Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 21-04-2000, n° 182106

CONSEIL D'ETAT

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera publiée au Recueil LEBON

N° 182106

S.A. CARLTELLE NICOLAS

M. Fabre

Rapporteur

M. Goulard

Commissaire du Gouvernement

Séance du 8 mars 2000

Lecture du 21 avril 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre 1996 et 2 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. CARUELLE NICOLAS, dont le siège est 2, rue de l'industrie, à Saint-Denis-de-l'Hôtel (45550) ; la S.A. CARUELLE NICOLAS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 juin 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 1994 et rejeté la demande qu'elle avait présentée devant ce tribunal, aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 1991 par laquelle le directeur régional des impôts &Aquitaine a prononcé le retrait de l'agrément prévu à l'article 44 quater du code général des impôts et précédemment accordé à la SA. Nicolas Pulvérisateurs;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code général des impôts;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique:

  • le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
  • les observations de Me Cossa, avocat de la S.A. CARUELLE NICOLAS,
  • les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel du ministre du budget devant la cour administrative d'appel :

Considérant que la Cour a constaté que l'appel du ministre du budget dont elle était saisie, lui avait été adressé par une télécopie enregistrée à son greffe le 24 novembre 1994, dans le délai imparti pour faire appel ; qu'elle a pu régulièrement en déduire que ce recours était recevable nonobstant la double circonstance que le droit de timbre exigé par l'article 1089 A du code général des impôts n'ait été versé que le 25 novembre 1994 et que l'exemplaire original du recours régularisant celui-ci n'ait été enregistré que le 5 décembre 1994, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel

Au fond:

Considérant que l'article 44 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en cause, prévoit un régime d'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu en faveur des "entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2' et 3' du Il et au III de l'article 44 bis" ; que l'une de ces conditions, mentionnée au 3" du II dudit article, est que "pour les entreprises constituées sous forme de société, les droits de vote attachés aux actions ou aux parts ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement pour plus de 50 % par d'autres sociétés" ; que, cependant, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 44 quater, cette condition n'est pas applicable, sur agrément du ministre de l'économie, des finances et du budget, "aux entreprises créées en 1984, 1985 ou 1986 pour reprendre un établissement industriel en difficulté", c'est-à-dire en vue de la seule reprise d'activité préexistante qui soit admise par le III de l'article 44 bis ; qu'enfin, aux termes du 1 de l'article 1756 du code général des impôts : "Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément..." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la S.A. "Nicolas Pulvérisateurs", aujourd'hui dénommée "Caruelle Nicolas", qui a été créée en 1986 pour la reprise d'un établissement industriel en difficulté sis à Bon-Encontre (Lot-et-Garonne), et dont le capital était principalement détenu par une autre société, a, le 12 novembre 1987, obtenu du directeur régional des impôts d'Aquitaine l'agrément prévu par les dispositions susmentionnées, cet agrément étant, toutefois, subordonné à l'obligation pour la société, pendant la période de son exonération totale, de saisir préalablement l'administration de "toute opération de reprise, totale ou partielle, des activités d'une autre entreprise" ainsi que des "modifications dans la répartition du capital social exposée dans la demande" ; que, par une décision du 12 septembre 1991, le directeur régional des impôts a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1756 du code général des impôts retiré, avec effet du 1er septembre 1987, ledit agrément, au double motif que la société avait "repris, totalement ou partiellement, des activités et modifié son capital social sans saisir préalablement l'administration de ces opérations" ;

Considérant, en premier lieu, que la condition mise par l'administration à l'octroi de l'agrément accordé à la société requérante et qui imposait à celle-ci de saisir préalablement le service des impôts de toute opération de reprise, totale ou partielle, des activités d'une autre entreprise, était destinée à permettre à l'administration de s'assurer que les objectifs en vue desquels était accordée l'exonération temporaire d'impôt, étaient respectés ; qu'ainsi, en jugeant que les dispositions susmentionnées de l'article 44 quater du code général des impôts, autorisaient l'administration à subordonner à une telle condition l'octroi dudit agrément, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, a relevé que la condition tenant à l'information préalable de l'administration de toute opération de reprise des activités d'une autre entreprise n'était pas la seule condition au respect de laquelle était subordonné l'agrément accordé, a pu régulièrement estimer, par une motivation suffisante, que l'inobservation de cette condition constituait un motif déterminant de la décision de retrait dudit agrément de sorte que ce motif était de nature, à lui seul, à fonder la décision de retrait ;

Considérant, enfin, que pour juger que l'administration avait pu régulièrement retirer l'agrément en cause, la Cour a estimé que la société requérante avait effectivement au cours des années 1988 et 1989 réalisé des opérations qui devaient être regardées comme constituant une reprise d'activité au sens de la condition figurant dans la décision d'agrément du 12 novembre 1987 et qu'il était constant qu'elle n'en avait pas préalablement saisi l'administration ; que l'interprétation par le juge du fond des conditions auxquelles l'administration subordonne l'octroi d'un agrément, acte individuel, relève de l'appréciation souveraine de ce juge, sauf au cas où l'administration définit la condition posée par référence à un texte légal ; qu'en l'espèce, l'interprétation donnée par la Cour de la condition dont il s'agit, et l'appréciation qu'elle a portée sur son inobservation, relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation ; que cette interprétation et cette appréciation ne sont pas entachées de dénaturation ; qu'elles ne sont donc pas susceptibles d'être discutées devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête de la S.A. CARUELLE NICOLAS;

DECIDE

Article 1erLa requête de la SA. CARUELLE NICOLAS est rejetée.

Article 2 La présente décision sera notifiée à la SA. CARUELLE NICOLAS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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