Jurisprudence : CE 9/7 SSR, 16-04-1980, n° 10828

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 10828

M. xxxxx

Lecture du 16 Avril 1980

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-Section

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour M. xxxxx, demeurant xxxxx ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 janvier et 7 juin 1978 et tendant à que le Conseil: 1°) annule le jugement en date du 3 novembre 1977 par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de lui accorder, sous réserve d'une réduction de 417 F au titre des droits de l'année 1967, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenue des personnes physiques auxquelles il a été assujetti au titre des années 1966, 1967 et 1968, dans les rôles de la ville de xxxxx; 2°) accorde la décharge desdites impositions, et subsidiairement, accorder la réduction de ces impositions;

Vu le code général des impôts;

Vu le décret du 27 décembre 1966;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977.

Sur l'évaluation des résultats de l'exploitation de location en meublé de M. xxxxx pendant les années 1966 et 1967:
Considérant qu'aux termes de l'article 15-II du code général des impôts, dans la rédaction applicable aux impositions litigieuses: "les revenus des logements dont les propriétaires se réservent la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques"; qu'en contrepartie de cette exonération, le propriétaire ne peut déduire de son revenu imposable les charges foncières afférentes à un logement dont il se réserve la jouissance; qu'aux termes de l'article 34 du même code: "Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale"; que le fait de donner habituellement en location des locaux garnis de meubles meublants constitue l'exercice d'une profession commerciale au sens de l'article 34; que le propriétaire qui exerce cette profession et décide de faire figurer ces locaux à l'actif du bilan de son entrepirse est en droit, s'il est imposé d'après son bénéfice réel, de déduire de ses revenus imposables la totalité des charges de propriété et des frais de gestion afférents auxdits lecaux, ainsi que les amortissements dans la mesure oû, comme l'exige l'article 31 de l'annexe II au code précité, ils n'excèdent pas le montant du loyer diminué du montant des autres charges; qu'il doit, en evanche, comprendre dans ces revenus l'avantage en nature que lui procure la jouissance gratuite de ses appartements pendant la période oû il les occupe personnellement;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. xxxxx a loué en 1966 deux logements et en 1967 un logement, dont il était propriétaire à xxxx et qu'il avait fait figurer depuis le 1er janvier 1966 à l'actif du bilan de l'entreprise personnelle de location qu'il exploitait ainsi; qu'il a occupé personnellement l'un de ces logements pendant le mois d'août 1966 et les vacances de Noël 1966 et 1967; que, pour ces deux années, il avait régulièrement opté pour l'imposition selon le bénéfice réel;
Considérant que, comme le ministre du budget le reconnaît d'ailleurs devant le Conseil d'Etat, la Décision prise par M. xxxxx en inscrivant ses appartements à l'actif du bilan de son entreprise était opposable à l'administration; qu'il suit de là que c'est à tort que celle-ci a estimé que le contribuable s'était réservé la jouissance de ses logements et lui a, par application de l'article 15 -II précité, dénié le droit de déduire de ses revenus imposables les charges afférentes à ces logements; qu'elle était seulement fondée, par application de l'article 31 de l'annexe II, à s'opposer à la déduction des amontissements dés lors que les autres charges déductibles étaient, à elles seules, supérieures aux loyers perçus; qu'en revanche le requérant, comme il le reconnaît d'ailleurs devant le Conseil d'Etat, devait comprendre dans ses revenus imposables l'avantage en nature résultant de la jouissance gratuite du logement qu'il a occupé personnellement; qu'il n'est pas contesté que, compte tenu des charges déductibles et de l'avantage en nature définis ci-dessus, la location par M. xxxxx de ses appartements a fait apparaître un déficit de 12 006 F en 1966 et 7 248 F en 1967; que c'est à tort que l'administration a ramené ces déficits respectivement à 1 000 F et 3 225 F;

Sur l'imposition de la plus-value réalisée en 1967 sur la vente de l'un des logements:
Considérant que la plus-value réalisée par M. xxxxx lors de la revente en 1967 de l'un des appartements figurant à l'actif du bilan de son entreprise était imposable non selon les modalités prévues à l'article 35 A du code général des impôts, qui ne concerne pas les plus-values provenant de la cession d'éléments d'actif immobilisés d'une entreprise, mais selon les règles tracées à l'article 39 duodecies, qui dispose que ces plus-values sont soumises à des régimes différents suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme; que, selon le même article, le régime des plus-values à court terme est applicable notamment aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis depuis moins de deux ans; que l'article 39 quaterdecies 1 dispose que "le montant net des plus-values à court terme peut être réparti par parts égales> . . . sur l'année de la réalisation . . . et sur les quatre années suivantes" lorsque ces plus-values ont été réalisées au cours d'exercices clos le 1er octobre 1972 au plus tard;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'appartement de M. xxxxx a été vendu au prix net de 131 000 F après déduction de la commission d'agence; qu'il figurait à l'actif du bilan de l'entreprise au 1er janvier 1967 pour une valeur de 107 000 F; que si M. xxxxx prétend qu'il y avait lieu d'ajouter à cette valeur celle du mobilier et de l'équipement, qui auraient été vendus en même temps que l'appartement, il n'établit pas que ce mobilier et cet équipement aient figuré à l'actif du bilan de son entreprise au 1er janvier 1967 pour une valeur distincte de celle de 1'appartement; qu'ainsi la plus-value aurait dû être évaluée à 24 000 F; que, provenant de la cession d'un bien qui n'avait été inscrit à l'actif du bilan de l'entreprise qu'au 1er janvier 1966, soit depuis moins de deux ans, elle était imposable selon le régime des plus-values à court terme; qu'en l'absence de demande du contribuable tendant à ce qu'elle soit répartie sur l'année de sa réalsation et les quatre années suivantes, elle devait être imposée uniquement au titre de l'année de sa réalisation; que, dès lors, cette plus-value, qui n'a été comprise dans le revenu imposable de 1967 que pour une valeur de 8 269 F, doit y être réintégrée pour la totalité de son montant, soit 24 000 F; que l'augmentation de revenu imposable de 1967 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux qui résulte de cette réintégration est supérieure à la réduction du même revenu découlant de la prise en compte d'un déficit de 7 248 F, au lieu de 3 225 F, à laquelle M. xxxxx est en droit de prétendre ainsi qu'il a été dit ci-dessus; que, par suite, M. xxxxx n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des personnes physiques auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1967;

Sur l'imposition des revenus provenant de lalocation d'un logement meublé pendant l'année 1968:
Considérant qu'aux termes de l'article 302 ter 3 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 6 janvier 1966 et applicable à l'année d'imposition 1968, "1'option pour le régime d'imposition d'après le régime du bénéfice réel doit être notifiée à l'administration avant le 1er février de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie . . . Elle est valable pour ladite année et pour l'année suivante . . . ";
Considérant qu'il résulte de cette disposition que la notification faite par le contribuable en 1969 est tardive en ce qui concerne les résultats de l'année 1968; que ni la circonstance que les résultats de ladite année auraient été déclarés en 1969 sur des bases qui impliquaient l'application du régime d'imposition d'après le bénéfice réel, ni le fait que l'administration n'a notifié aucun forfait pour 1968 ne sauraient permettre au contribuable, dès lors qu'en raison de son chiffre d'affaires l'entreprise se trouvait placée sous le régime de l'évaluation forfaitaire et qu'aucune option en faveur du régime de bénéfice réel n'avait été régulièrement notifiée à l'administration, de faire état, au titre de 1968, de résultats déficitaires dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, déductibles du revenu global imposable; qu'ainsi M. xxxxx n'est pas fondé à se prétendre surtaxé du fait que l'administration et le tribunal administratif ont limité à 180 F le déficit déductible;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. xxxxx est seulement fondé à soutenir que le déficit commercial déductible de son revenu global de 1966 doit être porté de 1 000 F à 12 006 F et à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué.
DECIDE
Article 1er: Le déficit commercial déductible du revenu global de M. xxxxx imposable au titre de l'année 1966 est porté de 1 000 F à 12 006 F.
Article 2: Il est accordé à M. xxxxx décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu des personnes physiques auquel il a été assujetti au titre de l'année 1966 et celui qui résulte de l'article précédent.
Article 3: Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 novembre 1977 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles précédents.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête de M. xxxxx est rejeté.

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