CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1252 FS-B
Pourvoi n° N 21-10.744
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022
1°/ la société Leader Menton, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Suand, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° N 21-10.744 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Heir invest, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Sarjel immo,
2°/ au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic le Cabinet Clarus, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés Leader Menton et Suand, de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, et l'avis de M. Ab, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Ac, Ad, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Ab, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020) le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias (le syndicat des copropriétaires) a assigné devant un juge de l'exécution les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo, désormais dénommée Heir invest, qui avaient été condamnées sous astreinte à effectuer des travaux de remise en état, en liquidation de l'astreinte.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Les sociétés Leader Menton et Suand (les sociétés) font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 », quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les
articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile🏛🏛🏛. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'
article 783, devenu 802, du code de procédure civile🏛, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Aux termes de l'
article 748-1 du même code🏛, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication. Selon l'
article 748-3 du même code🏛, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci. Selon l'
article 930-1 du même code🏛, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA).
6. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9,10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a fait ressortir que ces conclusions avaient été déposées après l'ordonnance de clôture, a statué comme elle l'a fait.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « qu'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 783 du code de procédure civile🏛, et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'
article 783, devenu 802, du code de procédure civile🏛, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
10. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n'a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue.
11. Toutefois, le juge n'est pas tenu de vérifier d'office que les parties ont été avisées de la date de l'ordonnance de clôture. Il appartient à la partie qui, ayant remis ses conclusions après l'ordonnance de clôture, soutient ne pas avoir été préalablement avisée de la date de son prononcé, d'en solliciter la révocation.
12. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9,10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'avait pas été sollicitée, avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, la cour d'appel en a exactement déduit que ces conclusions et pièces étaient irrecevables.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Leader Menton et Suand aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par les sociétés Leader Menton et Suand et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, représenté par son syndic, le Cabinet Clarus, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Leader Menton et Suand
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Ae Af à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et d'avoir fixé une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial ;
1/ ALORS QUE les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3), quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les
articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile🏛🏛🏛 ;
2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3) sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 783 du code de procédure civile🏛, et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Ae Af à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017 ;
1/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; qu'en retenant pourtant, en se référant aux décisions rendues les 8 janvier 2009 et 9 décembre 2009, que les sociétés Leader Menton et Suand ne seraient pas fondées à se prévaloir du caractère indéterminé de l'obligation assortie d'astreinte, quand ces décisions n'étaient pas celles qui avaient fixé l'astreinte dont la liquidation était demandée, l'arrêt du 4 septembre 2015 ne fixant en revanche pas l'obligation à exécuter, la cour d'appel a violé les
articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛🏛 ;
2/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; que le juge de l'exécution a pourtant retenu que les exposantes « ne peuvent faire valoir l'existence d'une obligation indéterminée, compte tenu de l'absence de complexité de l'obligation qui leur est imposée, aucune des parties n'ayant d'ailleurs entendu déposer une quelconque requête en interprétation » (jugement, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il n'y avait pas lieu à interpréter la décision du 4 septembre 2015 laquelle ne précisait pas l'obligation assortie de l'astreinte, la cour d'appel, à supposer ce motif adopté, a violé les
articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛🏛.