Jurisprudence : Cass. soc., 07-12-2022, n° 21-16.996, F-B, Cassation

Cass. soc., 07-12-2022, n° 21-16.996, F-B, Cassation

A85238XX

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO01325

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046727214

Référence

Cass. soc., 07-12-2022, n° 21-16.996, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90453913-cass-soc-07122022-n-2116996-fb-cassation
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Abstract

Selon l'article L. 2315-86, alinéa 1, 3°, du code du travail, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'État de la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise. Aux termes de l'article R. 2315-49 du code du travail, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours. Doit être en conséquence censuré le jugement qui, pour déclarer irrecevable comme tardif le recours en contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, retient que plus de dix jours se sont écoulés entre une première notification par l'expert de ce coût prévisionnel, de cette étendue et cette durée et la saisine du juge, alors qu'il constate que l'expert avait notifié à l'employeur un nouveau coût prévisionnel, de sorte que la saisine du tribunal dans le délai de dix jours courant à compter de cette seconde notification était recevable


SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022


Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 1325 F-B

Pourvoi n° G 21-16.996


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022


La société Compagnie armoricaine de transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], prise en ses établissements d'Ile-et-Vilaine situés [Adresse 4] et [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-16.996 contre le jugement rendu, selon procédure accélérée au fond, le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes, dans le litige l'opposant :

1°/ au comité social et économique de l'établissement Transdev CAT 35, dont le siège est [Adresse 4], et [Adresse 3],

2°/ à M. [Aa] [B], domicilié [… …],

3°/ à M. [A] [H], domicilié [… …],

4°/ à Mme [V] [D], … [… …],

5°/ à Mme [Ab] [C], … [… …],

6°/ à M. [T] [E], domicilié [… …],

7°/ à M. [W] [R], domicilié [… …],

8°/ à M. [M] [Ac], domicilié [… …],

9°/ à Mme [Ad] [G], domiciliée [Adresse 7],

10°/ à la société Physiofirm, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Ae et Rebeyrol, avocat de la société Compagnie armoricaine de transports, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du comité social et économique de l'établissement Transdev CAT 35, de la société Physiofirm, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 7 mai 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, par acte du 5 février 2021, la société Compagnie armoricaine de transport (CAT) (la société) a sollicité, à titre principal, l'annulation de la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 13], datée du 7 janvier 2021, décidant du recours à une expertise pour risque grave et, à titre subsidiaire, la réduction du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de cette expertise.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de « rejeter ses demandes comme étant irrecevables », alors « que le point de départ du délai de 10 jours pendant lequel l'employeur peut contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise votée par le comité social et économique court à compter de la notification par l'expert désigné du dernier cahier des charges établi par ses soins ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après avoir transmis une première lettre de mission le 17 janvier 2021, la société Physiofirm avait adressé un cahier des charges rectifié le 26 janvier 2021, dans lequel l'expert réduisait la durée prévisionnelle de son intervention de 39,5 jours à 39 jours et le coût prévisionnel de la somme de 71 100 euros TTC à la somme de 63 180 euros TTC ; qu'en jugeant que l'exposante était forclose et que sa demande visant à contester le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise devait être déclarée irrecevable, motif pris qu'elle n'avait introduit l'instance que par assignation du 5 février [2021], et que le délai de 10 jours avait commencé à courir dès le 17 janvier 2021, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2315-86, alinéa 1, 3°, et R. 2315-49 du code du travail🏛🏛 :

4. Selon le premier de ces textes, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'État de la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise.

5. Aux termes de l'article R. 2315-49 du code du travail🏛, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours.

6. Pour rejeter la contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, le jugement retient que plus de dix jours se sont écoulés entre la notification faite par l'expert du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, le 17 janvier 2021, et la délivrance de l'assignation, le 5 février suivant, et que c'est à tort que la société affirme que le délai de forclusion n'aurait commencé à courir qu'à compter de la notification de la seconde proposition tarifaire de l'expert, allégation non fondée en droit qui se heurte aux dispositions des articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail🏛🏛 en ce qu'aucun cas de prorogation du délai pour agir n'a été envisagé par le pouvoir normatif.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'expert avait notifié à la société un nouveau coût prévisionnel le 26 janvier 2021, en sorte que le délai de contestation de dix jours a couru à compter de cette date et que, la saisine du tribunal ayant eu lieu le 5 février suivant, l'action en contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise était recevable, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Le moyen, pris en sa sixième branche, ne formulant aucune critique contre les motifs du jugement fondant le chef du dispositif déclarant irrecevable la contestation par la société de la validité de l'expertise ordonnée par le comité social et économique de l'établissement de Rennes, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition du jugement.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il « rejette comme étant irrecevable » la contestation par la société Compagnie armoricaine de transport (CAT) de la validité de l'expertise ordonnée par délibération en date du 7 janvier 2021 du comité social et économique de l'établissement de [Localité 13], le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Saint-Malo ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Ae et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie armoricaine de transports

