La société Keolis Lyon a interjeté appel de ce jugement, le 13 décembre 2019.
La société Keolis Lyon demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 décembre 2019, en ce qu'il a considéré le licenciement de Mme [N] sans cause réelle et sérieuse
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 décembre 2019, en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [N] la somme de 27 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 décembre 2019, en ce qu'il a condamné la société au paiement d'une indemnité de congés payés à hauteur de 3 397,61euros
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 décembre 2019 en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [N] la somme de 1 200 euros an titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 - confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 2 décembre 2019 pour le surplus
- débouter Mme [N] de sa demande de nullité du licenciement laquelle ne ressort pas de ses dernières écritures
En conséquence :
- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes
- juger irrecevables les demandes formulées par le syndicat CGT TCL faute de qualité d'intimé et à titre subsidiaire, débouter le syndicat CGT TCL de ses demandes
En tout état de cause,
- condamner Mme [N] et le syndicat CGT TCL solidairement, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient :
- qu'elle s'est livrée à une recherche loyale et sérieuse de reclassement au profit de Mme [N] en prenant en compte, les souhaits de la salariée particulièrement restrictifs et les préconisations du médecins du travail, et en interrogeant l'ensemble des entités du groupe Keolis sur les postes disponibles, susceptibles d'être proposés à Mme [N], au titre de son reclassement ;
- que sa mission principale est le transport de voyageurs, de la même manière que la majorité des sociétés du groupe, que cette mission comporte plus de 60% de ses effectifs, et qu'il s'agit du poste pour lequel Mme [N] a été déclarée inapte totalement, en une seule visite, par le médecin du travail ;
- qu' aucun poste ne correspondait aux aptitudes professionnelles de la salariée, ainsi qu'à ses souhaits, tels que précisés aux termes de sa fiche synoptique de reclassement; que les trois postes administratifs pourvus pendant la période de reclassement de Mme [N] ne correspondaient pas au profil professionnel de cette dernière ;
- que les deux postes de reclassement proposés à Mme [N] étaient parfaitement conformes aux préconisations du médecin du travail dans son avis d'inaptitude et correspondaient au profil processionnel de la salariée ;
- que sa pièce n°11, la fiche synoptique de renseignement, est tout à fait éclairante sur l'attitude de la salariée quant aux perspectives de reclassement au regard du caractère limitatif de ses souhaits de reclassement ;
- que le syndicat CGT des TCL n'est pas concerné par l'appel principal qu'elle a interjeté et ne dispose pas de la qualité d'intimée et ne peut donc pas interjeter un appel incident, et qu'en tout état de cause le préjudice d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'est pas rapporté par le syndicat.
Mme [N] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon rendu le 2 décembre 2019 en ce qu'il a dit et jugé que la société Keolis Lyon avait manqué à son obligation de reclassement
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 - confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 3397,61 euros au titre d'un rappel de congés payés du 29 octobre au 8 décembre 2015
- le réformer pour le surplus
- dire et juger que la pièce n°11 communiquée par la société Keolis Lyon constitue un moyen de preuve illicite et la rejeter des débats
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger que le licenciement notifié le 26 février 2016 est nul
Très subsidiairement,
- dire et juger que le licenciement notifié le 26 février 2016 est sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause,
- condamner la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail
- condamner la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 6 967,97 euros à titre de rappel du solde des indemnités journalières versées par la CPAM du Rhône du 16 mars 2012 29 mai 2015 et indûment retenues
- condamner la société Keolis à verser au Syndicat CGT des TCL la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession
- condamner la société Keolis à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 - condamner la société Keolis à verser au Syndicat CGT des TCL la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 - débouter la société Keolis Lyon de l'intégralité de ses demandes
- condamner la société Keolis Lyon aux entiers dépens de l'instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée du jugement à intervenir
Elle soutient :
- que la société Keolis Lyon n'a pas respecté l'article 44 de la section III de la convention collective des transports publics urbains de voyageurs en lui proposant deux postes de reclassement à un salaire inférieur à celui de sa catégorie professionnelle (coefficient 210) ;
- qu'elle aurait parfaitement pu occuper un poste de nature administrative, comptable ou commerciale dans la mesure où elle est titulaire d'un BEP en comptabilité et qu'elle a suivi une première année de Bac professionnel en comptabilité, mais que la société Keolis ne lui a fait aucune proposition de reclassement à Lyon alors qu'elle recrute toute l'année des salariés sur des postes précaires conformes à ses aptitudes, sa qualification et aux préconisations du médecin du travail, et pendant sa période de reclassement ;
- que la société Keolis Lyon devait également étendre ses recherches de reclassement au périmètre du groupe SNCF détenant 70% de la société Keolis ;
- que la société Keolis Lyon a délibérément compromis ses chances de reclassement au sein du groupe dans la mesure où elle leur a indiqué de manière mensongère que le périmètre de son reclassement était limité à Lyon et qu'elle ne se déplaçait pas en voiture, en se fondant sur une 'fiche synoptique de reclassement' dont elle n'a jamais eu connaissance, complétée par un membre de la direction, et qui constitue un moyen de preuve illicite devant être écarté.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022.
