CAA Toulouse, 1ère, 09-02-2023, n° 20TL03803
A38599CW
Référence
Mots-clés : réclamation contentieuse • contribuable • courrier électronique • vérification de comptabilité • service des impôts des entreprises Par trois arrêts rendus au premier semestre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a apporté d'utiles précisions en matière de réclamation contentieuse préalable prévue par l'article R. 190-1 du Livre des procédures fiscales. Par un arrêt inédit rendu le 9 février 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse est venue trancher un litige relatif à la communication d'une réclamation adressée au service des impôts des entreprises sous la forme d'un courrier électronique.
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière TCB a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1806403 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge de ces cotisations.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2020 sous le n° 20MA03803 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03803 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société TCB présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de rétablir la société TCB au rôle de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, au titre des années 2015 et 2016.
Il soutient que la demande présentée par la société TCB devant le tribunal administratif de Montpellier est irrecevable dès lors que la réclamation de cette société a été faite par l'envoi d'un courrier électronique, alors que cette modalité de transmission n'est pas prévue par le livre des procédures fiscales🏛, et qu'elle n'a pas été revêtue de la signature manuscrite de son auteur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2020, la société TCB, représentée par Me Gleize, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts🏛 et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
1. La société TCB a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016. Par un jugement du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier, écartant la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale, a fait droit à la demande de la société TCB. Le ministre de l'économie, de finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales🏛 : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition () ". L'article R. 197-3 du même livre dispose que : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : () c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours () ". Aux termes de l'article R. 197-4 du même livre : " Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qui l'autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte. / Toutefois, il n'est pas exigé de mandat pour les avocats inscrits au barreau () ".
3. En premier lieu, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une réclamation ne pourrait régulièrement être adressée par courrier électronique au service territorial de la direction générale des finances publiques. Le moyen soulevé en ce sens par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique doit donc être écarté. Au surplus, en l'espèce, le conseil de la société TCB, qui est un avocat inscrit au barreau, a envoyé un courrier électronique à l'adresse de contact du service des impôts des entreprises de Perpignan-Réart. Cet envoi au service territorial de la direction générale des finances publiques mentionnait comme objet : " SCI TCB, réclamation contributions 3 % " et était accompagné d'une pièce jointe dont le contenu était annoncé dans le message : " réclamation contentieuse relative à la contribution de 3 % " pour les années 2015 et 2016. A la suite de ce courriel du 24 juillet 2017, le conseil de la société TCB a immédiatement reçu un courriel de réponse de ce service des impôts des entreprises accusant réception du message et indiquant que la demande était prise en compte. L'administration ne produit aucun élément pour contester l'exactitude de ces pièces, notamment de ce courriel de réponse, qui établissent la réalité de l'envoi de la société TCB et permettent de présumer sa réception par le destinataire.
4. En second lieu, il est constant que l'administration n'a pas invité le contribuable à signer sa réclamation. Par voie de conséquence, la saisine du tribunal administratif de Montpellier a régularisé la réclamation de la société TCB. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales🏛 ne peut donc être accueilli.
5. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à la demande devant le tribunal et tirée de l'absence de réclamation régulière devant le service territorial de la direction générale des finances publiques doit être écartée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016 que la société TCB a acquittées.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société TCB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société TCB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société civile immobilière TCB.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.
Le président- rapporteur,
A. AL'assesseur le plus ancien,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL03803
Société immobilière Courrier électronique Finances publiques Lettre recommandée avec accusé de réception Mandat régulier