ARRET N°
du 21 février 2023
N° RG 22/00212 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FD2J
S.A.S. MARVILA ENSEIGNE 'INTERMARCHE'
Société ALLIANZ IARD
c/
[T] NÉE [Y]
Caisse CPAM D'[Localité 9]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
APPELANTES :
d'un jugement rendu le 07 janvier 2022 par le TJ de TROYES
S.A.S. MARVILA ENSEIGNE 'INTERMARCHE'
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Me Karym FELLAH de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-GODARD, avocat au barreau de SENS, avocat plaidant
Société ALLIANZ IARD
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant et Me Karym FELLAH de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-GODARD, avocat au barreau de SENS, avocat plaidant
INTIMEES :
Madame [B] [T] NÉE [Y] épouse [T]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
Caisse CPAM D'[Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparante ni représentée bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MATHIEU, conseillère et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Frédérique ROULLET, greffière lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 10 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 février 2023,
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La SAS Marvila exploite un supermarché à [Localité 8], sous l'enseigne " intermarché".
Madame [B] [Y], épouse [T], a chuté lorsqu'elle faisait ses courses au sein de cet établissement le 2 janvier 2019, lui causant une entorse de la cheville droite et des contusions à la main et au poignet droit.
A défaut de règlement amiable du litige, le juge des référés du tribunal judiciaire de Troyes a été saisi. Par ordonnance du 26 mai 2020, il a ordonné la réalisation d'une expertise médicale de Mme [T] confiée à M [F] [V], afin de déterminer l'étendue de son préjudice corporel en lien avec la chute du 2 janvier 2019.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 25 octobre 2020.
Par exploits d'huissier en date des 10, 11 et 17 février 2021, Mme [T] a fait assigner la SAS Marvila et son assureur, la SA Allianz IARD, ainsi que la CPAM de l'Yonne devant le tribunal judiciaire de Troyes afin d'obtenir réparation de son préjudice corporel. Elle souhaitait que son préjudice soit fixé à hauteur de 9.111,60€, outre les dépens d'instance et les frais d'article 700.
Par jugement du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Troyes a :
- Condamné in solidum la SAS Marvila et la SA Allianz IARD à payer à Mme [T] la somme de 7.111,60 euros, en réparation de son préjudice corporel se décomposant comme suit :
- 354.00 euros au titre l'assistance par une tierce personne temporaire.
- 700.00 euros au titre des frais divers.
- 457,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 2.000,00 euros au titre des souffrances endurées,
- 1.600,00 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 2.000,00 euros au titre du préjudice d'agrément ;
- Condamné in solidum la SAS Marvila et la SA Allianz IARD à payer à Mme [T] la somme de 2.000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Condamné in solidum la SAS Marvila et la SA Allianz lARD aux entiers dépens de la procédure ainsi que ceux de l'instance de référé, y compris les frais d'expertise.
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Le tribunal a retenu que l'état anormal du sol du magasin, dont deux témoins ont attesté qu'il était mouillé, a été l'instrument du dommage de Mme [T].
Par déclaration du 4 février 2022, les SAS Marvila, enseigne Intermarché et son assureur, Allianz, ont interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Troyes en visant expressément l'ensemble des chefs de jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 mars 2022, la SAS Marvila et Allianz IARD demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes le 7 janvier 2022 en toutes ces dispositions et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
- Dire et juger que Mme [T] ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits qu'elle invoque et du rôle causal du sol sur lequel elle prétend avoir glissé,
- La débouter et, par suite, la CPAM, de l'ensemble de leurs demandes.
A titre subsidiaire :
- Dans l'hypothèse où par extraordinaire la cour considèrerait que la responsabilité de la société Marvila et de la société Allianz IARD serait engagée sur le fondement des dispositions de l'
article 1242 du code civil🏛, dire et juger que l'indemnisation de Mme [T] ne pourra pas excéder les sommes suivantes :
o 354 € au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation
o 700 € au titre des frais divers
o 457,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire
o 2.000 € au titre des souffrances endurées
o 1.600 € au titre du déficit fonctionnel permanent
Débouter Mme [T] du surplus de ses demandes.
