CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 23583
Centre hospitalier de Beauvais
contre
M. COULOMBEL et Mme DUHAMEL
Lecture du 16 Mars 1984
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 5ème Sous-Section
Vu 1°) sous le n° 23 583 la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 avril 1980 et le mémoire complémentaire enregistré le 7 janvier 1981, présentés pour le Centre hospitalier de Beauvais, 15 rue Gambetta à Beauvais (Oise) représenté par son directeur an exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
- annule le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 février 1980 en tant qu'il a déclaré ledit centre hospitalier entièrement responsable des préjudices subis par la jeune Blandine Coulombel à la suite de l'accident survenu le 26 janvier 1975 et des soins et traitements consécutifs audit accident;
- rejette la demande présentée par M. Coulombel et Mme Duhamel devant le tribunal administratif d'Amiens, subsidiairement limite la responsabilité de l'établissement aux seules conséquences du traitement et des soins qui y ont été dispensés;
2°) sous le n° 40 325 la requête sommaire enregistrée comme ci-dessus le 19 février 1982, et le mémoire complémentaire enregistré le 18 juin 1982, présentés pour le centre hospitalier de Beauvais, et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
- annule le jugement du 22 décembre 1981 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser les sommes de 196 000 F à M. Coulombel et Mme Duhamel, 131 437,37 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, et 8 595 F à la Mutuelle générale de l'éducation nationale, subsidiairement réforme ledit jugement;
Vu le code de la sécurité sociale;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que les requêtes susvisées du centre hospitalier de Beauvais sont dirigées contre deux jugements du tribunal administratif d'Amiens relatifs à la réparation des dommages subis par la jeune Blandine Coulombel à la suite de son hospitalisation dans ce centre; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision;
Considérant que la jeune Blandine Coulombel, victime d'un accident de la circulation le 26 janvier 1975 et atteinte d'une fracture du fémur gauche, a été transportée au centre hospitalier de Beauvais où a été pratiquée, après radiographie, une mise en extension au zénith avec immobilisation par bandes collées; qu'en présence de la manifestation d'une ischémie du membre ainsi immobilisé, elle a du être transférée d'urgence le 29 janvier 1975 à l'hôpital d'Amiens où elle a subi une artériographie, une ostéosynthèse du fémur et une greffe veineuse; qu'après une intervention sur le tendon d'Achille en juin 1975 ont du être pratiquées en janvier et avril 1977 une nouvelle artériograpnie et une nouvelle greffe veineuse;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise établis au cours de la procédure judiciaire engagée sur la plainte des parents de la victime, que, qu'elle qu'ait été l'origine de l'ischémie apparue sur le membre blessé, le développement et l'évolution de celle-ci ont été dus au fait que le personnel médical et infirmier n'a pas prêté l'attention qu'ils méritaient aux symptômes manifestés et aux avertissements de la mère de l'enfant sur l'état de ce dernier; que ce fait, qui a été constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier, a compromis les chances qu'avait la jeune Blandine Coulombel d'éviter les interventions dont elle a du faire l'objet et les séquelles de l'ischémie survenue, séquelles qui déterminent une incapacité permanente partielle évaluée à 25 %; que le préjudice afférent à ces interventions et à cette incapacité est ainsi la conséquence directe de la faute ci-dessus mentionnée; que, dès lors, le centre hospitalier de Beauvais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 février 1980, le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable des conséquences dommageables des soins subis par Blandine Coulombel dans ledit établissement en raison de la fracture du fémur gauche dont, par ailleurs, cette dernière était atteinte;
Considérant qu'en allouant, par le jugement du 22 décembre 1981, à M. Coulombel et à Mme Duhamel pour le compte de leur fille la somme totale de 125 000 F en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence afférents à la période d'incapacité temporaire totale ainsi qu'à l'incapacité permanente partielle dont la jeune Blandine Coulombel reste atteinte, la somme de 30 000 F au titre des souffrances subies, la somme de 40 000 F au titre du préjudice esthétique, et aux parents la somme de 1 000 F à titre de remboursement des frais par eux exposés, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas fait une appréciation exagérée des chefs de préjudices liés à l'aggravation de l'état de Blandine Coulombel par rapport aux conséquences normales et prévisibles de l'accident survenu le 26 janvier 1975;
Considérant que la caisse primaire de sécurité sociale de Beauvais est fondée à demander en appel la condamnation du centre hospitalier de Beauvais à lui rembourser, en sus de la somme de 131 437,37 F que le centre hospitalier a été condamné à lui allouer par le jugement attaqué du 22 décembre 1981, celle de 34 873,97 F représentant le montant des prestations servies par elle postérieurement audit jugement, ladite somme de 34 873,97 F devant porter intérêts du 12 octobre 1982 à concurrence de 15 071,46 F du 26 mai 1983 à concurrence de 5 552,50 F et du 2 février 1984 à concurrence de 14 250,01 F;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais est en outre fondée à demander le remboursement des sommes qu'elle sera amenée à débourser, au fur et à mesure de ces débours, pour la réparation et le renouvellement des semelles et chaussures orthopédiques, dans la limite de capitaux représentatifs dont le montant non contesté s'élève respectivement à 2 519,44 F et 72 937,79 F.
DECIDE
Article 1er - La somme que le centre hospitalier de Beauvais a été condamné à payer à la caisse primaire d'asurance maladie de Beauvais par le jugement attaqué du tribunal administratif d'Amiens du 22 décembre 1981 est portée de 131 437,37 F à 166 311,34 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à concurrence de 15 071,46 F à compter du 12 octobre 1982 à concurrence de 5 552,50 F à compter du 26 mai 1983, et à concurrence de 14 250,01 F à compter du 2 février 1984.
Article 2 - Le centre hospitalier de Beauvais remboursera à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais les sommes qu'elle sera amenée à débourser, au fur et A mesure de ces débours, pour la réparation et le renouvellement des semelles et chaussures orthopédiques, dans la limite de capitaux représentatifs de 2 519,44 F et 72 937,79 F.
Article 3 - Le jugement du tribunal aministratif d'amiens du 22 décembre 1981 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 - Les requêtes du centre hospitalier de Beauvais sont rejetées.