SUR CE :
- Sur la demande de nullité du licenciement :
Mme [N] soulève, à titre principal, la nullité de son licenciement, faute pour la société Keolis Lyon d'avoir pris les mesures édictées à l'
article L.5213-6 du code du travail🏛 afin de la maintenir dans un emploi malgré son handicap. Mme [N] en conclut que son licenciement était en réalité fondé sur son état de santé.
Mme [N] soutient que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé le 18 mars 2015 et que sa situation de handicap aurait dû lui permettre d'avoir accès aux mesures favorisant le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.
Elle fait grief à la société Keolis de n'avoir jamais envisagé le handicap afin de favoriser son maintien dans l'emploi en sollicitant auprès de l'AGEFIPH des aides financières ou des actions de formation.
La société Keolis Lyon conclut à l'irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement par application des dispositions de l'
article 910-4 du code de procédure civile🏛 qui imposent aux parties de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
La société Keolis Lyon fait valoir qu'en l'espèce, Mme [N] n'a formulé sa demande aux fins de nullité du licenciement qu'au stade de ses conclusions d'intimée récapitulatives et responsives n°2, en septembre 2020, de sorte que la demande de nullité n'a pas été débattue en première instance. Elle fait observer que cette demande est fondée sur un unique arrêt de la cour de cassation du 3 juillet 2020, postérieur à l'audience devant le conseil de prud'hommes.
A titre subsidiaire, la société Keolis Lyon demande à la cour d'écarter la demande de nullité comme non fondée, en l'absence de toute discrimination en raison de l'état de santé de la salariée.
La société Keolis Lyon soutient qu'elle n'a jamais refusé de prendre des mesures appropriées pour permettre à Mme [N] de conserver son emploi, dés lors que la salarié n'a jamais fait la demande formelle de saisir le SAMETH ou de mettre en place toute mesure en lien avec son statut de travailleur handicapé.
****
Les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis, d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié. Ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable et il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dés lors que, si l'
article 910-4 du code de procédure civile🏛 exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions.
La société Keolis Lyon n'est par conséquent pas fondée en sa demande tendant à voir juger irrecevable la demande de nullité du licenciement.
L'
article L. 5213-6 du code du travail🏛, dans sa version issue de la
loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛, applicable au présent litige, énonce que :
'Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée (...).
Le refus de prendre ces mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.'
Et l'article 44 de la section III de la convention collective des transports publics urbains de voyageurs précise que les accidentés du travail ont droit au maintien dans l'emploi dans les conditions suivantes :
'(...)
a) dans leur emploi et avec le salaire de leur catégorie, lorsque leurs blessures ne les mettent pas en état d'infériorité manifeste pour l'occuper;
b) dans un emploi de moindre fatigue dans la limite des places disponibles et compte tenu de leur capacité professionnelle, mais avec priorité pour leur affectation à des places lorsque leur blessure les empêche de reprendre leur emploi précédent. Leur salaire est celui des agents de la catégorie dans laquelle ils entrent avec le maintien de leur ancienneté.'
Le régime probatoire en matière de discrimination est énoncé à l'article
L. 1134-1du code du travail aux termes duquel :
'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
Au soutien de la discrimination qu'elle invoque en raison de l'état de santé, Mme [N] soulève les éléments suivants :
- le fait que les deux postes de reclassement qui lui ont été proposés étaient à un salaire inférieur à celui de sa catégorie professionnelle ;
- l'exigence pour la salariée de répondre à l'ensemble du processus de recrutement pour prétendre aux postes proposés ;
- le défaut de toute proposition de reclassement à Lyon ;
- l'embauche, au cours de la période de reclassement, de personnels en qualité d'agents d'information et de vente et d'assistante administrative, lesquels n'exigeaient aucune condition de diplôme et étaient compatibles avec ses propres compétences.
