Jurisprudence : CE Avis, 30-04-1997, n° 185322

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 185322

Mme MARCHAL

Lecture du 30 Avril 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


(Section du contentieux, 3ème et 5ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 3ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu, enregistré le 5 février 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement en date du 24 janvier 1997 par lequel le tribunal administratif de Versailles, avant de statuer sur la demande de Mme Monique MARCHAL, demeurant 11, rue de l'Echaudey à Moret-sur-Loing (77250), tendant à ce que le tribunal administratif liquide l'astreinte qu'il a prononcée par un jugement du 22 mai 1995 à l'encontre de la commune de Moret-sur-Loing aux fins d'assurer l'exécution de ce même jugement, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) Le tribunal administratif est-il compétent pour procéder à la liquidation de l'astreinte qu'il a prononcée aux fins d'assurer l'exécution de l'un de ses jugements, lorsque ce jugement est frappé d'appel ? 2°) La demande tendant à ce que le tribunal administratif procède à la liquidation de l'astreinte qu'il a prononcée est-elle une "requête" au sens des dispositions de l'article 44-I de la loi du 30 décembre 1993 portant loi de finances pour 1994, qui soumettent à un droit de timbre de 100 F toute requête enregistrée auprès des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le décret n° 95-831 du 3 juillet 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et notamment ses articles L. 8-2 à L. 8-4 et R. 222 à R. 222-5 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Gervasoni, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Monique MARCHAL, - les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ; REND L'AVIS SUIVANT : 1°) L'article 62 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a complété le titre II du livre II du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par un chapitre VIII intitulé "L'exécution du jugement" qui comprend les articles L. 8-2, L. 8-3 et L. 8-4. Ces articles modifient les compétences des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de deux manières. D'une part, les articles L. 8-2 et L. 8-3 ouvrent aux tribunaux et aux cours, lorsqu'ils statuent sur les recours pour excès de pouvoir ou de plein contentieux qui leur sont soumis et lorsqu'ils sont saisis de conclusions en ce sens, la possibilité d'enjoindre à l'administration de prendre les mesures d'exécution qu'implique nécessairement l'exécution du jugement ou de l'arrêt qu'ils rendent et, dans le même jugement ou arrêt, d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte. L'article L. 8-4, d'autre part, transfère aux tribunaux et aux cours le pouvoir, jusqu'alors réservé au Conseil d'Etat, de prononcer des astreintes pour l'exécution de leurs jugements ou arrêts devenus définitifs. A cet effet, il dispose que : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution./ En cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel". Il résulte des dispositions ainsi analysées, éclairées par les travaux préparatoiresde la loi du 8 février 1995 et précisées par le décret du 3 juillet 1995 pris pour leur application, que le législateur, en prévoyant que les demandes d'exécution de jugements frappés d'appel seraient adressées à la juridiction saisie en appel a entendu viser les seules demandes tendant à l'exécution de jugements n'ayant pas eux-mêmes prononcé une astreinte en application de l'article L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Ne constituent donc pas des demandes d'exécution, au sens du second alinéa de l'article L. 8-4, les conclusions tendant à ce qu'un tribunal administratif procède à la liquidation de l'astreinte qu'il a, par le même jugement, prononcée conjointement à une injonction. Un tribunal administratif qui, par le même jugement, a fait droit aux conclusions d'excès de pouvoir ou aux prétentions indemnitaires dont il était saisi et a enjoint à l'administration de prendre sous peine d'astreinte les mesures qu'impliquait nécessairement ce jugement est, dès lors, compétent pour statuer sur les conclusions tendant à ce que cette astreinte soit liquidée, alors même que son jugement est frappé d'appel. 2°) En vertu de l'article 44-I de la loi du 30 décembre 1993 susvisée portant loi de finances pour 1994, toute requête enregistrée auprès des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat est soumise à un droit de timbre de 100 F. La demande tendant à ce que le tribunal administratif procède à la liquidation de l'astreinte qu'il a prononcée n'est pas soumise aux règles de recevabilité des requêtes fixées à l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Elle se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d'astreinte dont elle est le prolongement procédural. Elle ne constitue pas un préalable nécessaire à l'opération de liquidation, le juge pouvant procéder d'office à celle-ci s'il constate que les mesures d'exécution qu'il avait prescrites n'ont pas été prises. Une telle demande n'est, dans ces conditions, pas constitutive d'une requête au sens des dispositions précitées de l'article 44-I de la loi du 30 décembre 1993 et n'est, dès lors, pas soumise au droit de timbre. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Versailles, à Mme Monique MARCHAL, à la commune de Moret-sur-Loing et au ministre de l'intérieur. Il sera publié au Journal Officiel de la République française.

Agir sur cette sélection :