CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 16504
M. et Mme PLUNIAN
Lecture du 13 Novembre 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 3ème Sous-section
Vu la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 février 1979 et le mémoire complémentaire enregistré le 29 juin 1979, présentés pour M. et Mme PLUNIAN, demeurant à "Saint Goustan", Auray (Morbihan) et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) annule le jugement en date du 20 décembre 1978 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant: - à l'annulation de l'arrêté du préfet du Morbihan en date du 30 novembre 1973 approuvant le projet d'un lotissement à Plougoumelen en tant qu'il leur impose une participation à la réalisation d'équipements publics, - à ce que les avenants du 15 octobre 1974 et 19 février 1976 à la convention du 3 octobre 1973 fixant le montant de cette participation soient déclarés nuls, - à la condamnation de l'Etat et de la commune de Plougoumelen, ou l'un à défaut de l'autre ou solidairement à leur rembourser une somme totale de 1 332 628,41 F y compris les révisions de prix et agios; ainsi que les intérêts de cette somme; 2°) annule cet arrêté et ces avenants; 3°) condamne l'Etat et la commune de Plougoumelen ou l'un à défaut de l'autre ou solidairement à leur rembourser la somme de 1 332 628,41 F;
Vu le code de l'urbanisme;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII;
Vu la loi du 30 décembre 1967 modifiée par la loi du 16 juillet 1971;
Vu le décret du 11 janvier 1965;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que, par convention du 3 octobre 1973, M. PLUNIAN s'est engagé à verser à la commune de Plougoumélen une somme de 750 000 F, à titre de participation aux dépenses supportées par la commune pour la réalisation d'ouvrages d'accès à un lotissement que M. PLUNIAN se proposait de créer; que, par arrêté du 30 novembre 1973, le préfet du Morbihan a approuvé ce projet de lotissement et prévu que M. PLUNIAN participerait à la réalisation d'équipements publics dans les conditions fixées par la convention du 3 octobre 1973; que, par avenants des 15 octobre 1974 et 19 février 1976 le montant de la participation a été porté à 850 000 F, puis à 1 000 412 F; que M. let Mme Plunian/ ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 novembre 1973, en tant qu'il impose à M. PLUNIAN une participation à la réalisation d'équipements publics, de déclarer nuls les avenants du 15 octobre 1974 et 19 février 1976, d'ordonner le remboursement de la somme de 1 000 412 F, augementée d'agios s'élevant à 332 216,41 F et de condamner l'Etat ou la commune au paiement d'une indemnité de 60 000 F en réparation d'un dommage de travaux publics; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté comme tardives les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 novembre 1973, s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions relatives à la validité ou à l'exécution de la convention et de ses avenants et a rejeté, comme irrecevables, faute de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, les conclusions à fin d'indemnité fondées sur l'illégalité de l'arrêté du 30 novembre 1973 ou sur un dommage de travaux publics;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 1973, en tant qu'il impose à M. PLUNIAN une participation à la réalisation d'équipements publics:
Considérant que l'article 1er, 1er alinéa, du décret du 11 janvier 1965 dispose que "sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée"; qu'il résulte de cette disposition que le délai de deux mois qu'elle fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même si ces demandes sont dirigées contre une décision administrative notifiée au demandeur; que constituent de telles demandes celles qui sont dirigées contre les actes tendant à percevoir tout ou partie des sommes nécessaires au financement de travaux publics, lorsque ces demandes ne sont pas régies par des dispositions spéciales;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la participation prévue à la charge de M. PLUNIAN par l'arrêté attaqué était destinée à financer la construction de voies publiques par la commune de Plougoumélen; qu'ainsi les conclusions de la demande de M. et Mme PLUNIAN tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 1973, en tant qu'il leur impose cette participation, soulève un litige en matière de travaux publics dont la juridiction administrative peut être saisie sans qu'ait à être respecté le délai fixé par les dispositions précitées du décret du 11 janvier 1965; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté ces conditions comme tardives et, par suite, irrecevables;
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement au fond sur ces conclusions;
Considérant d'une part que si le IV de l'article 64 de la loi du 30 décembre 1967, modifié par la loi du 16 juillet 1971 permet au Préfet de fixer par arrêté les conditions dans lesquelles les constructeurs exemptés de la taxe locale d'équipement en application de cet article, participent aux dépenses d'équipement public, ce texte n'autorisait pas l'administration a obtenir de M. PLUNIAN, qui avait la qualité de lotisseur et non de constructeur, une participation à de telles dépenses;
Considérant d'autre part qu'il résulte des dispositions du I de l'article 72 de la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 modifié par la loi du 16 juillet 1971 et reprises à l'article L 332-6 du code de l'urbanisme, que dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement, aucune contribution aux dépenses d'équipement public ne peut être obtenue des constructeurs ou des lotisseurs en dehors de cas limitativement énumérés et que les contributions qui seraient accordées en violation de ces dispositions seraient réputées sans cause et les sommes versées sujettes à répétition;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme PLUNIAN sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 1973, en tant que, par cet arrêté, le préfet a obtenu de M. PLUNIAN une participation à la réalisation d'équipements publics alors même que cette participation avait déjà été prévue par la convention du 3 octobre 1973;
Sur les conclusions tendant à ce que les avenants des 15 octobre 1974 et 19 février 1976 soient déclarés nuls:
Considérant que la convention du 3 octobre 1973 et ses avenants par lesquels M. PLUNIAN s'est engagé à apporter une contribution financière pour l'exécution de travaux publics sont des contrats administratifs, dont le Contentieux relève de la compétence des tribunaux administratifs en application de la loi du 28 pluviôse an VIII; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué, en tant qu'il rejette comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions de M. et Mme PLUNIAN tendant à ce que les avenants des 15 octobre 1974 et 19 février 1976 soient déclarés nuls;
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement au fond;
Considérant que l'annulation des dispositions de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 1973 imposant à M. PLUNIAN de participer à la réalisation d'équipements publics dans les conditions énoncées par la convention du 3 octobre 1973, entraîne, par voie de conséquence la nullité des avenants des 15 octobre 1974 et 19 février 1976 qui ont augmenté le montant de cette participation;
Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes payées pay M. et Mme PLUNIAN à titre de participation à la réalisation d'équipements publics et à titre d'agios:
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la convention du 3 octobre et ses avenants sont des contrats administratifs; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions susanalysées, en tant qu'elles se fondent sur la nullité de ces contrats;
Considérant, d'autre part, que ces mêmes conclusions, en tant qu'elles se fondent sur l'illégalité de l'arrêté du 30 novembre 1973, étaient assorties, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif les a rejetées comme irrecevables;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme PLUNIAN tendant au remboursement des sommes payées par eux à titre de participation aux dépenses d'équipements publics, ainsi que des agios y afférents;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions;
Considérant qu'en vertu de l'article 72 précité, de la loi du 30 décembre 1967, les contributions accordées en violation des dispositions de ces articles sont réputées sans cause et les sommes versées sont sujettes à répétition; que dès lors, M. et Mme PLUNIAN sont fondés à demander que la commune de Plougoumélen soit condamnée à leur rembourser la somme de 1 000 412 F qu'ils lui ont versée en exécution de l'arrêté préfectoral du 30 octobre 1973 et de la convention du 3 novembre 1973 et de ses avenants;
Considérant, et revanche, que M. et Mme PLUNIAN ne sauraient obtenir ni de la commune, ni de l'Etat le remboursement d'agios qu'ils prétendent avoir supportés, mais dont ils n'apportent aucune justification;
Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité de 60 000 F en réparation de dommages de travaux publics:
Considérant que M. et Mme PLUNIAN se sont désistés purement et simplement de ces conclusions, avant l'intervention du jugement attaqué, qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ces concluions comme irrecevables, et de donner acte de ce désistement;
Sur les intérêts:
Considérant que M. et Mme PLUNIAN ont droit aux intérêts de la somme de 1 000 412 F à compter du 3 octobre 1977, date d'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif.
DECIDE
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Rennes, en date du 6 décembre 1978 est annulé.
Article 2 - L'arrêté du préfet du Morbihan, en date du 30 novembre 1973, est annulé en tant qu'il impose à M. PLUNIAN une participation à la réalisation d'équipements publics.
Article 3 - Les avenants, en date des 15 octobre 1974 et 19 février 1976, à la convention du 30 octobre 1973 sont déclarés nuls.
Article 4 - La commune de Plougoumélen est condamnée à payer à M. et Mme PLUNIAN une somme de 1 000 412 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1977.
Article 5 - Il est donné acte du désistement des conclusions de M. et Mme PLUNIAN tendant à l'octroi d'une indemnité de 60 000 F.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme PLUNIAN et de leur demande devant le tribunal administratif de Rennes est rejeté.