Si la société Keolis Lyon souligne à juste titre que l'obligation de reclassement qui pèse sur elle est une obligation de moyen et non de résultat, il est cependant également constant que l'employeur est tenu de rechercher les possibilités de reclassement d'une manière active et sérieuse.
La société Keolis Lyon s'appuie sur les restrictions résultant de la fiche synoptique de reclassement de la salariée, dont il ressort l'absence de diplôme, un niveau bac comptabilité, l'absence d'expérience professionnelle qualifiante, le refus d'une rémunération inférieure dans le cadre du reclassement, ainsi que l'absence de mobilité, fiche qu'elle a adressée aux entités du groupe Keolis dans le cadre de sa recherche de reclassement.
Il apparaît cependant que ce document, qui est censé avoir été rempli par la salariée en vue de son entretien de reclassement, est contesté par Mme [N] qui soutient qu'elle n'est pas la rédactrice des mentions qui y figurent.
La société Keolis s'étonne de ce que les échanges postérieurs à l'entretien de reclassement n'aient pas donné lieu à une remise en cause par Mme [N] des souhaits qu'elle avait exprimés, et soutient que la fiche synoptique contestée tardivement et de façon opportuniste par la salariée correspond en réalité parfaitement à sa volonté.
Mais force est de constater que la fiche synoptique n'est ni datée, ni signée, que les termes précis de l'entretien de reclassement du 16 décembre 2015 ne sont pas connus à défaut de compte rendu; que le courrier du 26 janvier 2016 que la salariée termine comme suit :
' (...) Donc je pense que vous ne serez pas surpris de mon refus pour toutes les raisons que je vous ai détaillées ci-dessus, et surtout parce que ce postes de reclassement entraînent la modification d'éléments essentiels à mon contrat de travail (...)' ne confère aucune valeur probante aux mentions de la fiche synoptique.
Dés lors, la société Keolis Lyon n'est pas fondée à invoquer des restrictions à sa recherche de reclassement résultant de ce document, lequel n'est, par conséquent, pas opposable à Mme [Aa]. Et, quand bien même la salariée aurait exprimé de façon précise des limites en termes de mobilité géographique ou de modification du contrat de travail, la société Keolis Lyon ne pouvait se dispenser d'une recherche de reclassement complète.
En ce qui concerne les postes administratifs pourvus pendant la période de reclassement, soit :
- trois postes d'agent d'information et de vente pourvus entre le 17 décembre 2015 et le 8 février 2016 ;
- un poste d'agent d'accueil et d'information pourvu le 2 janvier 2016 ;
- un poste d'assistante administrative pourvu le 18 janvier 2016, la société Keolis verse aux débats les fiches métiers correspondant à ces différents postes et soutient d'une part, que Mme [Aa] ne présentait pas les compétences requises, ni le profil adéquat, d'autre part, qu'il s'agissait de contrats à durée déterminée pour de courtes périodes, destinés à répondre à un besoin ponctuel de la société.
Force est de constater cependant que nonobstant l'importance de ses effectifs, l'éventail très large de ses métiers, le nombre important de contrats terminés au cours du mois de décembre 2015 aux postes de conducteur receveur, mais aussi d'agent d'information et de vente, de magasinier, d'animateur, d'agent d'accueil et d'information, d'assistant marketing, notamment, l'employeur ne justifie d'aucune étude du poste de travail ou d'aménagement du poste du travailleur déclaré inapte ,et qu'elle n'est pas en mesure, par conséquent, de justifier des limitations en matière de compétence ou d'expérience qu'elle oppose à la salariée.
La cour observe en outre que l'employeur n'a pas consulté le médecin du travail sur la compatibilité entre l'état de santé de la salariée et l'un de ces postes ; qu'il n'a pas davantage consulté les organismes dédiés au reclassement des personnes handicapées tels que le SAMETH, susceptible de l'aider à trouver une solution de reclassement; que si la salariée n'a formulé aucune demande de saisine d'un tel organisme, il apparaît néanmoins qu'en s'abstenant de le faire, l'employeur s'est privé, sans justification objective, d'un moyen supplémentaire de faciliter le reclassement de la salariée.