En tout état de cause :
- Condamner Mme [T] à payer tant à la société Marvila qu'à la société Allianz IARD une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
- La condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel
Les concluants rappellent la nécessité pour la victime d'établir la matérialité des faits et de prouver le rôle causal de la chose en démontrant son caractère anormal s'il s'agit d'une chose inerte. La société Marvila conteste la version des faits de la victime, estimant que la matérialité des faits n'est pas justifiée et que le rôle causal du sol du magasin n'est pas établi. Les concluants entendent exclure l'attestation de Monsieur [T], en qualité d'époux de la victime, au motif qu'il serait nécessairement partial et complaisant, mais également celle du docteur [P], parce qu'il n'a pas assisté à la chute et n'est donc pas un témoin direct.
Concernant l'élément causal, la société Marvila affirme que si le sol avait été souillé, ils auraient balisé la zone comme dangereuse, et en faisant intervenir le personnel de nettoyage. Les concluants soulèvent que Mme [T] portait des talons ce jour-là, de sorte qu'elle a pu faire une man'uvre imprudente ou maladroite, et rappelle que sa cheville droite présentait un état médical antérieur, ce qui pourrait selon elle être, avec une possible maladresse, le fait générateur de la chute de la victime.
Sur la liquidation du préjudice, les quantums proposés sont acceptés par la société Marvila, sauf concernant les souffrances endurées et le préjudice d'agrément : s'agissant des souffrances endurées elle fait valoir que l'expert les a quantifiées à 2/7 et offre de payer 2 000 euros conformément à la jurisprudence en vigueur, quant au préjudice d'agrément, les concluants estiment que Mme [T] ne rapporte pas la preuve de la pratique d'une activité spécifique.
Aux termes de ses dernières conclusions du 1er avril 2022, Mme [T] demande à la cour, sur le fondement des
articles 1242 du code civil🏛 et
L.124-3 du code des assurances🏛, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Marvila entièrement responsable de son préjudice subi.
Sur la liquidation du préjudice, elle demande à la cour de confirmer la décision sauf sur les postes liés aux souffrances endurées et au préjudice d'agrément.
Elle sollicite de la cour qu'elle fixe en conséquence son préjudice comme suit :
- Déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 457,60 euros
- Déficit fonctionnel permanent 2% : 1.600 euros
- Souffrances endurées avant consolidation 2/7 : 3.000 euros
- Assistance tierce personne : 354,00 euros
- Préjudice d'agrément : 3.000 euros
- Frais divers : 700 euros
Total: 9.111,60 euros
En conséquence :
- Condamner solidairement la SAS " Marvila ", et son assureur Allianz lARD à réparer les conséquences de sa responsabilité dans l'accident du 2 janvier 2019 de Mme [T] au sein du magasin " INTERMARCHE " et résultant de son défaut de sécurisation de la zone d'achalandage ouverte au public en mettant à leur charge le paiement la somme totale de 9111,60 euros
- Déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CPAM d'[Localité 9] à laquelle elle est immatriculée sous le numéro 2 53 02 15 009 002
- Condamner ensemble la SAS Marvila, enseigne " INTERMARCHE ", et son assureur Allianz lARD à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 Condamner les mêmes aux entiers dépens d'appel, de la présente instance et de celle de référé ainsi qu'aux frais d'expertise qui ont été taxés à 4.336,76 euros.
Elle soutient que l'état du sol avait un caractère anormal et fait valoir que son époux ainsi que le médecin lui ayant porté secours attestent que le sol était souillé, anormalement humide. Elle précise qu'aucun panneau n'indiquait que le sol était glissant, comme l'installerait un personnel d'entretien, que la surface était anormalement sale et non récemment lavée.
S'agissant de son préjudice d'agrément, elle affirme être dans l'impossibilité d'effectuer les marches qu'elle avait l'habitude de faire avec ses amis.
