Jurisprudence : Cass. com., 30-11-2022, n° 20-18.884, FS-B, Cassation

Cass. com., 30-11-2022, n° 20-18.884, FS-B, Cassation

A45488WD

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CO00732

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046683059

Référence

Cass. com., 30-11-2022, n° 20-18.884, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90265623-cass-com-30112022-n-2018884-fsb-cassation
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Abstract


COMM.

DB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022


Cassation sans renvoi


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 732 FS-B

Pourvoi n° Q 20-18.884


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022


La société [F] participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-18.884 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, domicilié [… …], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [F] participations, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Aa, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2020) et les productions, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, Ab [Ac] [F] [R], [O] [F] et [G] [F] et MM. [T] [F], [D] [F], [W] [F] et [S] [F] (les consorts [F]), associés dans la société civile immobilière NSG, ont cédé l'usufruit temporaire des parts qu'ils détenaient dans cette société à la société [F] participations, qui a acquitté le droit fixe prévu à l'article 680 du code général des impôts🏛.

2. Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts🏛🏛, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l'administration fiscale a notifié à la société [F] participations une proposition de rectification des droits d'enregistrement pour l'année 2012.

3. Après le rejet partiel de sa réclamation contentieuse, la société [F] participations a assigné l'administration fiscale en décharge des droits supplémentaires mis en recouvrement.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société [F] participations fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012, alors « que seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7, 15 et 20 mars 2012 que la société civile immobilière NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de vingt ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] participations ; que cette dernière n'est devenue propriétaire, avec la jouissance qui y est attachée, que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participations, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 726 du code général des impôts🏛, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011🏛 de finances pour 2012, et l'article 578 du code civil🏛 :

5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement proportionnel.

6. Aux termes du second, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Il en résulte que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l'usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.

7. Pour retenir que la cession de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, conclue entre les consorts [F] et la société [F] participations, entrait dans le champ d'application de l'article 726 du code général des impôts🏛 et rejeter la demande de décharge des droits d'enregistrement supplémentaires réclamés, l'arrêt énonce que le terme « cession », au sens de cet article, n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales, mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l'usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci, même si d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à une telle différenciation. Il retient encore que la cession litigieuse a entraîné le transfert d'éléments de participation dès lors qu'en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de la société civile immobilière NSG, qui ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes, ont également perdu leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées.

8. En statuant ainsi, alors que la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui précède que l'acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, portant cession, par les consorts [F] à la société [F] participations, de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, n'est pas soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts🏛🏛.

12. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement, d'annuler la décision du 16 mars 2015 ayant rejeté partiellement la réclamation de la société [F] participations et de prononcer la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement contre cette société.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement ;

Annule la décision du 16 mars 2015 rejetant partiellement la réclamation de la société [F] participations ;

Prononce la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement ;

Condamne le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales et le condamne à payer à la société [F] participations la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [F] participations.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société [F] Participations de ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient la société appelante le terme « cession » n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou son démembrement telle la cession d'usufruit ou de la nue-propriété ; que les premiers juges ont justement relevé que l'article 726, I, 2° du code général des impôts🏛🏛 ne distingue pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement, peu important que d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à cette différenciation ; que les dispositions de l'article 726, I, 2° du code général des impôts🏛🏛 étant claires donc exclusives d'interprétation, la société appelante est mal fondée à soutenir qu'il conviendrait de procéder à une interprétation stricte de la loi fiscale ; que la société appelante est également mal fondée à soutenir que, au sens de l'article précité, la cession en litige ne porterait sur aucune participation dès lors que la société cédante conserverait la nue-propriété des titres ; qu'en effet, en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de SCI NSG ont perdu leur droit de dividendes ainsi que leur droit de vote afférents aux parts sociales cédées ; que des éléments de participation ont été ainsi transférés et qu'il s'en déduit que la « cession d'usufruit temporaire de parts sociales » conclue les 7, 15 et 20 mars 2012 entre les consorts [F] et la société [F] participations de parts sociales de la SCI NSG entre dans le champ d'application de l'article 726, I, 2° du code général des impôts🏛🏛 ;

ALORS QUE seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5% ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7,15 et 20 mars 2012 que la SCI NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de 20 ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] Participation ; que cette dernière n'est devenue propriétaire avec la jouissance qui y est attachée que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participation, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts🏛.

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