Dés lors, la société Keolis ne justifie pas avoir pris les mesures appropriées au sens de l'
article L. 5213-6 du code du travail🏛 sus-visé, pour permettre à Mme [N], travailleur reconnu handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à sa qualification.
Il en résulte que Mme [N] a présenté des éléments laissant présumer une situation de discrimination en raison de son état de santé et que la société Keolis n'a combattu cette présomption par aucun élément pertinent. En effet, le refus par Mme [N] des deux postes qui lui ont été proposés n'apparaît nullement abusif dés lors que ces postes n'étaient pas comparables à l'emploi précédemment occupé que ce soit en termes de rémunération, d'implantation géographique ou encore de temps de travail et qu'il était légitime pour Mme [N] d'espérer une proposition adaptée à sa situation, dans un emploi comparable à celui qu'elle occupait précédemment au regard de l'importance du groupe auquel appartient la société Keolis Lyon.
Il en résulte que la société Keolis n'a pas justifié d'une recherche de reclassement sérieuse et loyale et que Mme [N] est par conséquent fondée à demander la nullité de son licenciement au visa des dispositions de l'
article L. 5213-6 du code du travail🏛.
Le jugement déféré qui a dit que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [R] [N] le 26 février 2016 ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, sera réformé en ce sens.
- Sur les dommages-intérêts :
Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par l'
article L1235-3 ancien du code du travail🏛, soit un montant égal aux salaires bruts perçus par le salarié pendant les six derniers mois.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Aa] âgée de 35 ans lors de la rupture, de son ancienneté de douze années et trois mois, du salaire moyen mensuel des trois derniers mois précédant l'accident du travail, soit 2 892, 09 euros, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture a été justement évalué par les premiers juges, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 27 000 euros à Mme [Aa], et de débouter cette dernière de sa demande pour le surplus.
- Sur la demande de rappel d'indemnités journalières :
Mme [N] expose que :
- son accident du travail a été pris en charge par la CPAM du Rhône, de la date de l'accident jusqu'au 29 mai 2015, date de sa consolidation ;
- la société Keolis Lyon a mis en oeuvre la subrogation du versement des indemnités journalières auprès de la CPAM du Rhône ;
- la société Keolis aurait dû non seulement maintenir sa rémunération intégrale mais également reverser l'intégralité des indemnités journalières versées par la CPAM du Rhône au titre de la subrogation, ce qu'elle n'a pas fait.
Mme [N] demande en conséquence la somme de 6 967,97 euros à titre de rappel de solde de ses salaires du 16 mars 2012 au 29 mai 2015.
La société Keolis Lyon s'oppose à cette demande. Elle soutient qu'elle n'a opéré aucune retenue au titre du solde des indemnités journalières de sécurité sociale perçues par Mme [N] et que la demande de cette dernière ne procède que d'une incompréhension manifeste du système de paie appliqué.
La société Keolis Lyon explique que lorsqu'elle verse son salaire à Mme [Aa], la CPAM n'a pas encore versé la somme due au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, de sorte que l'employeur verse, dans un premier temps, une provision, et régularise, après versement reçu par la CPAM, le paiement complémentaire le mois suivant.
La société Keolis Lyon produit les bulletins de salaire du 1er mars 2015 au 29 février 2016 pour illustrer le système de paiement qu'elle expose; indique qu'elle a appliqué ce procédé en deux temps sur l'ensemble de la période sollicitée et conclut qu'il appartient à MAae [N] de faire la transparence sur les bulletins de paie pour les années antérieures à 2015.
La société Keolis Lyon soutient en tout état de cause que la demande de Mme [N] est prescrite pour la période antérieure au 26 février 2013 par application des dispositions de l'
article L. 3245-1 du code du travail🏛.
****
Il résulte des dispositions de l'
article L. 3245-1 du code du travail🏛 que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La prescription triennale résultant de la
loi n°2013-504 du 14 juin 2013🏛 est entrée en vigueur le 17 juin 2013. Avant cette date, l'action en paiement ou en répétition du salaire était soumise à une prescription de cinq années par application de l'
article 2224 du code civil🏛.
