Jurisprudence : Cass. civ. 1, 23-11-2022, n° 21-24.103, F-B, Rejet

Cass. civ. 1, 23-11-2022, n° 21-24.103, F-B, Rejet

A35938UM

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100855

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046652025

Référence

Cass. civ. 1, 23-11-2022, n° 21-24.103, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90063807-cass-civ-1-23-11-2022-n-21-24-103-f-b-rejet
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Abstract


CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022


Rejet


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 855 F-B

Pourvoi n° G 21-24.103


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022


Mme [F] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-24.103 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (deuxième chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2021), après avoir subi, le 17 février 2010, en raison d'une surchage pondérale, une réduction de l'estomac par voie coelioscopique, Mme [P] a présenté le 20 février suivant une infection consécutive à la survenue d'une fistule digestive durant l'intervention.

2. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ayant ordonné une expertise médicale et écarté l'existence d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale et d'une infection nosocomiale, Mme [P] a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation.


Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable ; qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

2°/ qu'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue,
inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques" et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite "l'accident médical, cause de l'infection survenue", comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

3°/ qu'en retenant "l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire", sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour :

5. Selon le I, alinéa 2, de l'article L. 1142-1, du code de la santé publique🏛, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Selon le II, lorsque la responsabilité d'un tel établissement service ou organisme n'est pas engagée, une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle présente un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

6. Selon l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code🏛🏛, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.

7. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

8. Il s'en déduit :

- que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge,
- qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient.

9. Après avoir, d'une part, retenu l'existence d'un accident médical non fautif lié à la survenue de la fistule et exclu son indemnisation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité du dommage, d'autre part, écarté le caractère nosocomial de l'infection au motif qu'elle était secondaire à cet accident, la cour d'appel a constaté que Mme [P] sollicitait l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire.

10. Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées.

11. Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile🏛🏛, à ceux écartant le caractère nosocomial de l'infection, justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué de L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation,

1°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable : qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques » et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite « l'accident médical, cause de l'infection survenue », comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

3°) ALORS QU'en retenant « l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire », sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même (pièce n°3 des conclusions d'appel de Mme [P]), la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ;

1°) ALORS QUE pour se déterminer sur la condition d'anormalité du dommage, il appartient aux juges du fond de rechercher si l'intervention était indispensable eu égard à l'état de santé du patient à la date à laquelle elle a été pratiquée ; qu'en excluant l'anormalité du dommage subi par Mme [P], sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intervention chirurgicale était, à la date à laquelle elle a été pratiquée, indispensable au regard de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

2°) ALORS QU'en retenant « qu'il ressort de l'expertise (discussion en page 7/14, incluse dans le rappel du rapport du 29 novembre 2011 sous le titre 3) que « Mme [P] présentait une obésité morbide justifiant une indication de chirurgie bariétique, dont elle a pris la décision en connaissance de cause », que Mme [P] « ne démontre pas que l'accident médical survenu à la suite de cette intervention a eu des conséquences notamment plus graves que celles auxquelles elle était exposée en raison de son obésité morbide, de manière suffisamment probable, si elle n'avait pas subie cette intervention », qu' « au contraire, l'Oniam produit en cause d'appel « une analyse médicale critique » du Dr [O], chirurgien viscéral, rédigée le 6 juin 2019, soulignant les risques de diabète, maladie cardio-vasculaire et cancer, entraînés par l'excès de poids, ainsi que le risque plus élevé de décès des sujets présentant une obésité morbide, et concluant que le résultat de la chirurgie bariatique peut être qualifié de bon, en ce qui concerne la parte de poids de Mme [P] (83 kg en 2013, poids stable repuis 2011), alors que « le dommage présenté actuellement, avec un DFP à 10%, est nettement moins grave que les risques qu'elle qu'elle encourait avec une obésité morbide à l'âge de trente ans » », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère indispensable de l'intervention eu à égard à l'état de santé de Mme [Aa] au moment de cette intervention, a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique🏛 ;

3°) ALORS QUE lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'en se fondant sur la probabilité générale de subir une fistule lors d'une intervention telle que celle subie par Mme [P], au lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique🏛.

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