CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 10404
Sté des Ftablissements Cruse fils et frères
Lecture du 09 Mai 1980
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 2ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée le 19 décembre 1977 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et le mémoire complémentaire, enregistré le 22 mai 1978, présentés pour les Etablissements Cruse fils et frères dont le siège est à Bordeaux, quai des Chartrons, et tendant à ce que le Conseil d'Etat; 1°) annule le jugement du 28 octobre 1977 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 13 mai 1974 par laquelle le ministre de l'Agriculture a confirmé le déclassement de 168,18 hectolitres de "Listrac" en vins de table, 2°) annule pour excès de pouvoir cette décision;
Vu la loi du 1er août 1905;
Vu le règlement du Conseil des communautés européennes n° 817-70 du 28 avril 1970;
Vu le règlement de la Commission des Communautés européennes n° 1967-70 du 25 août 1970;
Vu le décret n° 72-309 du 21 avril 1972;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête;
Considérant qu'en vertu de l'article 2 - 3 b du règlement n° 1697/70 de la Commission des Communautés européennes en date du 25 août 1970, le déclassement des "vins de qualité produits dans des régions déterminées" au nombre desquels figurent notamment en France les vins à appellation d'origine contrôlée peut intervenir "s'il est constaté... que le vin en cause ne correspond plus aux exigences concernant la couleur, la limpidité, l'odeur et la saveur"; que, d'après l'article 7 du décret n° 72-309 du 21 avril 1972, le déclassement est prononcé par le préfet, au vu des conclusions établies par un directeur de laboratoire agréé après avis d'experts dégustateurs et, sur recours des intéressés, par le ministre de l'Agriculture après avis d'une commission nationale; qu'eu égard tant aux effets du déclassement qu'à la nature particulière des examens sur lesquels il est fondé, les décisions de déclassement ne peuvent légalement intervenir qu'après que les intéressés aient été mis à même de discuter l'avis des experts ou de la commission;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 13 mai 1974, par laquelle le ministre de l'Agriculture a confirmé la décision du Préfet de la Gironde retirant l'appellation d'origine contrôlée "Listrac" à 168,18 hectolitres de vinappartenant à la Société anonyme Cruse et fils frères, est intervenue sans que cette société ait été mise à même de discuter l'appréciation portée sur ce vin par la commission nationale; qu'ainsi, bien que la société requérante ait présenté des observations sur le procès-verbal de prélèvement, puis à l'appui du recours qu'elle a formé devant le ministre de l'Agriculture contre la décision du Préfet de la Gironde, la décision du 13 mai 1974 a été prise à la suite d'une procédure irrégulière; que la Société anonyme Cruse et fils frères est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 28 octobre 1977, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision;
Sur les commes qui ont pu être versées à titre de dépens de première instance et sur les frais d'expertise:
Considérant que le Tribunal administratif de Bordeaux a rendu son jugement avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1977; que, dans les circonstances de l'affaire, les sommes qui ont pu être versées à titre de dépens de première instance, y compris les frais d'expertise, doivent être supportées par l'Etat.
DECIDE
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux, en date du 28 octobre 1977, ensemble la décision du ministre de l'Agriculture en date du 13 mai 1974, sont annulés.
Article 2 - Les sommes qui ont pu être versées à titre de dépens de première instance, y compris les frais d'expertise, seront supportées par l'Etat.