Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 29-12-2000, n° 198359

(Type a title for your page here) CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux

N° 198359

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

SOCIETE SEVEL S.P.A.

Mme Guilhemsans, Rapporteur
M. Courtial, commissaire du gouvernement

Séance du 29 novembre 2000
Lecture du 29 décembre 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux. 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section
de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE SEVEL S.P.A- dont le siège est Zona Industriale, Strada Statale, 154, 66041 Atessa-Chieti (Italie) ; la SOCIETE SEVEL S.P.A. demande que le Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé les articles 1 et 2 du jugement du 31 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris avait condamné l'Etat à payer à la société requérante des intérêts moratoires afférents au remboursement. à hauteur de 844 440 F, de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en France par cette société, les intérêts des intérêts et la somme de 2 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;

Après avoir entendu en audience publique :

  1. le rapport de Mme Guilhemsans. Maître des Requêtes,
  2. les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SOCIETE SEVEL S.P.A.,
  3. les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE SEVEL S.P.A. a présenté le 24 mai 1991, en application des dispositions des articles 242-0-M à 242-0-T de l'annexe II au code général des impôts relatives au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis hors de France, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1990 s'élevant à la somme de 844 440 F ; qu'elle a produit à l'appui de cette demande un mandat rédigé en italien habilitant la société Fiat S.P.A. à agir en son nom ; que l'administration a demandé, le 9 juillet 1991, la régularisation de cette demande par la production d'une traduction certifiée en français du mandat rédigé en italien ; qu'à défaut de décision intervenue dans le délai de six mois imparti au service par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, la SOCIETE SEVEL S.P.A. a saisi le tribunal administratif de Paris le 25 novembre 1991 ; que, par une décision du 26 novembre 1991, l'administration a rejeté la demande de remboursement au motif du défaut de production d'un mandat régulier; qu'ultérieurement, l'administration a accordé le remboursement de la somme de 844 440 F le 6 avril 1993, après que la SOCIETE SEVEL S.P.A. eut produit le 20 février 1993 un mandat rédigé en langue française ; que la SOCIETE SEVEL S.P.A. se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'article premier du jugement du tribunal administratif de Paris du 31 juillet 1996 qui avait condamné l'Etat à lui verser, en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des intérêts moratoires calculés sur la somme de 844 440 F ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales

"Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés.. :' ; qu'aux termes de l'article 242-0-Q de l'annexe II au code général des impôts : "Le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. La demande est établie sur un imprimé du modèle prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux de factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives..." ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, présentée le 24 mai 1991 par la SOCIETE SEVEL S.P.A., était accompagnée d'un mandat habilitant la société Fiat S.P.A. à agir en son nom ; que la traduction certifiée de ce document rédigé en italien, demandée par l'administration le 9 juillet 1991, n'a été produite par la SOCIETE SEVEL S.P.A. que le 20 février 1993, après le rejet par l'administration de la demande de remboursement ; qu'en jugeant que la demande de remboursement était irrecevable en l'absence d'un mandat régulier et que la production d'un mandat traduit en langue française, après la décision de rejet de l'administration, n'a pu avoir pour effet de la régulariser à compter de sa date d'introduction, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt d'une insuffisance de motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE SEVEL S.P.A. soutient que l'article 242-0-Q de l'annexe II au code général des impôts et l'article 7-4 de la huitième directive taxe sur la valeur ajoutée n'exigent pas, à peine d'irrecevabilité, que la demande de remboursement soit complète ; qu'il résulte toutefois de l'arrêt que la Cour s'est fondée non sur les exigences posées par ces textes quant au caractère complet de la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, mais sur la règle selon laquelle la réclamation introduite pour autrui en vertu d'un mandat rédigé dans une langue étrangère n'est pas recevable en l'état et ne peut être regardée comme régulièrement introduite à la date où elle a été présentée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L.208 du livre des procédures fiscales précité, à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés. même lorsque les dégrèvements sont accordés au cours d'une instance contentieuse ; que par ailleurs, l'administration n'est pas davantage tenue de verser des intérêts moratoires lorsqu'elle prononce des dégrèvements dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur une réclamation ; que, dès lors. en jugeant que le remboursement du crédit de la taxe sur la valeur ajoutée intervenu le 6 avril 1993. alors que la demande de remboursement ne pouvait être regardée comme régulièrement introduite qu'à compter du 20 février 1993. présentait le caractère d'un dégrèvement d'office qui n'est pas de nature à ouvrir droit au paiement d'intérêts moratoires, la Cour n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motifs ;

Considérant, en dernier lieu, que la requérante soutient que la Cour a entaché son arrêt d'irrégularité en omettant, après avoir censuré les motifs du jugement du tribunal administratif de Paris. d'examiner le moyen quelle avait soulevé devant ce tribunal tiré de ce que les intérêts moratoires étaient dus sur le fondement de l'article 1153 du code civil ; que toutefois, la Cour, en s'abstenant de répondre à ce moyen qui. fondé sur un texte inapplicable, avait un caractère inopérant, n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SEVEL S.P.A. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 juillet 1998 ;

Sur les conclusions de la SOCIETE SEVEL S.P.A. tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE SEVEL S.P.A. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SOCIETE SEVEL S.P.A. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SEVEL S.P.A. et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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