liquidation d'astreinte. Par jugement réputé contradictoire du 18 juillet 2019, la société Trottel distribution a été condamnée à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'astreinte liquidée provisoirement et une nouvelle astreinte provisoire a été fixée.

4. Devant la cour d'appel, les deux instances ont été jointes, Mme [Ad] et Mme [Ae] intervenant volontairement en qualité d'ayants droit de [K] [L].


Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

5. La société Trottel distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de l'acte introductif d'instance délivré par [K] [L], d'annuler le jugement du 18 juillet 2019, et, saisie de l'effet dévolutif de l'appel et compte tenu du jugement du 1er juillet 2020, de fixer à 120 euros par jour le montant de l'astreinte due par elle à M. [Ab], d'une part, et à Af [Ad] et [V], d'autre part, de la condamner à payer à M. [Ab], d'une part, et à Af [Ad] et [V], d'autre part, les sommes de 113 400 euros au titre de l'astreinte due pour 945 jours, et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et de fixer au profit de M. [Ab] une astreinte définitive due par elle à 250 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant sa signification et pendant une période de six mois en cas de nouvelle inexécution des condamnations prononcées par le jugement du 148 juillet 2018 [lire 9 avril 2018], alors :

« 1° / qu'il résulte des articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛 que la signification d'un acte introductif d'instance à une personne morale n'est valable qu'au lieu de son siège social ou de l'un de ses établissements ; qu'en déclarant valable une telle signification, au motif inopérant qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la personne morale défenderesse disposait de son siège social ou d'un établissement à l'adresse à laquelle l'huissier avait procédé à la signification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛 ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'habilitation de la personne à laquelle est délivrée la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale ne saurait résulter de ses seules déclarations lorsqu'elle intervient en un lieu autre que celui où ladite personne morale dispose de son siège social ou d'un établissement ; qu'en déclarant valable une telle signification en ce qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans avoir constaté que cette signification était intervenue en un lieu où la personne morale disposait de son siège social ou d'un établissement, la cour d'appel a violé les articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 690 du code de procédure civile🏛 :

6. Il résulte de ce texte que la signification d'un acte destiné à une personne morale dont le siège social est connu est faite au lieu de ce siège et, à défaut, en tout autre lieu de son établissement. Ce n'est qu'en l'absence d'établissement de la personne morale destinataire de l'acte, que la signification est valablement faite à l'un de ses membres habilité à la recevoir.

7. Pour rejeter la demande de la société Trottel distribution en nullité de l'assignation du 2 juillet 2019, annuler le jugement du 18 juillet 2019, fixer le montant de l'astreinte provisoire due à M. [Ab] et à Af [Ad] et [V], condamner la société Trottel distribution à payer une certaine somme à M. [Ab], d'une part, et à Af [Ad] et [V], au titre de l'astreinte provisoire, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et fixer au profit de M. [Ab] une astreinte définitive, l'arrêt retient que la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale, délivré à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, est valable et ce, quand bien même, comme en l'espèce, l'huissier de justice a fait preuve d'une particulière légèreté en délivrant un acte pour une société exerçant sous l'enseigne Carrefour market à une autre société exploitant sous l'enseigne Carrefour et en indiquant dans son procès-verbal que le nom du destinataire « figure sur l'enseigne commerciale », confondant ainsi deux entités juridiquement différentes, Carrefour market et Carrefour, mais que cet élément ne permet pas de soutenir la nullité de l'acte introductif d'instance.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que la signification de l'assignation n'avait pas été effectuée au lieu du siège social ou de l'établissement de la société Trottel distribution et que la copie de l'acte avait été remise à une personne représentant une entité juridique distincte de la société destinataire de l'acte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de nullité de l'assignation du 2 juillet 2019 n'implique pas l'annulation par voie de conséquence des chefs de dispositif prononçant l'annulation du jugement du 18 juillet 2019 et ceux statuant au profit de M. [Ab], qui ne sont pas dans sa dépendance.

Demande de mise hors de cause

10. En application de l'article 625 du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause M. [Ab] devant la cour d'appel de renvoi.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de causeAbM. [U].

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'assignation du 2 juillet 2019 formée par la société Trottel distribution, en ce qu'il fixe à 120 euros par jour le montant de l'astreinte due par la société Trottel distribution à Mme [Ad] et à Mme [Ae], en leur qualité d'ayants droit de [K] [L], et en ce qu'il la condamne à leur payer la somme de 113 400 euros au titre de l'astreinte due pour 145 jours et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Condamne Mme [Ad] et Mme [Ae], en leur qualité d'ayants droit de [K] [L] et M. [Ab] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par M. [Ab] et par Mme [Ad] et Mme [Ae], en leur qualité d'ayants droit de [K] [L], et les condamne in solidum à payer à la société Trottel distribution la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile🏛🏛. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Trottel distribution.

La société Trottel Distribution fait grief à la décision attaquée d'AVOIR rejeté sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance délivré à la demande de Mme [K] [L] à la société Trottel Distribution, annulé le jugement prononcé le 18 juillet 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio et, saisie de l'effet dévolutif de l'appel et compte tenu du jugement du 1er juillet 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Ajaccio relevant la connexité, d'AVOIR fixé à 120 euros par jour le montant de l'astreinte due par la société Trottel Distribution à M. [Ab], d'une part, et à Af [Ag] et [P] [T], en qualité d'ayants-droit de Mme [K] [L], d'autre part, de l'AVOIR condamnée à payer à M. [Ab], d'une part, et à Af [Ag] et [P] [T], en qualité d'ayants-droit de Mme [K] [L], d'autre part, les sommes de 113 400 euros, au titre de l'astreinte due pour 945 jours, et de 3 000 euros, au titre de l'article 700 et d'AVOIR fixé au profit de M. [Aa] [Ab] l'astreinte définitive due par la société Trottel Distribution à 250 euros par jour par jour de retard à compter du troisième mois suivant sa signification et pendant une période de 6 mois, en cas de nouvelle inexécution des condamnations prononcées par le jugement du 148 (sic.) juillet (sic.) 2018 du tribunal de grande instance d'Ajaccio ;

1°) ALORS QU'il résulte des articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛 que la signification d'un acte introductif d'instance à une personne morale n'est valable qu'au lieu de son siège social ou de l'un de ses établissements ; qu'en déclarant valable une telle signification, au motif inopérant qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la personne morale défenderesse disposait de son siège social ou d'un établissement à l'adresse à laquelle l'huissier avait procédé à la signification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛 ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'habilitation de la personne à laquelle est délivrée la signification d'un acte introductif d'instance destiné à une personne morale ne saurait résulter de ses seules déclarations lorsqu'elle intervient en un lieu autre que celui où ladite personne morale dispose de son siège social ou d'un établissement ; qu'en déclarant valable une telle signification en ce qu'elle avait été délivrée à une personne se déclarant habilitée à la recevoir, sans avoir constaté que cette signification était intervenue en un lieu où la personne morale disposait de son siège social ou d'un établissement, la cour d'appel a violé les articles 654 et 690 du code de procédure civile🏛🏛.

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