CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 11384
Epoux ROUSSEAU
Lecture du 15 Avril 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 5ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 27 février 1978, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 28 juin et 4 octobre 1978, présentés pour M. François Rousseau et Mme Monique Rousseau, demeurant à Villates-par-Portet-sur-Garonne (Haute-Garonne), agissant pour leur compte, et en qualité de tuteurs légaux de leur fils mineur, Patrice Rousseau, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) annule le jugement du 26 janvier 1978, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Purpan soit condamné à leur verser une indemnité de 750 000 F en réparation du préjudice subi par leur fils Patrice Rousseau; 2°) condamne le centre hospitalier régional de Purpan à leur verser la somme de 750 000 F ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts;
Vu le code de la sécurité sociale;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que le jeune Patrice Rousseau, âgé à l'époque de quatre ans et huit mois, est tombé de son lit le 23 décembre 1973 alors qu'il était hospitalisé dans le secteur de neurologie du service de médecine infantile du centre hospitalier de Purpan où il était soigné pour une encéphalite ourlienne; qu'il est établi par l'instruction que cette chute a provoqué chez l'enfant un hématome extra-dural qui a nécessité une intervention chirurgicale pratiquée le jour même; que, selon l'expert commis par les premiers juges, Patrice Rousseau demeure atteint de séquelles d'hémiplégie, d'un syndrome cérébelleux et de troubles oculaires et que son incapacité permanente partielle peut être évaluée à 65 %;
Sur la responsabilité:
Considérant que la circonstance que le jeune Patrice Rousseau, âgé seulement de quatre ans et huit mois et qui venait de souffrir de graves troubles cérébraux, ait été, à son arrivée dans le secteur de neurologie, placé dans un lit de type ordinnaire sans précautions particulières et non dans un lit-parc alors que le sol était constitué de carrelage révèle un défaut dans l'organisation du service qui revêt, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Purpan; que les époux Rousseau et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont de ce fait fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 26 janvier 1978, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur recours en indemnité et à demander pour ce motif l'annulation dudit jugement;
Sur le préjudice subi par le jeune Patrice Rousseau:
Considérant que si le rapport d'expertise a fixé 65 % le taux de l'incapacité permanente partielle dont demeure atteint l'enfant, l'ensemble des troubles que celui-ci a supportés et supportera ne pourra être apprécié définitivement qu'à sa majorité; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de réserver jusqu'au 24 mars 1987 la fixation de l'indemnité définitive à laquelle il pourra prétendre;
Considérant toutefois qu'il y a lieu, en attendant cette date, d'attribuer au jeune Patrice Rousseau jusqu'au 24 mars 1987, en raison du préjudice direct et actuel qu'il subit, une rente annuelle payable par trimestres échus avec jouissance du 23 décembre 1973 qui sera majorée en lui appliquant les coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 455 du code de la sécurité sociale; que, dans les circonstances de l'espèce, le montant de ladite rente doit être fixé à 18 000 F; que les arrérages échus devront porter intérêts au taux légal à compter de leurs échéances respectives jusqu'au jour ou paiement à l'exception de ceux échus avant la date de réception par le centre hospitalier de Purpan de la demande d'indemnité des époux Rousseau, qui porteront intérêts à compter de cette date;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 février 1978; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne:
Considérant en premier lieu que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a droit au remboursement des prestations qu'elle a servies pour le jeune Patrice Rousseau au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, de déplacement, d'appareillage et d'hospitalisation, dont le montant non contesté s'élève à la date du 2 mars 1983 à la somme de 254 373,62 F, avec les intérêts de droit portant, à compter du 10 novembre 1977, sur la somme de 156 282,61 F, portée à 172 659,75 F à compter du 31 août 1979, portée à 192 978,95 F à compter du 8 juillet 1980 et portée à 254 373,62 F à compter du 3 mars 1983;
Considérant en second lieu, que la caisse est fondée à demander le remboursement des sommes qu'elle sera amenée à débourser, au fur et à mesure de ces débours, pour le renouvellement et la réparation des appareillages et des chaussures orthopédiques dans la limite d'un capital représentatif dont le montant non contesté s'élève à 146 784,78 F; qu'en revanche, la caisse n'est pas fondée à demander le remboursement d'autres prestations qu'elle pourrait être amenée à assurer ultérieurement à raison des soins dispensés au jeune Rousseau et qui n'ont pas un caractère certain;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 août 1979; qu'à cette date il n'était demandée le 5 juin 1981 et le 3 mars 1983; qu'à ces deux dernières dates il était dû au moins une année d'intérêts; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit seulement à ces deux dernières demandes de capitalisation.
DECIDE
Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 janvier 1978 est annulé.
Article 2: Le centre hospitalier de Purpan paiera au jeune Patrice Rousseau, jusqu'au 24 mars 1987, une rente annuelle de 18 000 F payable par trimestres échus avec jouissance au 23 décembre 1973, qui sera majorée par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 455 du code de la sécurité sociale. Les arrérages échus porteront intérêts au taux légal à compter de leurs échéances respectives à l'exception de ceux échus avant la date de réception par le centre hospitalier de Purpan de la demande d'indemnité des époux Rousseau qui porteront intérêts à compter de cette date. Les intérêts échus le 27 février 1978 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3: Le centre hospitalier de Purpan paiera a la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 254 373,62 F avec les intérêts de droit sur la somme de 156 282,61 F à compter du 10 novembre 1977, portée à 172 659,75 E à compter du 31 août 1979, portée à 192 978,95 F à compter du 8 juillet 1980 et portée à 254 373,62 F à compter du 3 mars 1983. Les intérêts échus le 5 juin 1981 et le 3 mars 1983 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4: Le centre hospitalier de Purpan remboursera en outre à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, au fur et à mesure de ses débours et dans la limite de la somme totale de 146 784,78 F, les frais de renouvellement d'appareillage et de chaussures orthopédiques.
Article 5: Le surplus des conclusions de la requête des époux Rousseau et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est rejeté.