Mme [N] ayant saisi la juridiction prud'homale par requête du 16 mars 2016, soit dans les trois ans suivant le 16 juin 2013, il convient d'appliquer les dispositions transitoires prévues par l'
article 21 de la loi du 14 juin 2013🏛 précitée selon lesquelles le nouveau délai de prescription s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Compte tenu de la période visée par la demande, soit du 16 mars 2012 au 29 mai 2015, soit moins de cinq ans avant la date d'introduction de la requête, la demande de Mme [N] n'est pas prescrite.
Mme [N] qui produit les attestations de paiements des indemnités journalières délivrées par la CPAM pour chaque année, ainsi que ses bulletins de salaire pour la période considérée, ne démontre pas que la société Keolis Lyon aurait fait une application erronée du principe de subrogation, chacun des bulletins de salaire mentionnant le salaire de base maintenu par l'employeur, le montant mensuel des indemnités journalières perçues par ce dernier et le montant de la différence versée à la salariée le mois suivant.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de cette demande.
- Sur la demande de rappel de congés payés pour la période du 9 novembre au 8 décembre 2015 :
Mme [Aa] demande la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Keolis Lyon à lui verser un rappel de congés payés de 3 397,61 euros pour la période du 29 octobre au 8 décembre 2015.
Mme [N] expose qu'elle a été placée en arrêt maladie du 29 mai au 28 octobre 2015 et que l'employeur a tardé à organiser la visite de reprise, laquelle n'a eu lieu que le 9 décembre 2015. Jusqu'à cette date, elle indique s'être tenue à la disposition de son employeur qui l'a cependant placée d'office en période de congés payés du 29 octobre au 8 décembre.
Mme [N] fait valoir que son contrat de travail restait suspendu jusqu'à la visite de reprise, de sorte que la société Keolis Lyon ne pouvait fixer un départ en congé sans respecter les règles édictées par l'
article L. 3141-13 alinéa 1er du code du travail🏛.
La société Keolis Lyon s'oppose à cette demande aux motifs :
- que la détermination des dates de congés constitue une prérogative de l'employeur qu'il tient de son pouvoir de direction ;
- qu'elle n'a pas ménagé ses efforts pour trouver une solution le plus rapidement possible compte tenu de la pénurie de médecins du travail au moment des faits ;
- qu'elle n'a nullement tardé à organiser la visite de reprise de la salariée, le délai dont elle disposait commençant à courir à compter de la fin de la période congés payés.
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Il résulte des dispositions de l'
article L. 3141-13 du code du travail🏛 que les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
Il en résulte que lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail.
En l'espèce, le contrat de travail de Mme [N] est resté suspendu jusqu'à la date de la visite médicale de reprise, soit le 9 décembre 2015, de sorte que l'employeur ne pouvait imposer à la salariée de prendre ses congés dans l'attente de la visite médicale de reprise et qu'il est indifférent que le délai d'organisation de cette visite médicale ne soit pas imputable à la société Keolis Lyon.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Keolis Lyon à payer à Mme [N] la somme de 3 397,61 euros à titre de rappel de salaire.
- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession :
La société Keolis Lyon conclut à l'irrecevabilité de cette demande aux motifs que :
- la société Keolis Lyon a interjeté un appel limité du jugement déféré, concernant seulement Mme [N], de sorte que le syndicat CGT TCL n'est pas concerné par l'appel principal qu'elle a interjeté;
- faute de déclaration d'appel établie par le syndicat CGT TCL à l'encontre du jugement du 2 décembre 2019, le syndicat ne peut prétendre ni à la qualité d'intimé à titre principal, ni à celle d'appelant à titre incident.
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La société Kéolis qui n'y avait pas intérêt n'a pas intimé le syndicat CGT TCL devant la cour.
Le syndicat CGT TCL n'a pas formé appel du jugement qui l'a débouté de ses demandes.
Son appel incident formé par voie de conclusions devant la cour doit être déclaré irrecevable.
- Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Le licenciement étant nul, l'
article L.1235-4 ancien du code du travail🏛 n'est pas applicable.
Il convient d'infirmer le jugement qui a ordonné d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation.
- Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Keolis Lyon les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à Mme [N] une indemnité au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
La société Keolis Lyon, partie perdante au sens de l'
article 696 du code de procédure civile🏛, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.