CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 136705
Mme CHIARAZZO
Lecture du 01 Decembre 1993
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée le 23 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme CHIARAZZO, demeurant chemin des Besquens, Villa la Cantarelle à Ensues-La-Redonne (13820) ; Mme CHIARAZZO demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 21 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal d'Ensues-la-Redonne en date du 28 septembre 1988 instituant un droit de préemption urbain ; 2°) annule pour excès de pouvoir ladite délibération ; 3°) condamne la commune à lui payer 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.211-1 du code de l'urbanisme : "Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation futures délimitées par ce plan" ;
Considérant que, par jugement en date du 27 mars 1984, confirmé par décision en date du 18 novembre 1988 du Conseil d'Etat statuant au Contentieux, l'acte rendant public le plan d'occupation des sols de la commune d'Ensues-la-Redonne a été annulé ; que cette annulation rend, par voie de conséquence, illégal l'acte portant approbation de ce plan ;
Considérant que Mme CHIARAZZO est dès lors fondée à soutenir que la délibération qu'elle attaque, portant institution d'un droit de préemption urbain sur les zones urbaines délimitées par le plan d'occupation des sols a été prise en application d'un acte illégal et à en demander pour ce motif l'annulation, alors même que la décision portant approbation de ce plan est devenue définitive ; qu'elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que, le décret du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991, les conclusions de Mme CHIARAZZO et de la commune d'Ensues-La-Redonne invoquant les dispositions du premier de ces décrets doivent être regardées comme tendant à l'application des prescriptions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'aux termes de ces dernières : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que Mme CHIARAZZO, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune d'Ensues-la-Redonne une somme au titre des frais exposés par elle ; Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune d'Ensues-la-Redonne à payer à Mme CHIARAZZO la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 21 février 1992 du tribunal administratif de Marseille, ensemble la délibération du conseil municipal d'Ensues-la-Redonne en date du 28 septembre 1988 instituant un droit de préemption urbain, sont annulés.
Article 2 : La commune d'Ensues-la-Redonne est condamnée à payer à Mme CHIARAZZO une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme CHIARAZZO, à la commune d'Ensues-la-Redonne et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.