La société CAT FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR rejeté ses demandes comme étant irrecevables ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige, lesquels sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'irrecevabilité des demandes formulées par la société CAT, le Comité Social et Economique se bornait à prétendre que l'assignation avait été délivrée au-delà du délai légal de dix jours pour former les contestations qu'elle élevait ; que la société Physiofirm alléguait quant à elle que l'assignation était nulle en raison de modalités de comparution prétendument erronées et que la signification de l'assignation était elle-même nulle pour ne pas avoir été effectuée dans les formes requises ; qu'aucune des parties ne reprochait à la société CAT de ne pas avoir soulevé son moyen tiré de la fraude dès l'assignation ; que dès lors, en rejetant les demandes de la société CAT comme étant irrecevables, au motif qu'elle n'avait pas fait état de la fraude qu'elle invoquait dès le stade de son assignation, le Tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE le juge doit respecter le contradictoire ; qu'en soulevant d'office le moyen pris de ce que la fraude n'avait pas été invoquée dès l'assignation, le Tribunal a violé l'article 16 du Code de procédure civile🏛.

3°) ALORS QUE s'il incombe au demandeur d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande avant qu'il ne soit statué sur celle-ci, il peut les présenter, dans le cadre de conclusions récapitulatives, même s'il n'en avait pas fait état au stade de son assignation ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions récapitulatives, auxquelles le tribunal a expressément renvoyé « pour plus ample informé de l'exposé des moyens et des prétentions des parties », la société CAT faisait valoir qu'aucune forclusion ne pouvait lui être opposée dans la mesure où la délibération litigieuse du 7 janvier 2021 avait été prise de manière frauduleuse (jugement p. 4) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le moyen tiré de la fraude invoquée par la société CAT au motif que ce moyen n'était pas contenu dans l'assignation, le Tribunal a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil🏛 ;

4°) ALORS QUE la fraude corrompt tout et que les faits et actes consécutifs à une manoeuvre frauduleuse sont dépourvus d'effet ; qu'en affirmant que même à supposer la délibération litigieuse entachée de fraude, l'exposante avait agi tardivement après en avoir pris connaissance, ainsi qu'après avoir reçu la lettre de mission de l'expert, et en lui reprochant d'avoir fait une contre-proposition au cabinet d'expertise plutôt que de saisir immédiatement le tribunal judiciaire, quand le caractère frauduleux de la délibération empêchait qu'un quelconque fait ou acte consécutif à celle-ci puisse faire courir le délai de 10 jours prévu à l'article R. 2315-49 du Code du travail🏛, la Cour d'appel a violé le principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du Code du travail🏛🏛 ;

5°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions récapitulatives, auxquelles le tribunal a expressément renvoyé « pour plus ample informé de l'exposé des moyens et des prétentions des parties », la société CAT faisait valoir qu'elle n'avait pas saisi le Président du Tribunal Judiciaire d'une contestation immédiatement après la réception de la première proposition de mission, du fait que « les justiciables sont encouragés à régler amiablement les litiges qui les opposent et à rechercher en toute circonstance la possibilité de concilier leur différent afin de ne réserver au juge que ce qui n'a pas pu être convenu entre les parties » (conclusions d'appel de l'exposante p. 15 § 1) ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir exposé « pourquoi elle avait « invité le cabinet Physiofirm à (lui) faire une meilleure proposition » (page 15 de son assignation), (…) au lieu d'en saisir sans désemparer le président du tribunal judiciaire », le Tribunal a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛 ;

6°) ALORS en tout état de cause QUE le point de départ du délai de 10 jours pendant lequel l'employeur peut contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise votée par le Comité Social et Economique court à compter de la notification par l'expert désigné du dernier cahier des charges établi par ses soins ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après avoir transmis une première lettre de mission le 17 janvier 2021, la société Physiofirm avait adressé un cahier des charges rectifié le 26 janvier 2021, dans lequel l'expert réduisait la durée prévisionnelle de son intervention de 39,5 jours à 39 jours et le coût prévisionnel de la somme de 71 100 euros TTC à la somme de 63 180 euros TTC ; qu'en jugeant que l'exposante était forclose et que sa demande visant à contester le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise devait être déclarée irrecevable, motif pris qu'elle n'avait introduit l'instance que par assignation du 5 février 2020, et que le délai de 10 jours avait commencé à courir dès le 17 janvier 2021, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail🏛🏛 ;

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