CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 140299
Mme DELPIRE
Lecture du 14 Février 1996
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août 1992 et 13 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marielle DELPIRE, dite Sarah MOON, demeurant 19, avenue du Général Leclerc, à Paris (75014) ; Mme DELPIRE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 16 juin 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 19 décembre 1990 du tribunal administratif de Paris qui l'avait déchargée de la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie au titre des années 1982 à 1987 et 1989, d'autre part, remis à sa charge ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 et la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes, - les observations de Me Odent, avocat de Mme DELPIRE, dite Sarah MOON, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a fait droit au recours dont elle avait été saisie par le ministre du budget sans se prononcer sur le moyen que celui-ci avait invoqué, pour la première fois, dans un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 25 mai 1992 ; que, dans ces conditions, l'absence de communication de ce mémoire à Mme DELPIRE n'a pu entacher d'irrégularité l'arrêt attaqué ;
Sur le moyen tiré de la violation du 3° de l'article 1460 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de cet article : "Sont exonérés de la taxe professionnelle : ... 2°) Les peintres, sculpteurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art ; 3°) Les auteurs et compositeurs..." ; qu'il résulte tant de la rédaction même que de l'origine de ce texte, issu de l'article 29-2° de l'ordonnance n°45-2522 du 19 octobre 1945, tel que modifié par l'article 1er du décret n° 55-468 du 30 avril 1955, relatif à la contribution des patentes, et maintenu en vigueur, lors de la substitution à cet impôt de la taxe professionnelle, par l'article 2-II de la loi du 29 juillet 1975, que les "auteurs" qu'il vise en son 3° s'entendent des seuls auteurs d'oeuvres écrites, et non des auteurs de l'ensemble des "oeuvres de l'esprit" définies par l'article 3 de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, modifié par la loi du 3 juillet 1985 ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris a pu juger, sans erreur de droit, que Mme DELPIRE, dite Sarah MOON, ne pouvait, comme auteur d'oeuvres photographiques, bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue par le 3° de l'article 1460 ;
Sur le moyen tiré de la violation du 1° de l'article1452 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1452 du code général des impôts : "Sont exonérés de la taxe professionnelle : 1°) Les ouvriers qui travaillent, soit à façon pour les particuliers, soit pour leur compte et avec des matières leur appartenant, qu'ils aient ou non une enseigne ou une boutique, lorsqu'ils n'utilisent que le concours d'un ou plusieurs apprentis âgés de vingt ans au début de l'apprentissage et munis d'un certificat d'apprentissage passé dans les conditions prévues par les articles L.117-1 à L.117-18 du code du travail ; l'artisan ou le façonnier dont le fils, travaillant avec lui, accomplit son service militaire peut, pendant la durée de ce service, utiliser le concours d'un compagnon, sans perdre le bénéfice des dispositions du présent paragraphe..." ;
Considérant qu'en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que les collaborateurs dont Mme DELPIRE s'était adjoint le concours, pendant les années d'imposition en cause, eussent appartenu aux catégories définies par les dispositions précitées, et qu'ainsi, entout état de cause, l'intéressée n'était pas fondée à revendiquer le bénéfice de ces dernières, la cour administrative d'appel a porté sur les faits ressortant des pièces du dossier qui lui était soumis, une appréciation souveraine, qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme DELPIRE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme DELPIRE la somme réclamée par elle au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme DELPIRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Marielle DELPIRE et au ministre de l'économie et des finances.