La CPAM n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée à personne le 28 mars 2022. Le présent arrêt est donc réputé contradictoire.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la société Marvila
Il résulte de l'
article 1242 du code civil🏛 que l'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde.
L'application de ce texte suppose rapportée par la victime, la preuve que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage. Une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage si la preuve n'est pas rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état.
Pour justifier du rôle causal du sol du magasin, Mme [T] produit les attestations de son époux et d'un médecin, qui n'a pas directement assisté à sa chute, mais qui est venu lui porter secours sur les lieux de sa chute.
M [T] déclare qu'il a vu que son épouse est tombée sur une petite flaque d'eau sale et qu'il lui paraît évident qu'elle a glissé sur cette flaque.
Le médecin a rédigé deux écrits. Dans le premier, du 24 janvier 2019, il indique avoir remarqué qu'une partie du sol était souillée. Le second, daté du 25 janvier 2019, fait état d'une chute sur un sol plus ou moins souillé.
L'attestation émanant du mari de Mme [T] ne peut être écartée purement et simplement sur la seule considération du lien qui unit son auteur à la victime. En outre, elle est corroborée par les deux écrits du médecin qui, pour ne pas avoir assisté directement à la chute de Mme [T], est intervenu immédiatement après la chute de celle-ci pour lui porter secours et peut donc valablement attester de l'état du sol sur lequel celle-ci a chuté.
Ces témoignages établissent de manière suffisante que le sol du commerce se trouvait en mauvais état au lieu de la chute de Mme [T] et qu'il a ainsi été l'instrument du dommage. La responsabilité de la société Marvila se trouve donc engagée.
Sur le préjudice de Mme [T]
A la suite de sa chute le 2 janvier 2019, Mme [T] a présenté une entorse de la cheville droite et une contusion du poignet droit.
La société Marvila offre de verser à Mme [T] les sommes que celle-ci réclame pour tous les postes de préjudice à l'exception du préjudice d'agrément et des souffrances endurées. La société Allianz IARD ne conteste pas sa garantie et n'émet pas, quant au quantum des sommes réclamées par Mme [T], d'autres objections que celles exprimées par son assuré.
Dans ces conditions, il convient de condamner in solidum la société Marvila et la société Allianz IARD à payer à Mme [Aa] les sommes suivantes :
- Déficit fonctionnel temporaire : 457.60 euros
- Déficit fonctionnel permanent (2%) : 1 600 euros,
- Assistance tierce personne : 354 euros,
- Frais divers : 700 euros.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Les souffrances endurées par Mme [T] avant consolidation sont cotées 2/7 l'expert judiciaire. Celui-ci estime qu'en l'absence d'intervention chirurgicale et compte tenu de la nature des lésions et notamment de l'absence de lésion osseuse, la douleur induite était aisément maîtrisable avec un traitement médical adapté. Le préjudice résultant pour Mme [T] des souffrances ainsi décrites sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.
Mme [T] invoque un préjudice d'agrément et produit plusieurs attestations de tiers qui font état de ses difficultés à faire des marches en raison de douleurs au pied. Il est ainsi suffisamment justifié de ce qu'elle subit un préjudice d'agrément, qui sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 dont il a fait une équitable application. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Les sociétés Marvila et Allianz IARD succombent en leur appel. Elles sont donc tenues aux dépens de cette instance et ne peuvent prétendre au paiement d'une indemnité pour leurs frais irrépétibles.
Il est équitable d'allouer à Mme [T] la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
Le présent arrêt est commun et donc opposable à la CPAM d'[Localité 9], sans qu'il soit nécessaire de le déclarer ainsi que Mme [T] le demande, puisque celle-ci est partie à la présente instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 7 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Troyes en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum la SAS Marvila et la SA Allianz IARD à payer à Mme [Ab] [T] la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la SAS Marvila et la SA Allianz IARD de leur demande fondée sur l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties ;
Condamne in solidum la SAS Marvila et la SA Allianz IARD aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE