Jurisprudence : CE Contentieux, 28-02-1996, n° 105846

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 105846

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK

Lecture du 28 Février 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 9 juillet 1989, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK dont le siège social est 8, rue des Orangers, à Amélie-les-Bains (66110) ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, sur la demande de M. Lalanne, d'une part, annulé l'arrêté du 13 février 1987 du maire d'Amélie-les-Bains autorisant la modification des articles 5 et 13 du réglement du lotissement "Tennis Park", d'autre part, annulé l'arrêté du 24 décembre 1987 du maire de la même commune lui accordant, sur le fondement de l'arrêté précité, le permis de construire un petit immeuble collectif sur le lot n° 5 du lotissement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. Lalanne devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes, - les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK, - les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 315-3 du code de l'urbanisme : "Lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d'un lotissement ou les trois quarts des propriétaires détenant au moins les deux tiers de ladite superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents, et notamment du cahier des charges concernant ce lotissement, lorsque cette modification est compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable au secteur où se trouve situé le terrain" ;
Considérant qu'en vertu de l'article 5 de son règlement, le lotissement "Tennis Park", situé sur le territoire de la commune d'Amélie-les-Bains (Pyrénées Orientales), se compose de neuf lots, numérotés de 1 à 9, réservés à la construction de maisons individuelles, de trois lots destinés à la réalisation de trois immeubles collectifs dénommés "Le Brasilia", "Le Florida" et "Le Miami", et de deux lots affectés à la voirie, aux réseaux divers, aux espaces verts et à l'accès aux propriétés voisines ; que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK ayant formé le projet d'édifier un immeuble collectif sur le lot n° 5 dont elle était restée, entre autres, propriétaire, un arrêté du maire d'Amélie-les-Bains, pris sur sa demande le 13 février 1987, a apporté aux articles 5 et 13 du règlement du lotissement les modifications nécessaires à l'exécution de ce projet ; que, par un arrêté ultérieur, du 24 décembre 1987, le maire a délivré à la société le permis de construire l'immeuble collectif envisagé ; que, sur la demande de M. Lalanne, propriétaire du lot n° 4, le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement dont la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK fait appel, annulé pour excès de pouvoir ces deux arrêtés, au motif que les modifications du règlement du lotissement sollicitées par cette société n'avaient pas été demandées ou acceptées dans les conditions de majorité requises par l'article L. 315-3 précité du code de l'urbanisme ;
Considérant que, pour l'application des règles posées par cet article dans un cas, comme celui de l'espèce, où le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles et d'immeubles collectifs en copropriété et comporte des lots affectés à d'autres usages que l'habitation, il y a lieu, d'une part, de compter pour une unité l'avis exprimé par chaque propriétaire individuel, quel que soit le nombre des lots qu'il possède, et par chaque copropriété, regardée comme un seul propriétaire, d'autre part, de ne retenir, pour le calcul des superficies du lotissement détenues par ces propriétaires, que celles des lots destinés à la construction d'habitations, à l'exclusion, par conséquent, des surfaces des lots affectés à d'autres usages ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la modification du règlement du lotissement sollicitée par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARKa obtenu l'assentiment, d'une part, des quatre propriétaires individuels des lots n° 1, 2, 7 et 8, de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK, détentrice d'une voix au titre des lots n° 5, 6 et 9, d'autre part, des copropriétés des immeubles "Le Florida" et "Le Brasilia", c'est-àdire de sept propriétaires au total ; que les copropriétaires de l'immeuble "Le Miami" ont émis leurs votes lors de deux assemblées générales ayant réuni, à des dates différentes, les copropriétaires des "blocs" B et C et les copropriétaires du "bloc" A ; que les premiers ont émis un avis favorable à la modification du règlement, tandis que les seconds ont assorti leur avis de réserves non levées à la date du 13 février 1987 à laquelle le maire d'Amélie-les-Bains a approuvé cette modification, de sorte que cet avis doit être réputé avoir été défavorable ; que la question de savoir si les avis ainsi exprimés par les copropriétaires des "blocs" B et C et par les copropriétaires du "bloc" A de l'immeuble "Le Miami" doivent être regardés comme valablement émis de sorte que, dans l'affirmative, la majorité des deux tiers prévue par l'article L. 315-3 du code de l'urbanisme se trouverait réunie puisque huit propriétaires sur onze auraient voté en faveur de la modification du règlement du lotissement, et que celle-ci aurait été légalement approuvée, sous réserve qu'il soit établi que cette majorité de propriétaires détenait les trois quarts au moins de la superficie des lots destinés à la réalisation de maisons individuelles et d'immeubles collectifs, ne peut être résolue en l'état du dossier ; qu'en effet, celui-ci ne fait pas ressortir si chacun des groupes de copropriétaires des "blocs" B et C et du "bloc" A de l'immeuble "Le Miami" avait régulièrement décidé, soit de constituer, en application de l'article 28 de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, une copropriété séparée habilitée comme propriétaire, à se prononcer sur la modification du règlement du lotissement, soit de former seulement, en application de l'article 27 de la même loi, un syndicat secondaire qui, n'ayant pour objet que d'assurer la gestion, l'entretien et l'amélioration interne des bâtiments des "blocs" B et C ou du bâtiment du "bloc" A, n'avait pas le pouvoir de donner avis, aux lieu et place de la copropriété de l'immeuble "Le Miami" dans son ensemble, de sorte que, dans ce dernier cas, la consultation des propriétaires du lotissement exigée par l'article L. 315-3 serait entachée d'une irrégularité affectant la légalité de l'arrêté du 13 février 1987 et, partant, de celle de l'arrêté du 24 décembre 1987 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner unsupplément d'instruction tendant à la production de tous documents permettant, d'une part, d'établir la portée juridique des avis exprimés par les assemblées générales ayant réuni les copropriétaires des "blocs" B et C et du "bloc" A de l'immeuble "Le Miami", et, notamment, des dispositions du ou des règlements de copropriété applicables à cet immeuble, d'autre part, de déterminer avec une plus grande précision les superficies des lots affectés à chacun des immeubles individuels et collectifs du lotissement "Tennis Park" ;
D E C I D E :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par la partie la plus diligente, des documents mentionnés dans les motifs de la présente décision.
Article 2 : Ces documents devront parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TENNIS PARK, à M. Lalanne, à la commune d'Amélie-les-Bains et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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